Sainte-Soline : clash au Sénat entre le sénateur écologiste Thomas Dossus et Gérald Darmanin

Sainte-Soline : clash au Sénat entre le sénateur écologiste Thomas Dossus et Gérald Darmanin

Lors des questions d’actualité au gouvernement, le sénateur écologiste Thomas Dossus a interpellé Gérald Darmanin sur le déroulement de la manifestation de ce week end à Sainte-Soline et « son bilan », avec deux manifestants encore dans le coma. Le ministre de l’Intérieur l’a accusé de relayer des « fake news » et a mis en cause sa participation à une manifestation interdite par la préfecture.
Louis Mollier-Sabet

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« Le bilan de ce qu’il s’est passé à Sainte Soline est lourd, je le sais j’y étais, et je l’assume. » Première phrase et première bronca, alors que Thomas Dossus entame tout juste sa question au ministre de l’Intérieur. Le sénateur écologiste a interpellé Gérald Darmanin sur « les violences inqualifiables » qui se sont « déchaînées » à Sainte-Soline ce week end, alors qu’une manifestation contre la construction de méga bassines avait été interdite par la préfecture des Deux-Sèvres et que le sénateur écologiste « dénonce sans ambiguïté. »

« Dans quel pays, après avoir mis deux manifestants dans le coma, toute la chaîne de commandement ne s’interroge pas ? »

Thomas Dossus a mis cette violence au « bilan » de Gérald Darmanin : « Deux manifestants dans le coma entre la vie et la mort, 47 blessés parmi les forces de l’ordre à qui nous souhaitons évidemment un prompt rétablissement, 200 blessés parmi les manifestants, à qui nous souhaitons aussi un prompt rétablissement, c’est votre bilan du week-end. » Le sénateur écologiste poursuit : « Vous avez décidé d’exposer 3000 forces de l’ordre à la violence dans un champ pour défendre quoi qu’il en coûte un trou vide. Vous avez décidé d’interdire une manifestation totalement légitime, parce que vous êtes incapables de faire respecter la loi en termes de partage de l’eau. »

« Depuis trois jours, vos mensonges ont éclaté au grand jour », a accusé Thomas Dossus : « Des armes de guerre ont bien été employées samedi, des brigades motorisées étaient bien équipées de LBD, des secours ont bien été empêchés d’intervenir sur ordre de la gendarmerie. Des gaz lacrymogènes ont été envoyés sur des blessés. Vous mentez comme vous avez menti ici lors du fiasco du stade de France. » Le sénateur écologiste a appelé à « s’interroger » sur le maintien de l’ordre : « Dans quel pays, après avoir mis deux manifestants dans le coma, toute la chaîne de commandement ne s’interroge pas sur la méthode de maintien de l’ordre ? Dans quel pays, après un tel fiasco, un ministre peut continuer de mentir à répétition et dissoudre un collectif d’opposants politiques ? »

« Je regrette que des parlementaires puissent être à côté de ceux qui jettent des cocktails molotov sur des gendarmes »

Réponse du berger à la bergère. « Je regrette que des parlementaires revendiquent d’aller dans une manifestation illégale, ne respectant ainsi pas eux-mêmes la loi de la République », lui a rétorqué le ministre de l’Intérieur, oubliant à nouveau que la simple participation à une manifestation interdite ou non-déclarée ne constitue pas un délit. Plus que la légalité de la chose, Gérald Darmanin conteste le signal politique envoyé par les parlementaires présents : « Je regrette que des parlementaires puissent être à côté de ceux qui jettent des cocktails molotov sur des gendarmes. Je regrette que des parlementaires puissent ne pas constater les gendarmes dont les pieds eux-mêmes ont été attaqués par l’acide. Manifestement vous vous êtes assis sur tout ça, sur les violences contre nos gendarmes, sur l’interdiction de manifestations. »

Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur nie les accusations de mensonge du sénateur écologiste, et l’accuse même de fake news : « Je regrette par ailleurs que vous relayiez ici de nouveau des fake news. Non, Monsieur le sénateur, les secours n’ont pas été empêchés par les forces de l’ordre. Oui, regardez le Samu des Deux-Sèvres. Je sais que ça vous fait plaisir de penser que les gendarmes veulent la mort des gens, mais ce n’est pas le cas. C’est le médecin du GIGN qui a fendu la foule alors qu’il a été harcelé, manifestement par vos camarades d’un jour. Vous pouvez hocher la tête, c’est extrêmement scandaleux ce qu’il se passe. Les gendarmes eux-mêmes ont dû faire demi-tour parce qu’alors qu’ils allaient secourir un manifestant, ils se faisaient harceler de pluie de pavés et de cocktails molotov, voilà la vérité M. le sénateur. »

Gérald Darmanin ajoute avoir, lui aussi, « une pensée pour toute personne qui a été blessée, et manifestement ceux qui luttent pour la vie. » Le ministre de l’Intérieur mise sur « l’enquête judiciaire » pour « dire la vérité » et se dit « prêt, avec toute l’administration » à y répondre. J’ai dit au président de la commission des Lois que j’étais à sa disposition, comme à l’Assemblée nationale pour répondre à vos questions. Mais il y a une chose que je ne ferai pas, c’est de cracher sur la tête des forces de l’ordre. »

« Heureusement que j’y étais parce que le ministre a réitéré un certain nombre de mensonges »

Lors de sa réplique, Thomas Dossus a « assumé sa présence » au nom de sa « mission de contrôle du gouvernement » : « Vous ne pourrez pas organiser une manifestation à huis clos, vous ne pourrez pas éborgner à huis clos. » Le sénateur écologiste a fustigé « un ministre d’un gouvernement où le Président ne peut plus sortir de son palais et qui ne peut plus présenter un seul texte au Parlement », avant de voir son micro coupé – fait rare au Sénat – par Gérard Larcher. À notre micro, après cette séance de question d’actualité au gouvernement, Thomas Dossus s’est félicité d’avoir participé à cette manifestation : « Heureusement que j’y étais parce que le ministre a réitéré un certain nombre de mensonges. Je me suis retrouvé à côté d’une jeune femme blessée très gravement au visage et on a dû négocier avec la préfecture pour faire venir le Samu. J’ai été témoin de ça directement, c’est mon rôle de parlementaire de contrôler quand le ministre annonce des violences extrêmes avant les manifestations et qu’il l’interdit. Ma place était dans l’hémicycle pour faire remonter ce que j’avais vu. »

Face aux explications de Gérald Darmanin sur l’impossibilité d’intervenir à cause des manifestants, le sénateur écologiste estime que le ministre de l’Intérieur esquive le sujet : « [Que le médecin du GIGN ait essayé d’intervenir], ce n’est pas contradictoire avec le fait que le Samu ait été bloqué pendant très longtemps avant de pouvoir venir. Il détourne l’attention sur autre chose – de très important – c’était sur un autre endroit, mais là où j’étais le Samu avait l’ordre de ne pas approcher. J’y étais, c’était complètement pacifié, on répétait aux gendarmes que l’endroit était complètement ‘safe.’ Les équipes médicales des manifestants appelaient le Samu pour qu’il vienne, il n’y avait aucun danger pour intervenir. Là où l’on avait mis les personnes blessées, c’était complètement dégagé et éloigné de la zone de conflit. On attendait des interventions qui n’avaient manifestement pas prévu. » Enfin, en réponse à la dernière saillie de Gérald Darmanin, Thomas Dossus estime qu’il ne voit pas « où dans [son] intervention j’ai craché sur la tête des forces de l’ordre, il ment une nouvelle fois, mais on est habitués, venant de ce ministre. »

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