Séminaire puis 20 heures. La journée du premier ministre, Gabriel Attal, se déroule sur le thème du travail. Le chef du gouvernement réunit ce mercredi matin ses ministres pour un séminaire gouvernemental consacré au sujet.
Faire des économies
C’est surtout l’occasion de plancher sur la nouvelle réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement. A la recherche de plusieurs milliards d’euros d’économies, l’exécutif a dans le viseur le système d’assurance chômage. De quoi à la fois diminuer les dépenses, tout en incitant mieux au retour à l’emploi, argue l’exécutif. De plus, la Commission européenne demande aux Etats membres de réaliser des réformes structurelles, qui sont par ailleurs bien vues des marchés financiers. Gabriel Attal se rendra ensuite au 20 heures de TF1 pour s’exprimer sur ce sujet sensible, contre lequel les syndicats ont déjà exprimé leurs oppositions.
Le 16 janvier, Emmanuel Macron avait annoncé un « acte II de la réforme du marché du travail ». Le lendemain, il avait précisé ses intentions depuis le Forum de Davos, expliquant vouloir « durcir les règles de l’assurance chômage ». « Plus nous aurons de Français qui travaillent, plus nous aurons de possibilités d’équilibrer nos finances », a assuré mardi le premier ministre, en citant la réforme de l’assurance chômage.
« On est passé de 24 à 18 mois de durée d’indemnisation, on peut encore la réduire », selon Gabriel Attal
Si on ne connaît pas exactement ce que veut faire le gouvernement, la principale piste est déjà sur la table : une réduction de la durée d’indemnisation. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, prépare le terrain et évoque le sujet depuis plusieurs semaines. « Si l’indemnisation est trop longue, ça ne vous incite pas à retrouver un travail », a-t-il encore répété vendredi sur BFM TV. « On est passé de 24 à 18 mois de durée d’indemnisation, on peut encore la réduire », affirmait en février au JDD Gabriel Attal. Selon Le Parisien, la durée pourrait être réduite « de 18 à 14,5 mois ».
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L’assurance chômage est actuellement pilotée par les partenaires sociaux, via l’Unédic, organisme paritaire. Mais pour arriver à ses fins, le gouvernement est prêt à forcer la main aux partenaires sociaux. Il peut le faire maintenant par une lettre de cadrage, qui oriente les négociations. Mais Bruno Le Maire veut aller plus loin. « L’Etat doit reprendre la main sur l’assurance-chômage de manière définitive », a affirmé au Monde le ministre de l’Economie.
Bruno Le Maire veut baisser la durée d’indemnisation des plus de 55 ans de 27 à 18 mois
Sur cette question de la durée, les seniors semblent dans le collimateur de la majorité. Bruno Le Maire, encore lui, avait suscité la polémique, en ouvrant le premier au gouvernement, dès novembre 2023, la porte à une réduction de la durée d’indemnisation de cette catégorie. « Je ne vois aucune raison pour qu’il y ait une durée d’indemnisation plus longue pour ceux qui ont plus de 55 ans par rapport aux autres », avait lancé le ministre, pointant le risque d’utiliser le système pour faire des préretraites déguisées. « Il faut donc modifier ces règles. Je suis favorable à l’alignement de la durée de l’indemnisation chômage des plus de 55 ans, qui est de 27 mois, sur celle des autres chômeurs, qui est de 18 mois », avait précisé ensuite Bruno Le Maire, lors de l’ouverture des débats du budget.
Tout en raccourcissant la durée d’indemnisation, le député Renaissance, Marc Ferracci, a réfléchi de son côté à « une prime de retour à l’emploi » pour les seniors, qui serait proportionnelle au montant des droits restants à l’allocation-chômage.
Accentuer la dégressivité des allocations, durée d’éligibilité : les autres pistes sur la table
En parallèle, les partenaires sociaux se sont réunis mardi sur le « pacte de la vie au travail », autrement dit l’emploi des seniors. Mais alors que ce devait être la dernière réunion, syndicats et patronat auront une séance supplémentaire, le 8 avril, pour tenter de trouver des avancées. En l’absence d’accord, l’Etat reprendra la main.
D’autres pistes sont dans les cartons du gouvernement pour réformer les règles de l’assurance chômage. « On peut aussi accentuer la dégressivité des allocations, cela fera partie des discussions », a ainsi expliqué au JDD Gabriel Attal. Autre idée évoquée : la durée d’éligibilité, soit le temps de travail nécessaire pour ouvrir des droits pour être indemnisé. Le Parisien évoque également l’idée d’« accentuer la dégressivité appliquée depuis 2021 aux plus hauts revenus ». Le renforcement des contrôles est aussi une possibilité. On en compte 600.000 en 2023.
Réformer l’assurance chômage, « c’est inefficace, inégalitaire et ça ne rapporte pas énormément », met en garde l’économiste Eric Heyer
Quelle que soit l’option arrêtée, un durcissement des règles de l’assurance chômage fera polémique. Outre les syndicats, qui s’y opposent, l’idée fait débat chez les économistes. Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), nous expliquait le 22 mars regretter qu’« on préfère taper sur les chômeurs plutôt que supprimer des niches fiscales inefficaces. […] Or sur les chômeurs, c’est inefficace, inégalitaire et ça ne rapporte pas énormément. Vous êtes très vite à l’os ».
Sur un pur plan comptable, la réforme ne serait ainsi pas la poule aux œufs d’or pour un exécutif qui recherche au moins 20 milliards d’euros d’économies pour son budget de l’année prochaine. D’autant qu’Emmanuel Macron a déjà décidé de deux réformes des règles de l’assurance chômage depuis 2017… Ce qui rend d’autant moins compréhensible, aux yeux de ses opposants, ce nouveau tour de vis.
Déjà deux réformes pour durcir les règles de l’assurance chômage depuis 2017
En 2019, une première réforme était en effet lancée. Son entrée en vigueur avait été repoussée par le gouvernement du fait de l’épidémie de covid-19, puis par des décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat, avant d’être bien appliquée en décembre 2021. Elle a augmenté la durée minimale de travail ouvrant des droits, qui avait été portée à six mois, et introduit une dégressivité de 30 % de l’allocation-chômage pour les hauts revenus à partir du septième mois.
La seconde réforme a été adoptée fin 2022. Elle permet de moduler les règles de l’assurance chômage en fonction de la situation économique. Certains critères avaient été durcis, à l’initiative du Sénat. Le texte définitif prévoyait ainsi que les allocations seront supprimées en cas de refus de deux CDI par les personnes en CDD ou en intérim.
Avec ce nouveau train de réformes qui s’annonce, le gouvernement risque-t-il de relancer une fronde sociale ? Pas sûr. Politiquement, il peut faire le calcul que les syndicats ne pourront envoyer des milliers de manifestants dans les rues pour défendre les droits des chômeurs. Mais l’exécutif risque néanmoins de nourrir le fond de mécontentement et de ressentiment qui imprègne une bonne partie de la population.