La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Renaissance : Gabriel Attal a-t-il déjà « plié le match » face à Elisabeth Borne pour prendre la tête du parti ?
Par François Vignal
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La succession de Stéphane Séjourné à la tête de Renaissance va-t-elle virer au psychodrame ou se fera-t-elle tout en douceur ? Désigné commissaire européen, l’ancien ministre des Affaires étrangères va laisser vide sa chaise de secrétaire général du parti présidentiel.
Un seul candidat, ou plutôt une seule candidate, est pour l’heure déclarée, en la personne d’Elisabeth Borne. Le 21 août dernier, l’ex-premier ministre coupait l’herbe sous le pied de ses potentiels rivaux a annonçant vouloir prendre la tête du parti macroniste. Mais un autre ancien premier ministre s’apprête à se lancer : un certain Gabriel Attal, qui n’est autre que le successeur d’Elisabeth Borne.
Gabriel Attal veut s’exprimer « auprès des adhérents et pas par voie de presse »
Celui qui est devenu président du groupe Ensemble pour la République (Renaissance), à l’Assemblée, n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. La candidature du député des Hauts-de-Seine pourrait même intervenir en fin de semaine, selon La Tribune, peut-être vendredi, au lendemain d’un bureau exécutif, « burex » pour les intimes, qui doit définir les modalités de la succession. Invité dimanche de TF1, Gabriel Attal a mollement botté en touche. « Je m’exprimerai auprès des adhérents, et pas par voie de presse. C’est un sujet qui concerne les adhérents de Renaissance », a affirmé le député, ajoutant qu’« il y a beaucoup de manières d’être utile à son pays ».
Selon les statuts, un congrès devra forcément être organisé d’ici fin novembre. « Il y a un bureau exécutif ce jeudi 10 octobre, qui va décider vraisemblablement une désignation d’une centaine de grands électeurs début novembre, par un vote numérique des militants, puis l’organisation d’un congrès le 23 novembre. Mais c’est encore à valider », explique l’eurodéputée Fabienne Keller, secrétaire générale déléguée de Renaissance. Certains auraient même souhaité « un vote direct des militants », comme le sénateur et membre du « burex », Xavier Iacovelli, selon qui cela « aurait plus de sens ». Pour l’heure, c’est le Conseil national qui élit le secrétaire général. Mais jusqu’à présent, il faut dire qu’il n’y avait pas eu à départager les candidats, tout venant d’en haut et se décidant à l’Elysée, avec l’imprimatur d’Emmanuel Macron.
62 présidents d’assemblées départementales de Renaissance prennent parti pour Gabriel Attal
Le lancement de la fusée Attal se met aujourd’hui en place. « Il a le talent et la compétence pour être le chef de notre parti et pour incarner l’avenir », affirme vendredi dans Le Figaro Valérie Hayer, qui avait mené la liste pour les européennes. Nouvelle pierre de taille ce lundi matin. Dans une tribune publiée par L’Opinion, pas moins de 62 présidents d’assemblées départementales de Renaissance prennent parti pour Gabriel Attal. De quoi nourrir le camp des grands électeurs pro Attal. « Aujourd’hui, nous avons besoin d’un militant à la tête du parti. […] Que le chef de notre parti soit en même temps le président de notre groupe à l’Assemblée nationale serait un atout inestimable », écrit ce nouveau fan club, qui remarque que « sur le terrain », ils ont pu « mesurer l’adhésion et l’espoir qu’il parvenait à susciter plus que personne au sein de notre famille politique ».
Du bel ouvrage. « C’est bien téléguidé, c’est bien fait », sourit un élu Renaissance expérimenté. « Il va se déclarer bientôt. Je le sens déterminé à y aller », glisse un parlementaire qui l’a vu. Il constate qu’« il est en campagne partout. Il fait une bonne campagne ». Il multiplie les déplacements dans les départements. Samedi, il était à Saint-Jean-de Luz, pour parler aux militants de Renaissance Aquitaine, où il a croisé… Elisabeth Borne.
« C’est cousu de fil blanc, il y a deux candidats » pour l’eurodéputée Fabienne Keller
« C’est cousu de fil blanc, il y a deux candidats aujourd’hui. Et la démocratie interne fonctionnera », ajoute clairement Fabienne Keller, qui constate que « Gabriel Attal est très avancé dans sa démarche ».
L’eurodéputée avoue avoir « du mal à choisir » entre les deux. Fabienne Keller remarque cependant qu’« il y a un grand intérêt à ce qu’il y ait une synergie entre le groupe parlementaire et le parti, ce que Gabriel Attal, s’il était désigné, permettra. Et j’ai aussi énormément de respect pour Elisabeth Borne et son action comme première ministre. Ce qu’elle a fait pour sur la planification écologique est remarquable ».
Si on veut avoir un avenir dans le camp présidentiel et dans la macronie, c’est avec Gabriel Attal », soutient le sénateur Xavier Iacovelli
Xavier Iacovelli a pour sa part déjà arrêté sa décision. « Mon choix est fait, il est pour Gabriel Attal. Si on veut avoir un avenir dans le camp présidentiel et dans la macronie, c’est avec Gabriel Attal, car il est apprécié des Français, des militants, il est jeune, il a assuré des responsabilités au plus haut niveau », salue le vice-président du groupe RDPI du Sénat, qui insiste : « Pour redonner un nouveau souffle au camp présidentiel, ça passe par Gabriel Attal ».
Celui qui est aussi délégué général de Territoires de progrès, qui incarne l’aile gauche de Renaissance, ne devrait-il pas logiquement se tourner vers la députée du Calvados, membre aussi de « TdP » ? « Elisabeth Borne est adhérente à Territoire de progrès. Il y a effectivement des militants qui voient d’un bon œil sa candidature. Mais je pense que les cadres de Territoires de progrès voient avant tout l’opportunité d’avoir une personnalité comme Gabriel Attal qui incarne ce progressisme. La majorité de la direction le soutient », soutient Xavier Iacovelli.
« C’est plus un rassemblement des anti-Attal, qu’un rassemblement pro Borne »
En se lançant fin août, Elisabeth Borne avait reçu dans la foulée des soutiens de taille, avec deux anciens ministres, Aurore Bergé et Clément Beaune. Le député de Paris et prédécesseur de Gabriel Attal à la tête du groupe à l’Assemblée, Sylvain Maillard, a aussi apporté le sien. Remarque acide d’un défenseur de Gabriel Attal : « C’est plus un rassemblement des anti-Attal, qu’un rassemblement pro Borne », lâche-t-on, jugeant « pas cohérent » cet attelage politique qui rassemble des représentants de l’aile gauche et de l’aile droite.
Elisabeth Borne fait de son côté savoir, lors de ses échanges, qu’elle est « missionnée pour s’opposer à Attal », glisse l’un des élus qui lui a parlé. « Elisabeth Borne revendique avoir le soutien du chef de l’Etat avec ses interlocuteurs », confirme un autre.
Entre « Gabriel » et « Elisabeth », deux anciens premiers ministres, le risque est maintenant de tomber dans la guerre des chefs, pour Renaissance. « Ce sont deux anciens premiers ministres, qui ont conscience de leur responsabilité. Cette campagne se déroulera bien », espère Fabienne Keller, qui ajoute : « Il faut être vigilant à ce que ce soit très respectueux et constructif pour le parti ». De son côté, Xavier Iacovelli ne « craint pas du tout une guerre des chefs ». « Qu’il y ait deux projets différents, si tant est qu’ils le soient, car pour l’instant, je ne vois pas, c’est plutôt sain pour la démocratie interne ».
« Tout ça paraît beaucoup trop prématuré. En ce moment, on a d’autres chats à fouetter »
C’est plutôt les ambitions que pourraient avoir Gabriel Attal pour 2027 que certains interrogent. « Si ce mouvement se transforme en écurie présidentielle d’une telle ou d’un tel, il est voué à la dislocation et à disparaître », a tweeté l’ex-député Renaissance Jean-Baptsite Moreau. D’autres partagent ses doutes. « Si Gabriel Attal pense se positionner pour être candidat pour une éventuelle présidentielle anticipée, je pense qu’ils se trompe complètement », tranche un parlementaire Renaissance, selon qui « tout ça paraît beaucoup trop prématuré. En ce moment, on a d’autres chats à fouetter », surtout à l’heure des défis qui s’imposent au pays. De là à dire qu’Attal risque de dépasser la Borne…
Des atermoiements qui étonnent Xavier Iacovelli. « Il n’est pas question de la présidentielle », commence le sénateur des Hauts-de-Seine, avant de demander : « Mais qu’est-ce qu’un parti politique, s’il n’a pas vocation à préparer des élections ? Les partis sont là pour ça. Il n’y a pas à rougir de dire qu’on va préparer les municipales, qui sont essentielles à la survie de notre sensibilité, et les prochaines législatives et présidentielles ».
« Le rapport de force va tellement peser et s’organiser dans les prochains jours, que d’elle-même, Elisabeth Borne va décider de se retirer »
A moins qu’une solution se dessine, une entente entre les deux. « Je sais qu’Emmanuel Macron souhaite qu’il n’y ait qu’un candidat, qu’il y ait un accord », glisse un parlementaire du parti, qui croit savoir « que Gabriel a proposé à Elisabeth d’être secrétaire général adjointe. Mais elle ne veut pas. Elle est remontée contre lui ». L’idée ne serait pas mal vue d’une partie de la base. « Evidemment, les militants l’appellent de leurs vœux. Et de l’autre côté, on est des démocrates. Mais s’il y avait un accord préalable, avec une complémentarité, ce serait apprécié », pense Fabienne Keller.
L’idée d’un ticket pourrait s’imposer, espèrent les soutiens de Gabriel Attal. « Je pense que le rapport de force va tellement peser et s’organiser dans les prochains jours, que d’elle-même, Elisabeth Borne va décider de se retirer », espère un pro Attal. Le même pense qu’à partir du moment où ce dernier se déclare, « bien sûr que le match sera plié. C’est pour ça qu’Elisabeth s’est lancée très tôt ». « Gabriel Attal a une très large majorité des présidents départementaux, c’est bien parti pour lui », confirme Fabienne Keller. Un cadre de Renaissance résume sa vision de la situation : « Tu ne peux pas t’engager dans un combat que tu ne peux pas gagner. Et je ne vois pas, aujourd’hui, comment Elisabeth Borne pourrait gagner ».
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