C’est une mesure qui avait fait beaucoup parler. En septembre dernier, mois de l’ouverture de la chasse, un rapport sénatorial sur la sécurisation de cette activité remettait une trentaine de propositions parmi laquelle : l’interdiction de la consommation d’alcool et des stupéfiants durant la chasse. « On a senti l’émoi dans la population car tout le monde pensait qu’il était déjà interdit de chasser alcoolisé », explique Daniel Salmon, sénateur écologiste, membre de la mission d’information du Sénat.
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Selon les informations du Parisien, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, réfléchit à contrôler à l’alcoolémie des chasseurs en s’appuyant sur les quantités autorisées pour les automobilistes. L’interdiction s’appliquerait également à l’intérieur des forêts privées. « Tout l’enjeu va être dans les moyens donnés pour les contrôles. « Il n’y a que 300 agents pour tout le territoire à l’Office français de la biodiversité (OFB). Quant à la gendarmerie, ce n’est pas sa mission première », relève Daniel Salmon.
« J’ai échangé avec la ministre la semaine dernière et j’ai compris qu’elle voulait avancer rapidement sur le sujet de la sécurisation de la chasse. Les accidents de chasses sont de plus en plus médiatisés et tant que la chasse sera ouverte, les associations qui sont très actives vont les relayer », constate Patrick Chaize (LR), le rapporteur de la mission.
« C’est sûr que question médiatisation, on est servis. C’est un scandale comment les chasseurs sont traités dans les médias alors qu’en 20 ans, on a divisé par quatre le nombre d’accident pour quatre fois plus de coups de fusil. Nous sommes stigmatisés, humiliés, persécutés », s’emporte Willy Schraen, le président de la Fédération Nationale des chasseurs.
« 9 %, c’est le nombre d’accidents de chasse liés à l’alcool »
Pour le sénateur de l’Ain, interdire l’alcool à la chasse est « un signal fort », mais « elle n’est pas la plus urgente d’un point de vue sécuritaire ». Dans leur rapport, les sénateurs avaient chiffré à 9 % le nombre d’accidents de chasse liés à l’alcool. « On a retenu cette mesure parce que les fédérations de chasseurs ont eu une attitude de rejet vis-à-vis de notre rapport. Ils ont dit qu’on les stigmatisait et qu’on les faisait passer pour des ivrognes. Les choses commencent à évoluer mais au départ, les chasseurs étaient sur une position très dure, ne voulant pas avancer sur plusieurs sujets », regrette Patrick Chaize.
En effet, le jour de la sortie du rapport, le président de la Fédération Nationale des chasseurs, Willy Schraen avait affirmé dans un communiqué qu’il s’agissait de « 30 propositions liberticides ». (Ce rapport) « a oublié d’en mentionner une 31ème : interdire tout bonnement la chasse ! Ce qui reviendrait au même et serait plus sincère de la part de ces sénateurs, sous influence des anti-chasse », avait-il accusé.
« Des chasseurs m’ont écrit spontanément pour me dire qu’ils arrêtaient de boire du blanc en arrivant à la cabane et que depuis ils buvaient du café », contrecarre Patrick Chaize.
Willy Schraen indique pour sa part « n’avoir aucun problème » à réglementer l’alcool à la chasse. « Moi-même, je n’ai aucune envie de me retrouver à côté d’un chasseur en état d’ébriété mais il faut en discuter. Je ne vois pas pourquoi on interdirait de boire de l’alcool à un traqueur qui n’a pas de fusil ».
Certains présidents de fédérations départementales ne connaissent pas les règles de sécurité
Mais ce que demande ardemment le rapport du Sénat, c’est l’uniformisation des règles de sécurité à l’ensemble des départements. Sur ce point, le gouvernement réfléchit à généraliser la règle des 30 degrés de sécurité pour les tirs de battue.
55 % des accidents ont lieu à l’occasion d’une battue au grand gibier (sanglier, chevreuil ou cerf). « Ce qu’on a constaté lors de nos auditions, c’est que certains présidents de fédérations départementales ne connaissent pas cette règle. Et même, certains schémas départementaux de gestion cynégétique (SDGC), élaborés par les fédérations des chasseurs, ne fixent aucune règle de sécurité. En cas d’accident, le risque pénal est amoindri si l’auteur a un bon avocat », explique Patrick Chaize, qui incite les chasseurs à se saisir du sujet à défaut de voir les mesures de sécurisation passer par décret ou par la loi.
La règle est mal appréhendée y compris par nos confrères du Parisien qui en donne la définition suivante : « Elle consiste à tirer à l’intérieur d’un angle de trente degrés devant soi ». « Mais non, c’est l’inverse ! », se désole Daniel Salmon avant de résumer la règle. « Quand vous avez un point de danger, comme une habitation, vous délimitez un angle de 30 degrés de chaque côté où vous ne pouvez pas tirer. Sur 360 degrés, il vous reste 300 degrés de zone de tir ».
Parmi les autres règles à uniformiser, Patrick Chaize cite celle du « tir fichant ». « Vous devez vous assurer que la balle percute le sol à une distance connue. Si un chasseur tire parallèle au sol, elle peut parcourir 3 km/h. L’accident qui avait coûté la vie d’une personne à bord de sa voiture entre Rennes et Nantes était dû au non-respect de cette règle », rappelle Patrick Chaize.
« Les sénateurs arrivent avec des propositions une fois l’incendie éteint. Nous n’avons pas besoin de leurs leçons pour sécuriser les chasses. Dire que certains présidents de fédération ne connaissent pas la règle des 30 degrés…. C’est sûr que quand il n’y a personne autour d’eux, ils n’ont pas raison de la respecter. C’est comme généraliser les miradors, partout pour les grandes battues, c’est impossible à mettre en place », s’agace Willy Schraen.
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Pas de jour sans chasse à l’horizon
Enfin, le gouvernement, est sur la même ligne que le rapport sénatorial, et ne compte pas avancer vers la généralisation d’un jour sans chasse. Statistique à l’appui, le rapport du Sénat n’avait pas relevé de surreprésentation des accidents le mercredi ou le week-end. « Les jours sans chasse, ce sont des mesures d’affichage. Si on interdit la chasse le dimanche, ça veut dire qu’on incite les promeneurs de ne pas aller en forêt les autres jours de la semaine. Je préfère que les promeneurs puissent aller tous les jours en forêt en sécurité ».
Du côté des écologistes, on continue de plaider pour la généralisation des jours sans chasse. « Dans de nombreux endroits, c’est déjà le cas. C’est une mesure qu’il faut généraliser, au moins le dimanche quitte à en rajouter selon les départements. Le monde rural de 2022 n’est plus celui des années 2000 ou des années 70 où il y avait beaucoup de chasseurs et peu de promeneurs. C’est l’inverse aujourd’hui », insiste Daniel Salmon.