Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Retraites : un grand « flou » entoure le dispositif des carrières longues
Par Simon Barbarit
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« Je pense qu’il faut attendre un peu pour comprendre ». Au lendemain d’une concession du gouvernement sur les carrières longues, cette réponse d’un économiste est symptomatique de l’incompréhension qui entoure la nouvelle concession du gouvernement sur les carrières longues.
Pour mémoire, avant son examen au Parlement, le projet de loi ne prévoyait rien pour les actifs ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans. Ils devaient par conséquent travailler 44 années jusqu’au nouvel âge légal de 64 ans, contre 43 années pour ceux qui avaient commencé un an plus tard.
Au Sénat la majorité sénatoriale de droite avait indiqué avoir des propositions pour améliorer ce dispositif. Pour le député du Lot Aurélien Pradié, il constituait carrément une ligne rouge.
La semaine dernière, la Première ministre avait fait un premier pas à destination de la droite en étendant « le dispositif de carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans ». Ils pourront ainsi « partir à 63 ans, conformément aux règles prévues par le dispositif ». Élisabeth Borne a rajouté une « borne d’âge » aux questions d’actualité du gouvernement à l’Assemblée, mardi. Elle annonce que ce serait « aussi le cas pour les personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans et dont l’âge de départ anticipé est fixé à 60 ans, pour une carrière complète.
Pas de quoi convaincre Aurélien Pradié qui défend toujours son amendement permettant à tous ceux qui ont cotisé un trimestre avant leur 21e anniversaire de partir à taux plein au bout de 43 annuités. « Dites-moi, Élisabeth Borne, une dernière précision : ceux qui auront débuté à 18 ans, en carrière longue, partiront bien en retraite dès 43 annuités de cotisation ? » a-t-il interrogé sur Twitter avant d’ajouter : « Rendez-vous service, levez les petits flous et les grandes ambiguïtés ».
En effet, l’amendement du gouvernement déposé mardi ne fait pas mention de la nouvelle borne d’âge de 17 ans mais de celle de 21 ans annoncée dans le JDD le 6 février. L’amendement précise que le gouvernement « laisse cependant la possibilité de futurs ajustements par décrets ». Si l’on résume, les personnes ayant commencé à travailler à 21 ans, ayant réuni 4 ou 5 trimestres avant cet âge, pourront partir à la retraite à 63 ans contre 64 ans dans le projet initial. Les personnes qui ont commencé à travailler à 17 ans pourront partir à la retraite au bout de 43 annuités, donc à 60 ans contre 61 ans dans le projet initial.
« Plus on avance dans la discussion, plus on se rend compte qu’elle n’est pas aboutie »
Mais tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne. Si la réforme Touraine prévoit que les générations nées à partir de 1973 devront cotiser 43 ans, « quelqu’un qui a commencé à travailler à 18 ans et qui va jusqu’à 62 ans. Quand vous faites le compte, il cotise 44 ans », relève la sénatrice socialiste Monique Lubin, », avant d’ajouter : « La Première ministre a reconnu qu’ils feront en sorte que personne ne travaille pas plus de 43 ans mais nous ne savons pas comment. Plus en avance dans la discussion, plus on se rend compte qu’elle n’est pas aboutie et que c’est flou. Et quand c’est flou, il y a un loup ».
« Trouver un consensus nécessaire pour que tout le monde s’y retrouve »
René-Paul Savary (LR) qui sera le rapporteur du texte au Sénat n’y voit pas plus clair. « Il faut revoir le dispositif en fonction des âges ». Il indique que son groupe est en train de travailler à des « contrepropositions qui permettraient de trouver un consensus nécessaire pour que tout le monde s’y retrouve ».
« Les gens qui peuvent partir plus tôt peuvent être amenés à travailler quelques mois de plus »
A la sortie du Conseil des ministres ce mercredi, le Porte-parole du gouvernement Olivier Véran a indiqué que même sans cette réforme, « demain, comme hier, comme aujourd’hui, il y aurait des Français qui seraient amenés à avoir jusqu’à 45 années de cotisation. C’est un dispositif qui existe depuis des années. A l’heure où nous sommes en train de réduire cet écart, se pose la question de pourquoi il y aurait un écart », a-t-il défendu.
On comprend alors que la durée de cotisation de 43 ans rentre frontalement avec un autre objectif de la réforme des retraites : le report de l’âge légal de 62 à 64 ans. « Les gens qui peuvent partir plus tôt, voire quatre ans avant l’ensemble des Français, peuvent être amenés à travailler quelques mois de plus », a-t-il reconnu.
Un autre objectif rentre dans l’équation : l’équilibre financier du système des retraites d’ici à 2030. Olivier Véran a chiffré à 700 millions d’euros l’ensemble des mesures sur les dispositifs de carrières longues, dont 100 millions pour la nouvelle borne d’âge à 17 ans. Un coût qui ne remet pas en cause, selon lui, l’équilibre du système. Contrairement à l’amendement d’Aurélien Pradié, qu’il chiffre à 10 milliards. « Si on disait qu’on se privait maintenant de 10 milliards, autant ne pas faire la réforme, en tout cas pas dans le but d’équilibrer le système de retraites ». Un argument budgétaire qui ne risque pas de convaincre les opposants à une réforme qu’ils qualifient d’injuste.