Cette mesure avait fait grand bruit et a été mise à l’index dans de nombreuses doléances du Grand débat national. Dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, adoptée début décembre, la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale a décidé de limiter la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier à 0,3%. Cette hausse cache, en réalité, une perte de pouvoir d’achat, car l’augmentation des prix à la consommation en 2018 atteignait 1,8%.
Cette désindexation des retraites sur l’inflation fait économiser à la Sécurité sociale trois milliards d’euros pour l’année en cours. La même opération était envisagée pour 2020, avant que le Conseil constitutionnel ne censure la mesure car cette période sortait du cadre annuel de la loi de financement pour 2019.
Quatre mois plus tard, la République en marche (LREM) est sur le point de rétropédaler. Alors que le parti présidentiel était réuni à Chartres pour présenter sa contribution au Grand débat national, son délégué général, Stanislas Guérini, a admis que la mesure était difficilement défendable, en plus d’être impopulaire. « On doit entendre aussi les inquiétudes fortes qui se sont exprimées chez les retraités […] Ce que j’ai le plus entendu pendant ces débats – et pourquoi ne pas le dire, ce à quoi j’avais le plus de mal à répondre aussi, si ce n’est avec de simples justifications budgétaires – c’est le sentiment d’injustice qui était lié à la sous-indexation des retraites », a-t-il expliqué.
Grand Débat : LREM veut revenir sur la sous-indexation des pensions de retraite
Stanislas Guerini : « Je crois vraiment que c’est une décision sur laquelle dès le prochain budget nous pourrons revenir »
L’ancien député de Paris appelle aujourd’hui à mettre fin à cette sous-indexation. « Je crois vraiment que c’est une décision sur laquelle dès le prochain budget nous pourrons revenir. »
Au Sénat, le rapporteur LR raille le « pompier pyromane »
Du côté du Sénat, qui avait décidé le 16 novembre de rétablir l'indexation des pensions de retraite sur l’évolution des prix, cette annonce du dirigeant du parti présidentiel sonne comme une revanche. Une de plus, après l’annulation de la hausse de la taxe sur les carburants. « C’est un peu le pompier pyromane. Les mêmes qui avaient supprimé l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation la reproposent aujourd’hui. C’est corriger une erreur que nous avions dénoncée en son temps, lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 », commente ce lundi le sénateur (LR) René-Paul Savary, qui parle d’un « juste retour des choses ».
Sous-indexation des retraites : Savary (LR) tacle le gouvernement « pompier pyromane »
À cette époque, la réindexation des retraites sur l’inflation avait été adoptée à la Haute assemblée, par la majorité de droite et du centre, avec le soutien des socialistes. Et contre l’opposition de la ministre de la Santé Agnès Buzyn et du groupe La République en marche. Le sénateur (LREM) Martin Lévrier avait notamment enjoint ses collègues de l’hémicycle à prendre en considération l’ensemble des mesures de pouvoir d’achat, avec notamment la suppression de la taxe d’habitation. Revoyez les débats :
Pensions de retraite : quand le gouvernement et LREM s'opposaient à l'indexation sur l'inflation
Quand le gouvernement et LREM s'opposaient à l'indexation des pensions de retraite sur l'inflation (débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, le 16 novembre 2018)
Une « mesure plus que recevable », selon un sénateur LREM
Contacté par Public Sénat, le sénateur (LREM) Michel Amiel, membre de la commission des Affaires sociales, se félicite de la position arrêtée par son parti. « Cela me paraît frappé au coin du bon sens, c’est plus que recevable », commente-t-il.
Si la proposition de LREM était adoptée lors de la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale, en décembre 2019, elle marquerait un nouveau geste en direction des retraités. Fin décembre, face au mouvement des Gilets Jaunes, le Parlement avait validé la proposition du gouvernement de relever le plafond d’exonération (de 1200 à 2000 euros) de la hausse de la CSG portant sur les pensions.
Mais la mesure devra être financée, prévient le rapporteur de la branche vieillesse de la Sécu. « Le Sénat joue véritablement son rôle en faisant des contre-propositions […] En ce qui concerne la non-indexation, nous l’avions dénoncée mais nous avions proposé un financement », explique René-Paul Savary. Rappelons que la majorité de droite et du centre du Sénat avait dans le même temps relevé l’âge de départ à la retraire à 63 ans (relire notre article) pour compenser le coût de sa mesure. « Il faudra bien se poser la question : quel niveau moyen de pensions veut-on pour les retraités à l’avenir », poursuit le sénateur de la Marne.
Une indexation uniquement pour les retraités « les plus modestes » ?
L’interview de Stanislas Guerini donnée le 9 mars au Parisien esquisse un début de solution pour alléger la note. Le délégué général du mouvement majoritaire envisage de revenir sur la sous-indexation uniquement pour « les retraités les plus modestes ». Le seuil de revenus n’est pas précisé. Et certains doutent de la faisabilité de cette suggestion. « Sur un plan juridique, je m’interroge. Cela pourrait provoquer une forme de rupture d’égalité », analyse le sénateur (LREM) Michel Amiel. Même avis pour René-Paul Savary :
« Ça ne me paraît pas possible puisqu’il y aurait une discrimination. L’engagement qui doit être pris, c’est l’engagement de respecter les retraités et faire en sorte que leurs pensions soient revalorisées à hauteur de l’inflation, comme la loi le permet. »
Le sénateur fait référence à la loi de 1993, qui prévoit que les pensions du régime général doivent évoluer au même rythme que l’inflation. À l’époque, ce nouveau mode de calcul était lui-même une nouvelle source d’économie. Auparavant, les pensions étaient calées sur l’indice des salaires, plus favorable car augmentant plus fortement.
Ce week-end, Stanislas Guerini ne s’est d’ailleurs pas privé d’attaquer le précédent quinquennat sur le non-respect de ce principe théorique. « Les autres n’avaient pas sous-indexé. La plupart du temps, ils avaient gelé l’augmentation des retraites. C’est ça aussi la réalité des 5 dernières années ! »
Durant trois années du quinquennat de François Hollande, les retraites n’avaient effectivement pas été revalorisées en 2014 et 2016, et avaient été quasiment gelées en 2015 (progression de 0,1%).