« Je l’ai trouvé très en forme, très déterminé ». C’est un Emmanuel Macron visiblement requinqué, et de retour pour un temps au centre du jeu, qui a reçu les sénateurs du groupe RDPI (Renaissance) à déjeuner, ce mercredi, à l’Elysée. Un déjeuner prévu de longue date, sans lien avec la situation politique actuelle. Une « discussion à bâtons rompus », où le chef de l’Etat n’a néanmoins pas révélé le nom de son prochain premier ministre. Pour cela, il faudra a priori attendre demain.
Il s’est peu étendu sur les discussions en cours pour constituer un éventuel pacte de non-censure. « Il pense qu’on a obtenu hier un accord des communistes, et même d’Olivier Faure pour le PS », glisse un participant. Comme évoqué la veille devant les responsables des partis politiques, il a répété son souhait de ne pas dissoudre d’ici la fin de son quinquennat. « C’est clair qu’il n’a pas envie de dissoudre dans les 30 mois à venir », selon l’un des participants, tout en se justifiant à nouveau sur sa décision mal comprise de juin dernier.
« Beaucoup d’arrière-pensées »
S’il n’a pas donné le nom de la personne qui va occuper Matignon, il a en revanche évoqué l’avenir, au détour d’une réponse. Celui de sa famille politique, du bloc central, où les prétendants à sa succession se bousculent déjà en vue de 2027, le chef de l’Etat ne pouvant se représenter. « Il a dit que son rôle était de “réguler les égos” », rapportent des sénateurs, avec l’idée que le « bloc central soit solide » pour éviter un second tour Mélenchon/Le Pen à la prochaine présidentielle. Autrement dit, ne pas se diviser. « Il y a beaucoup d’arrière-pensées. Beaucoup ont dans le viseur l’échéance présidentielle. Il estime que c‘est trop tôt, que tous ceux qui se voient déjà candidat, ne le seront probablement pas en 2027 », ajoute l’un des convives.
Alors que le projet de loi spécial vient d’être présenté en Conseil des ministres, il a affirmé que « ce sera le ou la premier(e) ministre qui sera chargé de faire un budget ». Précision utile : « Il a dit qu’il fallait trouver des pistes d’économies, mais pas par l’impôt », à une exception près : « Il n’est pas contre un prélèvement sur les très hauts revenus ».
« Le pays a besoin de stabilité »
Point encore évoqué par Emmanuel Macron : « Il a dit que le pays avait besoin de stabilité, notamment pour les acteurs économiques, considérant que la politique de l’offre avait réussi, qu’elle ne doit pas être remise en cause. Il dit qu’il faut “garder les curseurs” », rapporte un sénateur du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, alors que la gauche attend une main tendue du bloc central, pour permettre de s’entendre a minima sur une non-censure.
Outre l’aide de la France en Ukraine ou les questions relatives aux territoires ultramarins – 10 des 20 sénateurs du groupe RDPI sont élus d’Outre-Mer – les sénateurs ont évidemment questionné le chef de l’Etat sur les collectivités. « Il a dit que le rapport Woerth et Ravignon étaient une bonne base de départ pour engager enfin une vraie décentralisation », selon l’un des convives.
Emmanuel Macron « pas favorable » à un nouvel impôt local, selon les sénateurs
La suppression de la taxe d’habitation, réforme d’Emmanuel Macron, a aussi été ajoutée au menu par les sénateurs. Alors qu’elle bénéficiait aux collectivités, la question du retour d’une forme d’impôt local a fait de nouveau débat ces dernières semaines. Sur ce point, « il n’y est pas favorable », soutient un sénateur RDPI, « mais il a abordé la piste autour de la CSG ou la CRDS », dont une part pourrait être reversée aux collectivités, pour recréer ce lien entre les citoyens et les collectivités.
Les sénateurs sont ressortis convaincus de leur déjeuner. « Si le Président faisait ça à la télé, il reconquerrait tout le monde ! La spontanéité de l’entretien lui donnait une valeur persuasive » s’enthousiasme un sénateur Renaissance. Une autre semble ravie : « Ça nous a fait un grand bien de nous revoir ». Emmanuel Macron a au moins son fan club au Sénat.