En mars 2021, une mission d’information sénatoriale était chargée d’écrire un rapport sur les conditions de vie étudiante. Le dépôt de la proposition de loi s’inscrivait « dans la complémentarité de la mission d’information sur la précarité étudiante », affirme Laurent Lafon, sénateur Union centriste du Val-de-Marne. L’adoption de cette proposition de loi, dont le coût est estimé à 250 millions d’euros, représente une opportunité pour le gouvernement d’apporter une réponse à la précarité étudiante après le rejet de la proposition de loi visant à généraliser le repas à un euro. En ce sens, le gouvernement a déjà annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros supplémentaires pour les bourses.
« Les zones blanches n’offrent pas de solution et d’accès à tarif réduit à la restauration »
« Nous avions remarqué que le système d’aides publiques, pour favoriser une bonne alimentation, était basé sur la présence ou pas d’un restaurant universitaire à proximité », constate Laurent Lafon. Or, si chaque étudiant a théoriquement le droit à des repas à un tarif réduit (3,30 euros dans les CROUS et 1 euro pour les étudiants boursiers), « les zones blanches n’offrent pas d’accès à tarif réduit à la restauration », regrette Laurent Lafon. Il s’agit donc d’un « souci d’équité et d’efficacité », pour Laurent Lafon. Les freins à l’accès à une alimentation à un prix modéré reflètent les inégalités existantes entre les étudiants en fonction de leur lieu d’étude.
Dans certains départements, on observe une absence totale de service de restauration universitaire comme « dans le Tarn-et-Garonne il n’y a pas de restaurant universitaire à proprement parler, il y a des repas le midi, en semaine, mais pas le soir ou le week-end », précise Pierre-Antoine Lévi, sénateur Union centriste du Tarn-et-Garonne à l’origine de la proposition de loi.
Néanmoins, le problème de l’accès aux restaurants universitaires ne touche pas que les personnes qui étudient en « zones blanches ». En 2016, d’après l’Observatoire de la vie étudiante, seulement 43 % des étudiants fréquentaient les restaurants universitaires. En effet, le service de restauration proposée est souvent insuffisant par rapport au nombre d’étudiants.
Du ticket-restaurant étudiant à l’augmentation des restaurants conventionnés
Si la proposition de loi a été déposée il y a plus de deux ans, le texte a profondément évolué au cours de la navette parlementaire. « La première étape de la proposition de loi était de créer un ticket-restaurant qui s’adresse à tous les étudiants », rappelle Pierre-Antoine Lévi. Une mesure modifiée par les députés redoutant que les tickets-restaurants étudiants ne remplissent pas leur objectif et soient « mal utilisés ». Face à cette difficulté, les sénateurs ont proposé de « réduire le champ d’application aux seuls étudiants en zones blanches », informe Pierre-Antoine Lévi.
Finalement, la solution retenue est plus technique. L’idée des tickets-restaurants étudiant est définitivement abandonnée. La raison ? « L’Assemblée nationale craignait que si ce ticket-restaurant s’appliquait, il pouvait déstructurer le fonctionnement du CROUS », affirme Pierre-Antoine Lévi. Les députés mettaient en lumière le risque d’une mise en concurrence entre les CROUS et des entreprises privées.
Les parlementaires ont néanmoins trouvé un accord sur un dispositif permettant d’ouvrir le conventionnement, et donc l’accès à un tarif préférentiel, à un certain nombre d’établissements publics. « Les étudiants pourront donc déjeuner dans les mairies, les hôpitaux et pourquoi pas dans des restaurants conventionnés privés », explique Jean Hingray, sénateur union centriste des Vosges et rapporteur de la proposition de loi. En l’absence d’une offre de restauration conventionnée à proximité, les étudiants pourront bénéficier d’une aide financière directe.
« On a essayé de trouver une voie de passage, la position du gouvernement a évolué depuis quelques mois »
« On a essayé de trouver une voie de passage, la position du gouvernement a évolué depuis quelques mois, il y a une prise de conscience de la réalité de la vie étudiante », considère Laurent Lafon. En effet, si la proposition de loi a été votée en octobre 2021 à l’Assemblée nationale, le texte n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Pierre-Antoine Lévi rappelle que le texte n’a été inscrit à l’ordre du jour que « dans le cadre de la niche parlementaire de l’Union centriste ».
Les sénateurs se montrent optimistes quant au vote conforme au Sénat, puisque « le dialogue avec la Première ministre, sur ce sujet, nous laisse attendre un avis favorable », considère Laurent Lafon. Les sénateurs pourraient aussi être associés à la rédaction du décret d’application qui devra notamment « préciser la définition d’une zone blanche ». Par ailleurs, « le texte sera voté, il trouve une large majorité de soutien », affirme Jean Hingray.