Que va devenir l’index seniors après son passage au Sénat ? Supprimé à l’Assemblée nationale, il pourrait évoluer à la Haute assemblée. La mesure est bien dans le texte transmis au Sénat par le gouvernement. Contrairement à ce qu’on dit les ministres Dussopt et Véran dans un premier temps, le gouvernement n’a pas besoin des sénateurs pour restaurer l’index dans le texte. Le gouvernement pouvait le faire lui-même, dans le cadre du recours à l’article 47-1 de la Constitution. Dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat, le gouvernement a repris les amendements qui portent le seuil de 300 à 50 salariés, pour les entreprises concernées par l’index.
Au Sénat, la majorité sénatoriale veut faire évoluer le texte sur ce point. Mais les pistes proposées par les sénateurs divergent. Les LR pointent « les limites » de l’index et n’y sont pas trop favorables, quand le groupe Union centriste, qui forme la majorité avec LR, veut au contraire le renforcer avec un bonus/malus.
Une « boîte à outils » pour l’emploi des seniors
Les sénateurs de droite et du centre ont cependant trouvé un terrain d’entente. Comme nous l’évoquions la semaine dernière, il se confirme que la majorité sénatoriale va mettre sur la table la proposition d’un « CDI senior ».
« Sur l’index des seniors, nous sommes très hostiles à l’extension aux PME. Car on considère qu’une statistique sur un faible nombre n’a pas de sens. Pour que ce soit significatif, il faut un nombre significatif », avance Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, qui préfère donc « le CDI senior. C’est une idée que nous avons en commun, avec les centristes. C’est notre rapporteur, René-Paul Savary, qui travaille dessus ». Si dans le détail, « les arbitrages ne sont pas encore donnés », l’idée d’une baisse de charge « sera l’objectif du CDI senior », explique le sénateur de Vendée.
Le sénateur LR René-Paul Savary défend globalement l’idée « d’une boîte à outils suffisamment performante pour qu’une entreprise puisse mieux employer les seniors. S’ils sont au chômage, qu’on leur propose du travail, ou que pour ceux qui sont en entreprise, qu’on les aide à les maintenir dans l’emploi », car « il n’y a rien de pire qu’un senior mis sur la touche en fin de carrière ».
« Ce peut être un temps de travail adapté, des missions de tutorat »
« Suite à des propositions qui ont été faites par des partenaires sociaux, nous avons proposé un CDI senior, qui serait un contrat signé, comme le principe des CDI de chantier, entre l’entreprise et le salarié pour une mission de fin de carrière dans une entreprise. Ce peut être un temps de travail adapté, avec des conditions tenant compte du fait que c’est un senior, des missions de tutorat éventuellement. Ce contrat se ferait avec des exonérations de cotisations famille pour l’employeur, pour encourager l’entreprise à embaucher. Dans la durée, l’idée serait d’aller jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein ou éventuellement jusqu’à l’annulation de la décote », détaille le rapporteur LR de la réforme des retraites au Sénat. Un amendement en ce sens sera déposé.
Quant au coût de la mesure, « tout dépendra du nombre de contrats signés. Mais le coût sera couvert par le fait que la personne est au travail. Peut-être y a-t-il une moindre recette au départ, mais cela engendre des recettes supplémentaires derrière », souligne le rapporteur, auteur de l’amendement déposé chaque année au Sénat par la majorité sur le report de l’âge légal à 64 ans.
L’âge à partir duquel un CDI senior peut être signé reste à préciser. « Souvent, on parle de senior à partir de 55 ans. Ça pourrait être pas mal. Mais on est en train d’affiner », explique René-Paul Savary. La centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, évoque, elle, « 60 ans », ou « pourquoi pas 57 ans ».
« Le seul point de négociation qui reste avec les LR, c’est sur l’index seniors avec un système de bonus/malus »
Sur le principe en lui-même du « CDI senior, ça me semble faire l’unanimité », confirme la sénatrice centriste de la Mayenne. Le groupe Union centriste a aussi planché sur le sujet. « Nous avons déjà travaillé avec Jean-Marie Vanlerenberghe (sénateur Modem, ndlr) et Sylvie Vermeillet, qui est rapporteure pour avis de la commission des finances. On avait suggéré cette idée d’"un senior, une solution", sur le même format qu’"un jeune, une solution". Au groupe UC, on y est tout à fait favorable », assure la rapporteure du budget de la Sécu au Sénat. Aux Echos, le président du groupe, Hervé Marseille, a aussi évoqué « la création d’un CDI senior ».
Une partie de la boîte à outils reste encore en discussion. « Le seul point de négociation qui reste avec les LR, c’est sur l’index seniors avec un système de bonus/malus. On a bien entendu l’avis du Conseil d’Etat (sur le risque d’inconstitutionnalité, ndlr), mais on estime que c’est une bonne solution. Les LR sont plus sur une négociation au sein de l’entreprise, avec les salariés, et une négociation obligatoire », précise la rapporteure centriste. Quant au seuil, elle « suggère qu’on revienne à 300 salariés ». De quoi convenir peut-être aux LR.
Possibilité de la retraite progressive maintenue à 60 ans
La majorité sénatoriale va faire aussi des propositions sur les retraites progressives. « On souhaite maintenir cette possibilité à 60 ans, et non pas à 62 ans, comme le souhaite le gouvernement », explique Elisabeth Doineau. Ces points sont travaillés aussi directement avec le gouvernement, car les sénateurs sont limités dans leurs amendements. Ils ne peuvent pas créer de nouvelles dépenses, alors que le gouvernement le peut. Ils peuvent aussi s’appuyer sur un appui technique qu’ils n’ont pas. « On a demandé des simulations aux conseillers de Matignon pour avoir une idée de la trajectoire financière » de ces mesures sur les séniors, glisse Elisabeth Doineau.
Sur le bonus/malus, les LR défendent une autre approche. « Pourquoi pas trouver un dispositif, mais qui ne soit ni pénalisant, ni valorisant. Un index, ça pénalise, un label, ça valorise. Il faut trouver un juste milieu. Pour l’instant, je n’ai pas de proposition plus avancée. Mais tout est à l’étude », affirme René-Paul Savary. « On est très attachés aux accords d’entreprise qui vont être pris pour prendre vraiment en considération les seniors, autour de la gestion prévisionnelle des emplois », confirme le sénateur LR de la Marne, qui imagine qu’« on pourrait avoir des dispositifs qui contraignent un peu plus les entreprises, qui les oblige à négocier. Cela n’empêche pas les pénalités. Mais ce n’est pas les mettre à l’index ».