Paris: Weekly session of questions to the government

Retraites : l’annonce de Laurent Wauquiez accueillie froidement par les sénateurs LR

En laissant Laurent Wauquiez annoncer seul un demi-revirement sur l’effort demandé aux retraités, Michel Barnier ouvre la porte à de nouvelles crispations au sein de sa fragile majorité. « C’était tendu » au petit déjeuner de la majorité, selon plusieurs participants. Au groupe LR du Sénat, on salue un « bon compromis », mais les responsables du budget de la Sécu et du budget apprécient peu de ne pas avoir été « mis dans la boucle ».
François Vignal

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La période est à l’innovation. Ce n’est pas le premier ministre, ni même un ministre, qui a annoncé un arbitrage important sur le budget, mais un président de groupe. En l’occurrence, Laurent Wauquiez, à la tête des députés de la Droite républicaine (LR). Le député de la Haute-Loire est venu lundi sur le plateau du 20h de TF1 annoncer qu’il y aura finalement « une revalorisation des retraites dès le 1er janvier pour toutes les retraites. Elle sera à peu près de la moitié de l’inflation », suivie d’un deuxième coup de pouce « pour les retraites les plus modestes » pour « les protéger intégralement de l’inflation », au 1er juillet. Le gouvernement avait initialement prévu de reporter de 6 mois l’indexation des retraites sur l’inflation pour économiser environ 4 milliards d’euros.

La mesure, fruit d’un compromis entre la droite et le gouvernement, coûtera, « entre 500 et 800 millions d’euros », a précisé sur France 2, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. Pour compenser ce manque à gagner, Laurent Wauquiez compte chercher « un milliard » d’euros dans la rationalisation de la « bureaucratie administrative », en fusionnant des agences comme « France Stratégie », « le Haut-commissariat au Plan », « France 2030 » et « le Centre d’études prospectives ».

Michel Barnier défend sa méthode faite de « dialogue » avec les groupes parlementaires

L’annonce, que le premier ministre a bien voulu laisser à Laurent Wauquiez, est mal passée au sein des autres composantes du « socle commun ». « Laurent Wauquiez participe d’une forme de cacophonie budgétaire. C’était au gouvernement de l’annoncer. Chacun ne doit pas avoir de petite victoire pour soi », a fustigé sur France Info le député Renaissance Mathieu Lefèvre.

Le premier ministre entend lui « écouter tout le monde. Il y a de bonnes idées partout », a semblé se justifier dans l’après-midi Michel Barnier lui-même, lors des questions d’actualité au gouvernement, confirmant l’annonce de Laurent Wauquiez. « J’ai souhaité avoir un dialogue, en particulier avec les groupes qui me font l’honneur d’être le socle de soutien au gouvernement », explique le premier ministre, « je l’ai entrepris sur plusieurs sujets et ces discussions ne sont pas terminées », ajoute Michel Barnier, citant chacun des groupes du socle commun.

« C’était tendu mais il n’y a pas eu de clash » lors du petit déjeuner de la majorité

S’il passe de la pommade à l’heure du goûter, c’est que le petit déjeuner de la majorité a connu, ce mardi matin, un petit coup de chaud. « C’était tendu mais il n’y a pas eu de clash. On voyait bien que c’était crispé, qu’ils n’étaient pas contents, que ce soit Marc Fesneau pour le Modem ou Laurent Marcangeli pour Horizons », rapporte à publicsenat.fr l’un des participants, qui ajoute que « Gabriel Attal n’a pas voulu parler au début. Il est arrivé en retard, il a marqué le coup ».

« C’est vrai qu’il y avait une certaine tension. C’était l’atmosphère », confirme un autre, d’autant qu’un nouveau sujet de bisbilles se rajoute, avec les prochaines élections partielles dans des circonscriptions qui étaient détenues par LFI et le RN. « Attal a dit qu’il voulait parler des partielles, car LR met des candidats, alors qu’il y avait des candidats Renaissance à l’origine, et ce n’est pas heureux. C’est un point de tension », raconte un témoin. Pas de quoi arranger les choses.

« Le problème, c’est que chacun discute dans son coin et chacun fait son truc. Il n’y a pas de vue globale »

Face à cette majorité relative très peu unie, le premier ministre en vient à tenter de contenter chacun. « Dans un échange commun, il a été décidé que les compromis pourraient être annoncés librement par les groupes, ce qui a été fait hier », explique l’entourage de Michel Barnier. « Il veut que chacun s’y retrouve. Donc il a négocié avec LR et Wauquiez n’a fait que donner le résultat de sa négo. Mais chaque groupe discute. Attal, ce sont les allègements de charge. Mais le problème, c’est que chacun discute dans son coin et chacun fait son truc. Il n’y a pas de vue globale », ne peut que constater un président de groupe. Mais si ce n’est pas idéal, « c’est la seule solution qui a été trouvée ». Le même ajoute :

 

 Chaque groupe veut apparaître dans le résultat final et pouvoir marquer des points, dire on a eu satisfaction. 

Un président de groupe parlementaire.

« C’est un cadeau à Laurent Wauquiez. J’imagine qu’il y en aura un autre à Attal », résume un LR, qui pense aussi que « Laurent Wauquiez veut exister aussi. Alors que Bruno Retailleau est partout dans la presse, il veut aussi prendre des points. Et il y a 2027 derrière ». Alors que le budget se fera en bonne partie au Sénat, il ne faut pas non plus exclure « la vieille opposition Assemblée/Sénat », comme grille de lecture.

« Les annonces auraient pu être faites autrement. Je ne vous fais pas un dessin… »

Si l’ex-majorité présidentielle grince des dents, les sénateurs LR, qui vont s’emparer à leur tour du budget, sont-ils au moins satisfaits de l’annonce de Laurent Wauquiez ? Oui, mais non. A la sortie de la réunion de groupe hebdomadaire, ce mardi, certains saluent certes la mesure. « Un bon compromis, un geste qui va dans le bon sens », pour Stéphane Piednoir, sénateur LR du Maine-et-Loire. « Un bon équilibre. C’est un élément de justice de ne pas taper sur ceux qui n’ont pas le choix », ajoute sa collègue des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer.

Mais en réalité, l’annonce est mal passée, du moins sur la forme et la méthode. Car les sénateurs LR l’ont apprise dans la presse. « J’aurais aimé être davantage dans la boucle », confie l’un d’eux. « Les annonces auraient pu être faites autrement. Je ne vous fais pas un dessin… » lâche une figure du groupe, avant de filer. Si la nouvelle a pu être accueillie ce matin froidement, c’est que la droite sénatoriale planche en réalité sur le sujet depuis un moment.

Lors de la réunion, la sénatrice LR de l’Aisne, Pascale Gruny, rapporteure de la branche vieillesse pour la commission des affaires sociales, qui suivra donc la question des retraites, a regretté ne pas avoir été informée et l’apprendre à la télé. « Il y a eu alors quelques applaudissements », raconte un de ses collègues. Solidaire du chef de file des députés LR, Pascale Gruny salue cependant à la sortie « un bon compromis ».

Amendement des députés LR qui sera « repris et retravaillé » lors du budget de la Sécu

Philippe Mouiller, le président LR de la commission des affaires sociales, qui va examiner ce mercredi en commission le budget de la Sécu, qui pourrait porter la mesure par un amendement LR ou du gouvernement, n’était pas non plus au courant. Il savait cependant que le principe du compromis irait en ce sens.

« Ça fait plus de trois semaines que je suis en relations avec Matignon, on avance », confie Philippe Mouiller, qui doit présenter ce mercredi la position de la majorité sénatoriale sur le budget de la Sécu, lors d’un point presse. Le sénateur des Deux-Sèvres salue aussi l’avancée sur le fond. « Nous, on avait intégré un effort de 500 millions d’euros. On avait travaillé à une dizaine de scénarios différents. Dans le dernier scenario, on était au niveau du Smic aussi. Globalement, le travail collectif fait qu’on a une pression moins forte sur les retraites », apprécie Philippe Mouiller, qui devait faire à nouveau le point à Matignon en fin d’après-midi.

Les sénateurs LR devraient certainement affiner la mesure. « C’est un compromis qui reste à travailler, ce que le Sénat va faire. Philippe Mouiller est sur le sujet. C’est le Sénat qui sera à la manœuvre sur cette proposition », soutient le sénateur Max Brisson, porte-parole du groupe LR. Sur le plan législatif, il évoque « un amendement de nos collègues députés LR, qui existe déjà, et qui va être repris et retravaillé ».

« Ces mystères nous dépassent. Feignons de les organiser »

Le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur LR Jean-François Husson, n’était pas davantage informé de la décision. « J’en prends acte », lâche-t-il froidement à la sortie, sans davantage de commentaire. Il est pourtant aussi en échange avec Matignon depuis plusieurs jours, avant l’arrivée du budget, dont la partie recette passe en commission ce mercredi.

Mathieu Darnaud, président du groupe LR du Sénat, a certainement pu appeler à plus de coordination avec les députés. Il est parti en cours de réunion pour rejoindre celle des députés LR. « C’était prévu avant les annonces sur les retraites », précise-t-on. Un parlementaire du socle commun préfère encore s’amuser du caractère parfois brouillon de la situation. « En ce moment, c’est compliqué. Faut être habitué à marcher dans le noir », lance-t-il, avant de citer Jean Cocteau : « Ces mystères nous dépassent. Feignons de les organiser ».

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