Une semaine après le lancement de ses travaux, la commission d’enquête sur des politiques de soutien à la rénovation énergétique a enchaîné les auditions d’anciens ministres du logement ou en charge de l’habitat durable, ce lundi 13 février. A l’initiative du groupe écologiste du Sénat, la commission doit se pencher sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments.
Après Ségolène Royal, la semaine dernière, c’est Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement entre 2012 et 2014 qui a ouvert le bal des auditions, ce lundi. « Une période particulièrement importante pour la politique du logement », comme l’a fait remarquer la présidente de la commission d’enquête, Dominique Estrosi Sassone (LR). C’est, en effet, en 2013, que Cécile Duflot a porté la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR).
« J’ai fini par obtenir une sorte de pacte politique avec le Premier ministre »
L’ancienne ministre écologiste était invitée à tirer le bilan de son passage au gouvernement en matière de rénovation énergétique. A son arrivée rue de Varenne, Cécile Duflot constate que les 500 millions d’euros du programme investissement d’avenir consacrés à la rénovation thermique des habitations des plus démunis sont sous utilisés. « 5 millions seulement étaient consommés […] La sous-consommation s’expliquait facilement car les publics visés devaient répondre au plafond PLAI, c’est-à-dire environ 60 % du SMIC et pour des montants de travaux de l’ordre de 30 000 euros », explique-t-elle.
Après des réunions de concertations avec différents acteurs : les régions, les bailleurs sociaux, l’agence nationale de l’habitat (Anah), elle fait un premier constat en début d’année 2013 sur les difficultés de la rénovation thermique. « Il faut non seulement mobiliser de l’argent mais surtout simplifier. Il y a un morcellement des acteurs en charge du dossier. Il y a surtout une capacité chez certains acteurs privés à utiliser de manière très opportuniste des dispositifs, notamment les crédits d’impôts », décrit-elle.
Elle poursuit sa chronologie : « J’ai fini par obtenir une sorte de pacte politique avec le Premier ministre […] Il était simple, un montant très important pour l’agence nationale de l’habitat et si ça marchait, on abondait ce montant ». Mais à l’été 2014, Manuel Valls remplace Jean-Marc Ayrault à Matignon et « ce budget n’a pas fait l’objet d’abondement et les crédits de l’Anah n’étaient pas suffisants pour suivre les engagements qui avaient été pris », déplore-t-elle.
« Je suis absolument convaincue qu’il faut un service public de la rénovation énergétique »
Cécile Duflot regrette « l’absence de constance », de la puissance publique sur le sujet de la rénovation thermique. Et formule quelques préconisations. « Les objectifs annoncés sont toujours les mêmes mais ne sont jamais tenus […] Pour s’attaquer à ce sujet, je suis absolument convaincue qu’il faut un service public de la rénovation énergétique, qui servirait de guichet unique pour les différents financements possibles par différentes collectivités locales et capable de fournir une expertise honnête sur la priorisation des travaux dans un logement ».
L’actuelle directrice générale d’Oxfam France plaide également « pour de la sécurisation financière ». « Je sais que les lois de programmation ne sont plus à la mode sauf dans un cadre militaire. Mais, je pense que si on veut lancer de grands travaux pour pouvoir nous préparer au changement climatique, il faut absolument une loi de programmation qui sécurise une trajectoire dans la durée pour l’ensemble des acteurs ».
« Mes discussions avec les différents ministres du budget ont parfois été désespérantes »
Cécile Duflot va plus loin et considère que cette absence de loi de programmation « est une faute » de l’Etat. « Ce n’est pas le fait de ministres qui se sont succédé à cette responsabilité. Sur la rénovation thermique, tout le monde est d’accord. Tout le monde dit que c’est bien mais on n’y arrive pas. J’ai été très surprise de la dimension court-termiste dans laquelle est pilotée un grand pays comme la France. Je dois dire que mes discussions avec les différents ministres du budget ont parfois été désespérantes. La norme de dépense est la chose la plus stupide que j’ai connue dans ma vie. Quand vous êtes capable de prouver qu’un euro d’investissement d’argent public peut rapporter 1,3 euro d’ici 5 ans, n’importe quel investisseur signe dans la seconde, sauf l’Etat. Les règles budgétaires mises en œuvre dans la loi de finances me semblent complètement absurdes et rageantes », lâche-t-elle.
Les sénateurs ont justement souhaité savoir si être ministre de plein exercice a aidé Cécile Duflot à obtenir des arbitrages. « Oui c’était utile d’être ministre de plein exercice pour obtenir des arbitrages tant sur le plan organisationnel que financier. Et j’avais du poids politique car je représentais le seul parti politique partenaire de la coalition politique qui existait alors » a-t-elle répondu. Ça n’a visiblement pas été suffisant.