Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Refus d’obtempérer à Paris : sur quels critères s’applique la légitime défense ?
Par Simon Barbarit & Romain David
Publié le
Légitime défense ou homicide involontaire ? C’est ce que devra déterminer l’instruction dans l’affaire du refus d’obtempérer survenue samedi dans le XVIIIe arrondissement de Paris. En fin de matinée, des fonctionnaires à VTT ont voulu contrôler « une voiture avec quatre passagers dont l’un ne portait pas sa ceinture de sécurité », a relaté une source policière. Alors qu’ils s’en approchaient, la voiture a pris la fuite. Un peu plus loin, alors que les policiers tentaient à nouveau de le contrôler, le conducteur a démarré et « foncé » sur les policiers qui ont fait usage de leurs armes et atteint le conducteur et une passagère de 21 ans. Elle est décédée des suites de ses blessures dimanche.
En garde à vue dans les locaux de l’IGPN, trois policiers sont entendus pour « violences ayant entraîné une interruption totale de travail de plus de 8 jours avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique » et « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Les trois policiers invoquent la légitime défense face à ce refus d’obtempérer.
Que dit la loi ?
En France, la légitime défense est définie par les articles 122-5, 122-6 et 122-7 du Code pénal. « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. » Cinq paramètres entrent en compte pour déterminer un cas de légitime défense : l’attaque subie doit être brutale et injustifiée ; le défenseur agit pour protéger son intégrité physique ou celle d’une tierce personne ; sa réponse à l’attaque subie doit être immédiate, elle doit aussi s’imposer comme la seule riposte possible pour garantir sa protection. Enfin, l’intensité de la défense doit être proportionnelle, c’est-à-dire équivalente à la gravité de l’attaque.
Le cas particulier du recours aux armes chez les forces de l’ordre
Comme pour les civils, la légitime défense des policiers et des militaires de la gendarmerie est soumise à des principes d’absolue nécessité et de proportionnalité. Le Code de la sécurité intérieure relie légitime défense et emploi des armes à feu, en listant une série de cas pour lesquels les agents peuvent en faire usage pendant leur service.
- Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d’autrui.
- Lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées.
- Lorsque, immédiatement après deux sommations adressées à haute voix, ils ne peuvent contraindre à s’arrêter, autrement que par l’usage des armes, des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui.
- Dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.
Légitime défense face à un refus d’obtempérer
Les fonctionnaires de police et de gendarmerie « peuvent également avoir recours à l’usage des armes pour immobiliser une voiture ou tout autre moyen de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui », précise encore le Code de la sécurité intérieure.
Un cas qui correspond à, a priori à l’affaire de ce week-end. Mais il y a la loi et son interprétation par les forces de l’ordre et par les magistrats. Le 28 avril dernier, le soir du second tour de la présidentielle, un policier de 24 ans, muni d’un fusil d’assaut HK G36, avait ouvert le feu et tué deux passagers d’un véhicule sur le Pont-Neuf. À rebours des réquisitions du parquet, la justice n’a pas retenu pour l’heure la légitime défense dans cette affaire. Le policier est mis en examen pour « homicide volontaire ».
Dans l’affaire du Pont-Neuf, ce sont les angles de tir qui remettent en question la légitime défense. Les premières balles auraient été tirées de face, ce qui accrédite la thèse selon laquelle le véhicule était en train de foncer sur les policiers, mais les derniers tirs semblent avoir atteint la voiture par l’arrière. De plus, l’arme aurait été réglée de manière à tirer deux balles par coup, contrairement à ce que stipule le règlement, toujours selon le quotidien francilien.
Lire notre article. Affaire du Pont-Neuf : sur quels critères s’applique la légitime défense ?
Tentatives de réformes
Il y a déjà eu plusieurs tentatives parlementaires pour modifier la légitime défense.
En janvier dernier, durant la campagne présidentielle, le candidat Éric Zemmour, en marge d’un déplacement à Cannes, proposait de remplacer la légitime défense par une « défense excusable », inspirée, selon lui, du droit helvète (lire notre article).
En octobre 2018, durant l’examen en première lecture du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, des sénateurs LR avaient déposé un amendement – rejeté – s’inspirant du droit allemand et du droit suisse, et visant à prendre en compte un « état excusable d’excitation, de désarroi, de crainte, de terreur ou de saisissement causé par l’agression » dans les cas où la réponse apportée excède les limites de la légitime défense.
A noter enfin que la loi Sécurité globale adoptée l'année dernière autorise les policiers et les gendarmes à porter leur arme de service dans les établissements recevant du public, en dehors de leurs heures de service.