Tourcoing : Gerald Darmanin’s  Political re-entry

Rentrée de Darmanin à Tourcoing : « Il en sort recadré, mais fondamentalement renforcé »

Avec sa rentrée politique à Tourcoing, Gérald Darmanin a posé l’acte de naissance d’une ambition personnelle, avec en ligne de mire la présidentielle de 2027. Si le rendez-vous ne devait réunir que des proches, la Première ministre s’y est invitée au dernier moment pour faire acte d’autorité. Un recadrage pas forcément pénalisant d’après Benjamin Morel, maître de conférences à l’université Paris 2 Panthéon-Assas.
Stephane Duguet

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C’est une rentrée politique bien entourée qu’a organisée Gérald Darmanin dans son fief de Tourcoing où il a déjà été élu maire à deux reprises. Dimanche 27 août, le ministre de l’Intérieur a rassemblé plus de 700 personnes, dont une dizaine de ministres et des parlementaires Renaissance, Horizons, Modem et même les Républicains comme le sénateur LR Stéphane Le Rudulier. Élisabeth Borne, qui avait exclu de s’y rendre dans un premier temps, a fini par faire le déplacement et prononcer le discours de clôture. De quoi « poser des jalons » en vue de 2027 même si c’est « très loin » décrypte Benjamin Morel, maître de conférences à l’université Paris 2 Panthéon-Assas.

Quel était le message envoyé par Gérald Darmanin en réunissant 700 personnes, chez lui, à Tourcoing ?

Il veut montrer qu’il suscite potentiellement un espoir au sein de la majorité présidentielle. Emmanuel Macron ne pouvant pas se représenter, si vous êtes député, sur quel cheval allez-vous miser demain ? Ils ont besoin de trouver un palliatif à l’absence d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2027 et dans ce contexte, il y a plusieurs options. Celle de Darmanin semble séduire. On peut dire que la course aux petits chevaux pour 2027 est lancée et on voit qu’il embarque avec lui une partie de la majorité. Tout cela donne à Gérald Darmanin un poids politique important. Demain, il pèsera sur des textes, même ceux qu’il ne porte pas et sur la composition des prochains gouvernements.

Est-ce qu’il y a des exemples similaires de ministres en exercice qui se sont lancés dans la course à l’élection présidentielle comme Gérald Darmanin ?

C’est comparable à ce que Nicolas Sarkozy avait fait à Jacques Chirac en créant un groupe de fidèles sarkozystes au sein de l’UMP au début des années 2000. C’est comme cela qu’il avait contesté les autorités de Dominique De Villepin et de Jean-Pierre Raffarin. A l’époque, Jacques Chirac ne peut représenter un espoir pour l’élection présidentielle de 2007 puisqu’il en est à son deuxième mandat et l’UMP se cherche un nouveau sauveur. Ça va créer des tensions dans la majorité, mais à l’époque elle est pléthorique alors qu’aujourd’hui, elle ne l’est pas. Le choix de Darmanin clive au sein de la majorité puisqu’Horizons mise sur Edouard Philippe, que le Modem cherche aussi un candidat et ce n’est l’intérêt ni de Matignon, ni de l’Elysée.

Est-ce qu’août 2023, ce n’est pas trop tôt pour se lancer dans une course à la présidentielle qui n’aura lieu que dans quatre ans ?

C’est extrêmement tôt, Nicolas Sarkozy n’était pas parti avec autant d’avance. Jacques Chirac apparaît réellement affaibli qu’après le référendum de 2005 et après son AVC. Aujourd’hui, la situation politique est plus floue, on ne sait pas comment réformer dans les années à venir. Edouard Philippe est déjà parti avec son groupe politique Horizons, le Modem aussi. Le fait que certains candidats soient déjà lancés laisse planer la menace que demain un autre puisse incarner l’espoir. Le départ très tôt de Darmanin n’en dit pas tant sur son impatience que sur l’état de la majorité. C’est la décomposition politique qui fait Darmanin.

Comment peut-on interpréter la venue en dernière minute d’Élisabeth Borne. Est-ce que c’est une forme de verrouillage de Gérald Darmanin par l’exécutif ?

Il y a la volonté de garder la main, c’est certain. Pour des raisons protocolaires, Élisabeth Borne doit parler en dernier donc elle a conclu les débats en apparaissant comme celle qui donne le la. La Première ministre en a fait un événement de soutien au gouvernement. Finalement, elle rappelle à Gérald Darmanin qu’il n’est que ministre de l’Intérieur.

Si on se penche sur le discours de l’un et de l’autre à Tourcoing, c’est intéressant de noter qu’ils se répondent. Darmanin a critiqué un gimmick du macronisme en disant qu’il faut considérer les sentiments et pas seulement les chiffres. Dans ses discours, Emmanuel Macron utilise souvent les chiffres comme des arguments. Le ministre de l’Intérieur attaque aussi les électeurs de centre gauche alors qu’ils constituent l’électorat d’Emmanuel Macron en 2017 et, même si c’est dans une moindre mesure, en 2022.

En face, Élisabeth Borne lui répond en résumé que l’on s’en fiche des sentiments et que ce qui est important ce sont les résultats. Ça s’apparente à un recadrage, mais si elle le fait, c’est aussi parce qu’elle n’a pas le choix et c’est la preuve d’une relative faiblesse. Il n’y a pas de courant borniste dans la majorité.

Selon vous, Gérald Darmanin sort-il plus fort de cette séquence, malgré le recadrage d’Élisabeth Borne ?

Il en sort recadré, mais fondamentalement renforcé. Deux personnes ont rendu service à Gérald Darmanin dimanche. D’un côté, Élisabeth Borne qui a considéré que cette réunion était assez menaçante politiquement pour y intervenir. Et de l’autre, Jean-Luc Mélenchon qui dans son discours aux amphis parle de Gérald Darmanin comme du « candidat commun » de la « jonction entre droite et extrême droite ». En nommant l’adversaire, il le légitime dans son propre camp. Sachant qu’il est défini comme adversaire de la Nupes, il peut devenir celui qui peut combattre l’alliance de gauche aux yeux de la majorité. L’idée qu’il soit le candidat unique se solidifie. Si dans son camp les gens sont convaincus qu’il y a en Gérald Darmanin un héritage naturel, la moitié du chemin est faite, après il faut convaincre les électeurs.

 Le vrai problème pour Gérald Darmanin, c’est Éric Ciotti qui réaffirme clairement son soutien à Laurent Wauquiez 

Benjamin Morel, maître de conférences à l'université Paris Panthéon-Assas

Il a d’ailleurs axé sa rentrée politique sur les classes populaires. Quel électorat vise-t-il ?

Gérald Darmanin propose une synthèse politique entre la droite libérale et les classes populaires. Il laisse tomber l’électorat du centre gauche qui était un appui nécessaire à Emmanuel Macron. Il n’est plus dans une synthèse macronienne, la sienne est différente mais maintenant il doit aller chercher les électeurs. Ce que porte Gérald Darmanin, c’est très Gilets Jaunes parce qu’il dit qu’au-delà des bons chiffres, il y a d’autres éléments à prendre en compte.

Mais ça ne veut encore rien dire pour 2027 parce que c’est très loin et que désormais ça l’oblige à une marche de funambule pendant plus de trois ans où il va devoir montrer deux choses. D’un côté qu’il est dans la majorité parce que s’il la quitte, il n’est plus la planche de salut. De l’autre, il doit quand même présenter une rupture parce qu’on se fait difficilement élire comme la suite de la politique menée précédemment.

Quelles sont les options dont dispose Gérald Darmanin pour se démarquer ?

Pour l’instant, il faut poser des jalons. Hier, il a posé un rituel. A priori, il y aura une rentrée politique à Tourcoing chaque année. Il a aussi posé un logiciel politique et une synthèse électorale qu’il va falloir entretenir. Cela implique de faire passer un message clair aux retraités et aux CSP + de centre droit en disant : « c’est moi ou Marine Le Pen. » Il doit leur dire qu’il n’y aura pas d’autre synthèse libérale que la sienne et qu’il est crédible. Il va devoir répéter ce logiciel pour qu’il imprime. Gérald Darmanin fait un pari sarkozien en misant aussi sur les classes populaires, mais entre 2007 et 2023, la période a changé. Le Rassemblement National (RN) n’apparaît plus comme un parti incapable de gouverner, la stratégie de la cravate a bien fonctionné. Et l’électorat populaire n’a plus la même vision du vote RN. Aujourd’hui, il y a un vote RN de conviction.

Le défi qui attend Gérald Darmanin c’est aussi de se démarquer d’autres candidats comme Edouard Philippe ou Laurent Wauquiez…

Oui, parce qu’il y a d’autres candidats qui proposent d’autres synthèses électorales. Dans la majorité, vous l’avez dit, il y a Edouard Philippe. Sa ligne, c’est celle de la droite libérale mais sa synthèse électorale est trop faible. Les CSP + et les retraités du centre droit ne pèsent que 10 % à 20 %. Ça ne suffit pas pour gagner l’élection présidentielle. Le plus proche d’Edouard Philippe dans le gouvernement c’est Bruno Le Maire, mais est-ce qu’un Philippe ou un Le Maire peuvent aller chercher le centre gauche ? Ce n’est pas évident parce qu’ils sont plus marqués à droite. Tout cela explique aussi le succès de Gérald Darmanin parce que pour l’instant, il est le seul qui propose une synthèse électorale majoritaire qui a déjà remporté l’élection présidentielle en 1995 et en 2007.

Selon moi, le vrai problème pour Gérald Darmanin, c’est Éric Ciotti qui réaffirme clairement son soutien à Laurent Wauquiez. Cela signifie que pour Les Républicains (LR), c’est Laurent Wauquiez le candidat. Les réseaux LR vont donc rouler en grande partie pour le président de la région Auvergne Rhône-Alpes. Même s’ils sont tous obligés de partir maintenant, en 2027, nous serons dans un autre monde, donc rien n’est joué. On est dans la politique-fiction totale.

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