Refus d’obtempérer à Paris : « Les postures politiques ont un impact sur les pratiques policières »

Refus d’obtempérer à Paris : « Les postures politiques ont un impact sur les pratiques policières »

A quelques jours du premier tour des élections législatives, un fait divers relance le débat sur l’usage de la force par les forces de l’ordre. La Nupes et Jean-Luc Mélenchon assument faire campagne contre les violences policières et provoquent la condamnation quasi unanime des autres formations politiques.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

« La police tue ». Ce sont les mots qui ont mis le feu aux poudres. Ce tweet de Jean-Luc Mélenchon au lendemain d’une intervention contestée des forces de l’ordre à Paris a pour le moins polarisé le débat public alors que se profile le premier tour des élections législatives. Le leader de la France Insoumise a décidé de « monter le ton » après la mort d’une passagère d’un véhicule pris pour cible par les forces de l’ordre suite à un refus d’obtempérer. Les trois policiers qui ont tiré, sont sortis de garde à vue sans poursuites judiciaires à ce stade.

Celui qui se veut le prochain Premier ministre a assumé ses mots sur France Inter ce matin. « Il y a au moins un responsable politique qui n’accepte pas l’évolution de l’usage de la force de police telle qu’elle est définie par le pouvoir politique », a-t-il expliqué rappelant « qu’il y avait eu quatre morts en quatre mois pour des refus d’obtempéré ».

Lire notre article. Stade de France : polémique sur les chiffres, dysfonctionnements….Revivez l’audition de Gérald Darmanin devant le Sénat

A noter que dans la nuit de lundi à mardi, à Argenteuil (Val-d’Oise), un policier a tiré sur un automobiliste, soupçonné lui aussi d’avoir refusé un contrôle, le blessant au dos.

A quelques jours du scrutin, cette sortie sur l’usage de la force par les policiers a conduit à l’effet escompté. Elle démarque la Nupes des autres formations sur le terrain des violences policières comme en témoigne la pluie de condamnations émanant de la majorité présidentielle, de la droite, de l’extrême droite, du centre d’une partie de la gauche et bien sûr de l’exécutif.

« Vous salissez à longueur de temps la police et la justice, puis de temps en temps vous présentez un projet de sécurité bancal et inadapté à la réalité que vous niez pour draguer quelques électeurs », a par exemple tweeté, le syndicat des commissaires de la police nationale. Qualifié de « groupe factieux » par le leader de la France Insoumise, le syndicat Alliance annonce qu'il va porter plainte en diffamation

La Première ministre a réagi cet après-midi. Sur France Bleue, Élisabeth Borne a trouvé « très choquante la façon qu’a Jean-Luc Mélenchon de s’en prendre systématiquement à la police ».

Quant à Marine Le Pen, l’ancienne candidate RN à la présidentielle, invoque « la légitime défense » des fonctionnaires et rappelle sa proposition d’instaurer une présomption de légitime défense ».

Lire notre article. Affaire du Pont-Neuf : sur quels critères s’applique la légitime défense ?

« Quel type de société nous souhaitons et de son rapport avec sa police ? »

« En tant que parlementaires, nous ne devons pas débattre sous la pression des évènements. Mais nous sommes bien obligés de prendre en compte l’actualité. Ce qu’il s’est passé au Stade de France et cette intervention de police en font partie. Je ne suis pas toujours d’accord avec Jean-Luc Mélenchon mais il a le mérite de poser la question du type de société que nous souhaitons et de son rapport avec sa police. On ne pouvait pas compter sur le programme de la majorité présidentielle pour en débattre », tacle le sénateur PS, Jérôme Durain qui a participé au Beauvau de la sécurité.

En soutien de ses troupes comme à son habitude, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a jugé les mots de Jean-Luc Mélenchon « déshonorant » et a appelé à ne pas prendre les forces de l’ordre « comme des otages d’une campagne électorale ».

« Gérald Darmanin joue la montre. C’est un ministre de l’Intérieur qui à la différence de certains, sous les quinquennats précédents, n’a pas démontré qu’il avait une opinion différente de celle du chef de l’Etat. Après les législatives et l’arrivée au Parlement du projet de loi programmation et d’orientation pour la sécurité intérieure (Lopsi), il se révélera ou se banalisera », analyse énigmatique un sénateur LR.

Le président du Sénat, Gérard Larcher a mis en garde contre « l’outrance et la surenchère qui ne peuvent qu’attiser les tensions et les haines ». Sur France 2, le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau dénonce lui aussi des propos « intolérables » demande des « excuses » au leader de la France Insoumise.

« Jean-Luc Mélenchon dit qu’il veut changer les choses. Mais lui au pouvoir, que ferait la police face à des manifestants d’extrême droite ? Appliqueraient-ils une doctrine de proximité où les forces de l’ordre acceptent la contestation ? Les postures politiques ont toujours un impact sur les pratiques policières. En cas de refus d’obtempérer, il y a des textes et la façon dont ils sont interprétés par la hiérarchie. Depuis Nicolas Sarkozy, les gouvernements ont pris l’habitude d’axer l’action de la police sur son volet répressif. Un affichage politique qui rend problématique le simple fait de critiquer la police », relève Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP).

Christophe Castaner qui se qualifiait pourtant de « premier défenseur des flics de France » avait été débarqué un mois après avoir promis « la suspension systématique » d’un fonctionnaire de police en cas de « soupçon avéré d’acte ou de propos raciste ». L’annonce était mal passée à la base. Des appels à sa démission avaient fusé lors des manifestations où les fonctionnaires jetaient symboliquement leurs menottes.

Quand le patron de la police « préférait renoncer » à l’interpellation plutôt que de provoquer « une catastrophe »

Christophe Castaner est également le ministre qui avait annoncé l’abandon de la technique de la clé d’étranglement. L’abandon de cette technique réglementaire enseignée jusqu’ici dans les écoles de police et en formation continue avait provoqué l’inquiétude et la colère des syndicats. « Entre mettre en œuvre un geste qui peut conduire à une catastrophe et une interpellation à tout prix […] Je préfère qu’on renonce plutôt qu’on prenne un risque supérieur à l’objectif poursuivi » […] Dans la police, ça nous arrive tous, à un moment ou à un autre, d’attendre et de choisir un moment plus favorable pour opérer », avait assuré le directeur général de la police nationale devant la mission d’information du Sénat sur les méthodes d’intervention de la police et de la gendarmerie.

« Il faut bien reconnaître qu’il y a un problème de commandement dans la police »

« Les propos de Jean-Luc Mélenchon sont outranciers, binaires, provocateurs et inappropriés mais il faut bien reconnaître qu’il y a un problème de commandement dans la police. Les syndicats sont dans la surenchère et leurs instructions peuvent être mal comprises par la base », note Philippe Dominati, sénateur (app LR) rapporteur spécial du budget sécurité. « Le ministre les défend. Mais cette défense est valable jusqu’à un certain point. Après les évènements du Stade de France, Gérald Darmanin a soutenu le préfet Lallement affirmant que sa stratégie avait sauvé des vies. C’est intéressant car ce sont les mêmes mots que Christophe Castaner qui après le saccage de l’Arc de Triomphe avait lui aussi assuré que la stratégie du préfet Delpuech avait sauvé des vies », ajoute l’élu de Paris.

« Être pour ou contre la police, c’est quand même très réducteur comme débat. La défense a priori est aussi bête que la condamnation a priori. Si on reprend les propos de Jean-Luc Mélenchon : la police tue. Oui, elle tue. Mais le fait elle de manière légale ? C’est la question judiciaire. L’a-t-on encouragé à utiliser ce dernier recours ? C’est la question politique. Y avait-il une autre manière de remédier à cette situation ? C’est la question de la formation. Il y a encore une dizaine d’années, certains policiers parisiens n’avaient pas de balles dans leur pistolet pour n’être amené à tirer en pleine rue », relate Christian Mouhanna.

 

 

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Refus d’obtempérer à Paris : « Les postures politiques ont un impact sur les pratiques policières »
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Refus d’obtempérer à Paris : « Les postures politiques ont un impact sur les pratiques policières »
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le