[Info Public Sénat] Mathieu Darnaud succède à Bruno Retailleau à la tête du groupe LR au Sénat

Le sénateur LR de l’Ardèche est élu à la présidence du groupe LR du Sénat, après le départ de Bruno Retailleau pour le ministère de l’Intérieur. Ce proche de Gérard Larcher est un spécialiste des collectivités territoriales. Mais avec 85 voix sur 131 sénateurs et 39 abstentions, son élection est marquée par « une manifestation de grogne » sur les conditions de ce changement à la tête du groupe.
François Vignal

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Mathieu Darnaud. Il va falloir retenir ce nom. C’est le nouveau président du groupe LR du Sénat. Il prend la succession de Bruno Retailleau, nommé ministre de l’Intérieur du gouvernement Barnier. Il a obtenu 85 voix, sur les 131 sénateurs du groupe. On ne compte pas moins de 39 votes blancs et 7 absents. Un signal de mécontentement.

Il était le seul candidat, après le retrait de Roger Karoutchi. Ce dernier s’était lancé avec le soutien de Bruno Retailleau et de Gérard Larcher, avec l’idée d’occuper un intérim. Une solution décidée un peu trop vite aux yeux de certains, qui ont appelé Mathieu Darnaud, 49 ans, à se lancer, au nom du « renouvellement ». « On a fait passer le message que dans un groupe où vous êtes plus de 130 élus, il faut faire attention à ne pas décider en cercle très restreint », glisse un sénateur LR. De là à y voir une révolution de Palais…

Le nouveau ministre a finalement demandé « expressément » à Roger Karoutchi de se retirer, laissant le champ libre. Si les sénateurs évitent ainsi de paraître divisés, reste que l’épisode a bousculé le groupe en interne. Au point d’amener Roger Karoutchi, qui était absent ce matin, à lancer son propre club, « Les Sages du Palais », qui compte déjà « 35 membres », 24 heures après son lancement, confie l’ancien ministre des Relations avec le Parlement.

« Manifestation de grogne pour le manque de transparence »

S’il ne fait pas le plein des voix, Mathieu Darnaud ne cachait pas un certain sourire, en donnant sa première réaction à la sortie. « C’est une mission qui m’oblige et dont je mesure toute la responsabilité », « une mission qui sera exaltante et qui exigera de l’unité dans notre groupe et l’envie d’accompagner Michel Barnier et son gouvernement, tout en gardant l’indépendance de notre groupe », affirme le nouveau président du groupe LR, qui entend évidemment « porter les sujets territoriaux », mais aussi, avec le groupe, « apporter des solutions » aux questions « de l’autorité de l’Etat, de la crise agricole, celle du logement ou sur l’économie ».

Reste qu’avec 39 abstentions et 7 absents, soit 46 voix manquantes, il ne fait pas le carton plein. « C’est clairement une manifestation de grogne pour le manque de transparence sur la méthode », selon un sénateur LR. « Ça évite au moins un score à la soviétique », sourit un autre sénateur, qui souligne que « ce groupe est marqué par des histoires, des positionnements ». Le même ajoute :

 Mathieu Darnaud n’a pas carte blanche. Ça reste une belle élection, mais à lui de rassembler maintenant. 

Un sénateur LR.

L’intéressé ne veut pas donner plus de signification à ce score de 85 voix. « Je ne fais pas d’interprétation, c’est la vie démocratique », balaie Mathieu Darnaud, « il est normal que tout le monde s’exprime. L’unité, c’est par définition respecter les sensibilités ».

Intérim… jusqu’à un certain temps

En cas de retour rapide de Bruno Retailleau au Sénat, serait-il prêt à laisser la place, comme Roger Karoutchi s’y était engagé ? Mathieu Darnaud ne dit pas non. « Il est évident, que s’il y avait un sujet à court terme, nous en reparlerons. Maintenant, nous sommes là pour avancer », répond le successeur du sénateur de Vendée. « Ils ont évoqué ça avec Bruno Retailleau. Si la participation au gouvernement est brève, je pense que Bruno reprendra sa place. Mais si ça dure, ce sera Mathieu », confie un membre du groupe.

S’il n’est pas connu du grand public, Mathieu Darnaud, élu sénateur depuis 2014, est l’une des figures de la Haute Assemblée. « C’est un profil nouveau, qui s’est construit patiemment », remarque un de ses collègues. Celui qui a soutenu Michel Barnier, lors de la primaire LR pour la présidentielle, se définit comme un gaulliste social. Il connaît bien aussi Laurent Wauquiez, l’Ardèche faisant partie de la région. Il a été maire de Guilherand-Granges, ville de 11.000 habitants, entre 2008 et 2017.

Refus d’entrer au gouvernement

Le sénateur LR de l’Ardèche, père de trois enfants, est d’abord un spécialiste des collectivités, expertise qu’il a développée au sein de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Il est 1er vice-président de la Haute assemblée, poste qui l’amène à représenter l’institution. Son élection à la tête du groupe va entraîner une autre élection. Les LR désigneront, lors d’un vote interne, son remplaçant à la vice-présidence, le 15 ou 22 octobre prochains.

Mathieu Darnaud est un proche du président du Sénat, Gérard Larcher. L’homme fort de la Haute assemblée a même poussé son nom pour entrer au gouvernement. Une proposition lui a été faite, aux Outre-Mer. Mais Mathieu Darnaud a refusé, selon nos informations. Il voulait les collectivités.

Passion territoires

Une passion des territoires toute sénatoriale. Le nouveau président de groupe entend d’ailleurs fixer le cap vers le prochain scrutin local, les municipales de 2026, et bien sûr les sénatoriales, dans la foulée. Un renouvellement essentiel, alors que le groupe LR a commencé à perdre quelques sièges lors du scrutin de 2023.

Celui que certains, comme la sénatrice centriste Nathalie Goulet, surnomment « bébé Larcher », devrait prendre davantage de poids politique, et la lumière, dans ce poste exposé. La nouvelle configuration politique, avec Michel Barnier soutenu par les LR, va donner au groupe LR du Sénat un rôle moteur dans la fabrique de la loi, face à une Assemblée divisée en trois grands blocs et sans majorité absolue.

« Volonté d’émancipation »

S’il est proche du président du Sénat, il ne faut pas voir pour autant la main de Gérard Larcher derrière son arrivée à la tête du groupe. « C’est plus compliqué que ça », soulignait un sénateur LR la semaine dernière, d’autant que la première solution choisie par Bruno Retailleau et Gérard Larcher était la carte Karoutchi. Un autre y voyait même une « volonté d’émancipation (de Mathieu Darnaud) ou de prendre date, avec un nouveau mode de gouvernance des sénateurs LR ». Certains de ses amis l’ont incité à se lancer, sans attendre.

Mathieu Darnaud va maintenant devoir imprimer sa marque. « C’est un vrai passionné de la chose publique, donc de la politique, qui connaît très bien les territoires. Il a une analyse très solide, très nourrie par les nombreuses visites qu’il fait sur le terrain », salue le sénateur Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il remarque « un signal intéressant : il est élu d’un département qui n’est pas des plus privilégiés ». « Je l’ai accueilli à plusieurs reprises. Il se souvient de tout, par cœur », ajoute encore le sénateur de la Meurthe-et-Moselle. « Mathieu connaît ses dossiers, il a de la repartie. Il est capable de mener », salue encore un de ses soutiens.

« On ne doit pas être une majorité sénatoriale godillot »

Si certains voyaient déjà, la semaine dernière, son arrivée à la tête du groupe comme « une rampe de lancement vers le Plateau », la présidence du Sénat, une telle perspective paraît encore lointaine et incertaine. Dans l’immédiat, Mathieu Darnaud va devoir faire vivre un groupe qui va devoir changer son logiciel. « On n’est plus dans l’opposition mais dans la participation à une aventure majoritaire. On ne doit pas être une majorité sénatoriale godillot », prévient un sénateur LR, qui défend « un soutien, tout en étant exigeant ». Premiers travaux pratiques pour Mathieu Darnaud, dès mercredi, lors de sa réponse au discours de politique générale de Michel Barnier, au Sénat.

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