Réforme de l’allocation-chômage validée : « C’est toujours la faute des chômeurs, s’ils ne travaillent pas ! » dénonce Sophie Taillé-Polian

Réforme de l’allocation-chômage validée : « C’est toujours la faute des chômeurs, s’ils ne travaillent pas ! » dénonce Sophie Taillé-Polian

Contrairement à sa décision du mois de juin, le Conseil d’Etat valide cette fois l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage. « C’est une réforme importante qui va encourager le travail au moment où notre économie repart très fort », salue la ministre Elisabeth Borne. Mais les sénateurs de gauche s’inquiètent pour tout « un tas de professions qui vont être impactées », comme « les saisonniers ».
François Vignal

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La réforme de l’assurance chômage restera bien en application. Le Conseil d’Etat a validé ce vendredi l’entrée en vigueur depuis le 1er octobre de la réforme, après un nouveau recours de tous les syndicats, fermement opposés au nouveau mode de calcul. En juin dernier, le Conseil d’Etat avait suspendu la réforme en raison des conditions du marché de l’emploi. Ce qui avait fortement étonné, pour ne pas dire déplu, au gouvernement ou chez les ministres concernés.

Reprenant cette fois les arguments de l’exécutif, c’est à l’inverse l’amélioration du chômage qui justifie la décision. « Depuis la suspension décidée en juin dernier au motif que la situation du marché de l’emploi ne permettait pas alors d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement de réduction du recours aux contrats courts, une évolution favorable est observée depuis plusieurs mois. La tendance générale du marché de l’emploi ne constitue ainsi plus un obstacle à la mise en place de la réforme », fait valoir le Conseil d’Etat.

« La réforme va permettre également de lutter contre le recours excessif aux contrats courts », selon Elisabeth Borne

Une décision bien évidemment saluée par la ministre du Travail, Elisabeth Borne. « C’est une réforme importante qui va encourager le travail au moment où notre économie repart très fort et où les entreprises ont des besoins de recrutement massifs. Elle va permettre également de lutter contre le recours excessif aux contrats courts qui maintient dans la précarité un grand nombre de travailleurs », réagit auprès de publicsenat.fr Elisabeth Borne.

Du côté de la majorité présidentielle, Pierre-Yves Bournazel, député Agir et coprésident du groupe Les Indépendants, se « réjouit » de la décision, saluant une réforme qui allie « efficacité et justice » ; Elle « encourage à retrouver un travail » tout en apportant « des garde-fous pour ceux qui perdent leur emploi », estime le député.

Au Sénat, la décision est plutôt bien vue par la sénatrice LR Christine Lavarde. « Il faut faire de manière générale une réforme de l’indemnisation du chômage. Aujourd’hui, on n’est pas forcément incité à en sortir et à trouver rapidement un emploi. Il y a certains mécanismes où on est incité à travailler un peu, et à retomber dans le chômage. On peut optimiser le système », regrette la sénatrice, également en charge du projet des LR. Elle ajoute cependant que « l’embellie sur le marché de l’emploi n’est pas forcément durable. Il faudrait voir la part liée aux coups de pouce, du type « un jeune, une solution ». Et il y a des entreprises qui ont été sous perfusion avec le covid-19 ».

« L’équation n’est pas aussi simple »

A gauche, la sénatrice PS Monique Lubin « regrette » la décision du Conseil d’Etat. Mais elle vise avant tout « la réforme. Je ne crois pas que l’équation soit aussi simple, qu’il suffise de réduire les allocations chômage, et les postes non pourvus vont trouver preneur ». La sénatrice des Landes se dit « préoccupée pour les gens qui font de l’intérim ou des contrats courts, comme les saisonniers. Dans mon département, il y a beaucoup de saisonniers agricoles. Si on rend plus drastiques leurs conditions d’indemnisation, ils quitteront ces filières-là ». Ce qui « dérange » aussi Monique Lubin, c’est « que les partenaires sociaux ont été dépouillés de leur prérogative. Comme ils ne sont pas arrivés à un accord, le gouvernement a pris les décisions ».

« Le Conseil d’Etat a validé la date d’entrée. Mais il y a encore des éléments sur le fond » rappelle de son côté Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne. Le Conseil d’Etat doit en effet encore se prononcer sur les recours au fond contre la réforme de l’assurance chômage. Sa décision est attendue « dans les prochaines semaines ».

Le sénateur PCF note « une incohérence » de la part du gouvernement. « On nous dit qu’il faut faire perdurer une situation d’urgence jusqu’au 31 juillet, on donne une allocation one shot de 100 euros, car beaucoup de Français seraient en situation difficile, et là, on dit qu’il faut baisser l’allocation chômage pour une partie d’entre eux… » Quant à l’argument de la ministre selon lequel certains chômeurs gagnent plus qu’en travaillant, « ça frôle l’insolence », rage Pascal Savoldelli. « C’est comme lorsque le Président dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail. Ça me choque », lance le communiste, « on n’oppose pas ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Ce n’est pas le moment d’opposer les Français entre eux, il faut corriger les inégalités ».

« Une réforme qui vise à faire des économies sur le dos de la précarité et des chômeurs »

Sophie Taillé-Polian, sénatrice Génération. s, remarque que « le chômage est effectivement à la baisse, mais le chômage de longue durée n’en reste pas moins élevé ». Elle pense aux conséquences pour certains « métiers structurés de manière à alterner les contrats, comme les guides touristiques. Tout un tas de professions vont être impactées ». La sénatrice du groupe écologiste, membre de l’équipe de campagne de Yannick Jadot, ajoute : « C’est toujours la faute des chômeurs, s’ils ne travaillent pas. On leur reproche d’optimiser leurs droits. Par contre, quand les riches optimisent avec la fraude fiscale, il n’y a pas de souci ! »

« De quoi parlons-nous ? De quelques dizaines ou centaines d’euros pour les chômeurs. Et on peut gagner plus en optimisant et ça ne gêne personne ? C’est insupportable », insiste Sophie Taillé-Polian, qui dénonce une « réforme qui vise à faire des économies sur le dos de la précarité et des chômeurs ». La sénatrice du Val-de-Marne continue : « Le gouvernement cherche à expliquer à Bruxelles qu’il n’y a pas de problème, qu’on reviendra à l’équilibre. Mais comment le faire ? En touchant à la protection sociale, qui coûte « un pognon de dingue »… »

« Ça tape les femmes et les plus faibles qui ont des contrats courts »

Même incompréhension de la part de la sénatrice UDI, Nathalie Goulet. Cette membre de la majorité sénatoriale de la droite et du centre rejoint sur ce point la gauche. La sénatrice de l’Orne ne comprend pas qu’on « aille raser les chômeurs et revoir les modes de calcul, quand on laisse béantes les failles sur la fraude et l’évasion fiscale… ». « Quand on voit l’histoire de la fraude aux dividendes, avec 33 milliards d’euros de perdus pour la France, il y a quand même un deux poids deux mesures qui n’est pas acceptable », dénonce Nathalie Goulet, qui rappelle que « le Sénat avait voté un dispositif complet, tous groupes confondus, en 2018, sur la fraude aux dividendes. L’Assemblée l’avait vidé de sa substance. Je vais redéposer un amendement lors du budget », prévient la sénatrice centriste, qui « préférerait qu’on laisse les chômeurs tranquilles et qu’on aille chercher dans la poche de ceux qui pratiquent l’évasion fiscale. Là, ça tape les femmes et les plus faibles qui ont des contrats courts. Il y a des choses qui relèvent de la grande délinquance financière et on va presser sur les allocations chômage ».

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