La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Restitution de biens culturels : le Sénat veut mettre fin « aux cadeaux diplomatiques »
Par Public Sénat
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« Si au gré des déplacements du chef de l’Etat, quel qu’il soit, on sort des objets des collections françaises en guise de cadeau diplomatique, ou est-ce que l’on va ? » La sénatrice centriste, Catherine Morin-Desailly a ainsi résumé les griefs du Sénat sur la manière d’appréhender pour l’exécutif, la restitution de biens culturels aux pays qui en font la demande.
Hasard du calendrier, au lendemain du rejet par la Haute assemblée d’un projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, la commission de la culture du Sénat présentait à la presse 15 propositions issues d’une mission d’information sur la restitution des biens culturels appartenant aux collections publiques.
Le principe d’inaliénabilité des collections françaises impose à l’exécutif de passer par le Parlement, via une loi d’exception, pour restituer un bien culturel à un pays qui en fait la demande, mais les conditions dans lesquelles se sont déroulées l’examen du texte, finalement rejeté hier soir, avaient provoqué la colère des sénateurs.
La colère des sénateurs face au « contournement » du Parlement
Pour mémoire, le 6 novembre dernier, le Sénat avait pourtant bien adopté en première lecture le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal. Mais quelques heures après le vote, les élus avaient appris par la presse, le retour à Madagascar, d’une couronne appartenant à la reine Ranavalona III, via une convention de dépôt passé entre les deux pays. Mis devant ce qu’il estimait être le fait accompli, les sénateurs avaient dénoncé « un contournement du Parlement, ce dernier n’étant plus « qu’une caisse enregistreuse » destinée à entériner la décision diplomatique (voir notre article).
Par la suite, la commission mixte paritaire (CMP) autour de ce texte s’était soldée par un désaccord entre les sénateurs et les députés car ces derniers avaient rejeté un apport du Sénat création d’un Conseil national chargé de réfléchir aux questions de circulation et de retour de biens culturels extra-européens. « Je n’ai voté en première lecture que parce que le texte comportait un article additionnel qui crée ce conseil national de réflexion […] Je n’aurais pas voté les deux premiers articles (sur la restitution des biens culturels au Bénin et au Sénégal) s’il n’y avait pas eu ce troisième article » a rappelé Max Brisson, co-rapporteur de la mission d’information. Le conseil de réflexion écarté, c’est donc sans surprise que le Sénat a rejeté le texte issu de la CMP, hier soir.
Et c’est aussi sans surprise que l’on retrouve ce « conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens » en tête des 15 propositions de la mission d’information.
En effet, les membres de la mission d’information regrettent l’absence de réflexion sur le sujet. « Le seul rapport qui a été produit sur le sujet c’est le rapport Sarr-Savoy dont les propositions sont radicales, parfois contestables. C’est le seul doucement qui est aujourd’hui brandi par les Etats étrangers qui en font la demande » a pointé la présidente de la mission d’information, Catherine Morin-Desailly.
« Quand vous faites le tour des collections du Louvre, l’essentiel des biens est le résultat du pillage »
Le rapport Sarr-Savoy, « sur la restitution du patrimoine culturel africain, vers une nouvelle éthique relationnelle » a été commandé par Emmanuel Macron suite à son discours à l’université de Ouagadougou. Les propositions de ce rapport, notent les élus, n’ont par la suite pas entraîné de clarification de la part de l’exécutif. Or le rapport le rapport Sarr-Savoy suggère que le seul contexte colonial suffit pour fonder une restitution du fait du caractère illicite de l’acquisition. « En l’occurrence, cet ornement (la couronne de la reine Ranavalona III) avait été acquis par un citoyen français lors d’une vente aux enchères après la conquête de Madagascar, dans des circonstances que l’on pourrait qualifier de tout à fait légales. Donc cet ornement aurait dû rester en France » a pris comme contre-exemple le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, co-rapporteur de la mission d’information. Archéologue et historien de formation, Pierre Ouzoulias prend également soin de souligner : « Quand vous faites le tour des collections du Louvre, l’essentiel des biens est le résultat du pillage, notamment des armées Napoléoniennes en Italie. »
C’est la raison pour laquelle, le seul critère du bien mal acquis est insuffisant pour les sénateurs qui préconisent d’associer des scientifiques des pays demandeurs à la mission d’inventaire des biens des collections publiques les concernant.
La vision universaliste de la France menacée
Faute de réflexion « pérenne » sur cette question, la mission d’information s’inquiète de l’isolement de la France porteuse d’une vision universaliste des musées. Une démarche qui « repose sur l’idée d’un art universel et le dialogue interculturel ». « L’idée que les œuvres d’art n’auraient de sens que dans le milieu culturel qui les a produites nie, pour ainsi dire, toute l’influence que peuvent avoir certains arts sur d’autres, à l’image de l’art africain sur l’art moderne » notent-ils.
« La mise en avant de la vision universaliste du patrimoine ne peut être systématiquement opposée aux Etats, notamment africains, pour empêcher toute restitution […] On doit sortir de ce dualisme par un dialogue scientifique et démocratique sur la nécessité des restitutions » rappelle Pierre Ouzoulias.
Parmi leurs propositions, les sénateurs demandent, par exemple, une meilleure circulation des collections publiques, y compris des œuvres d’art françaises », « accélérer la numérisation des collections extra-occidentales ou encore contribuer à la formation des professionnels des musées dans les pays demandeurs ».
« Le ministère de la Culture était sous coupe réglée de la cellule diplomatique de l’Elysée »
Catherine Morin Desailly a réaffirmé l’opposition du Sénat à la pratique des conventions de dépôts passées entre pays. « On a constaté que le ministère de la Culture était sous coupe réglée de la cellule diplomatique de l’Elysée […] Nous sommes à l’opposé de cela, nous sommes pour la recherche de provenance […] pour ça il faut, comme l’a fait l’Allemagne, se donner les moyens pour des restitutions qui paraissent légitimes ».
Enfin, en ce qui concerne les restes humains patrimonialisés, 7 000 répartis dans plus de 60 établissements publics, la mission d’information recommande l’adoption d’une disposition législative afin de faciliter leur restitution.
Les autres recommandations de la mission feront également l’objet d’une proposition de loi en janvier 2021.