RIP le RIP. Encore raté, le Conseil constitutionnel vient de rejeter la proposition de loi référendaire sur l’immigration portée par Les Républicains. Au lendemain de la large censure du projet de la loi immigration, la droite pensait avoir trouvé la parade en enclenchant un référendum d’initiative partagé (RIP) sur certaines mesures retoquées par les sages de la rue Montpensier, car considérées comme des cavaliers législatifs. Le texte avait pour but de soumettre à référendum certaines dispositions comme la conditionnalité des prestations sociales non contributives, la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence (AMU), la fin des réductions tarifaires sur les titres de transport pour les étrangers sans papiers, la prise en compte des centres d’hébergement provisoire dans le quota de logements sociaux par commune et l’impossibilité, pour un étranger débouté du droit d’asile, de se maintenir dans un hébergement d’urgence.
Les Républicains avaient franchi la première étape de la procédure en réunissant 190 signatures de parlementaires sur les 185 nécessaires, 125 au Sénat et 65 à l’Assemblée nationale. Le texte avait ensuite été transmis au Conseil constitutionnel qui avait un mois pour vérifier que la proposition de loi s’inscrivait bien dans les limites de l’article 11 de la Constitution, mais aussi que les mesures portées ne sont pas anticonstitutionnelles.
L’article 11 de la Constitution restreint en effet le champ d’application d’une consultation des citoyens à « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». S’il n’est pas possible d’organiser un référendum sur la politique migratoire, LR entendait contourner cette difficulté en s’appuyant sur des dispositions qui concernent davantage la protection sociale et médicale ou encore au logement.
Dans son communiqué, le Conseil n’a pas suivi cette approche et juge qu’en « subordonnant le bénéfice de prestations sociales, dont certaines sont au demeurant susceptibles de présenter un caractère contributif, pour l’étranger en situation régulière non ressortissant de l’Union européenne, à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois, les dispositions de l’article 1er portent une atteinte disproportionnée à ces exigences constitutionnelles. Elles sont donc contraires à la Constitution ».
Par conséquent, le processus s’arrête là. Le ministère de l’Intérieur n’aura pas à contrôler le recueil des signatures d’au moins un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales, soit environ 5 millions de personnes, dans un délai de neuf mois. Aucun texte n’a encore réussi à franchir cette marche depuis l’installation du RIP en 2015.
Pour Bruno Retailleau, le Conseil constitutionnel « outrepasse son rôle »
Contacté par publicsenat.fr, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau considère que la décision du Conseil constitutionnel « marque un nouveau tournant». « Nous avons désormais la certitude que la lutte contre l’immigration passe par une réforme de la constitution. En se prononçant sur le fond et en refusant que le régime applicable aux étrangers en matière d’aide sociale soit significativement différent de celui appliqué au nationaux, le Conseil constitutionnel ferme la porte à toute réforme efficace en matière d’immigration. Le Conseil constitutionnel refuse au peuple français de se prononcer sur l’immigration, il outrepasse son rôle », tance-t-il.
Sur X, le patron des Républicains, Eric Ciotti s’insurge également et estime que « Le Conseil constitutionnel répond une nouvelle fois à la commande du Gouvernement. «Le scandale continue. Une petite caste a confisqué la démocratie ! Les Français sont interdits de parole sur l’immigration par Emmanuel Macron !»
« Les LR ont une nouvelle fois tenté de violer notre Constitution »
Du coté de la gauche du Sénat, l’une des cheffes de file des sénateurs socialistes sur l’immigration, Corinne Narassiguin considère que « les LR ont une nouvelle fois tenté de violer » la Constitution. La préférence nationale est contraire aux principes fondamentaux de notre République », souligne-t-elle sur X.