New Caledonia: Emmanuel Macron visit

Référendum sur la Nouvelle-Calédonie : « La seule voie raisonnable, c’est le Congrès », rappellent les sénateurs à Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a esquissé la possibilité d’avoir recours à un référendum pour approuver la révision constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Une option démocratiquement envisageable, mais politiquement inflammable.
Simon Barbarit

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Alors que l’état d’urgence décrété il y a 10 jours en Nouvelle-Calédonie arrive à son terme ce lundi soir, Emmanuel Macron semble rester fidèle à sa stratégie amorcée depuis de long mois déjà : maintenir la pression sur les indépendantistes et non indépendantistes pour qu’ils parviennent à un accord global sur l’avenir institutionnel de l’Archipel le plus tôt possible. Entendez par là d’ici les prochaines semaines.

« Je peux aller à tout moment au référendum, puisqu’il y a un vote conforme des deux assemblées », a fait valoir au journal Le Parisien, le chef de l’Etat dans l’avion qui le ramenait de Nouméa. Cette précision qui s’apparente à une forme de mise en garde, voire de menace, semble incongrue dans un tel contexte. Car c’est bien l’adoption par le Parlement de ce projet loi constitutionnelle visant à réformer le corps électoral pour les élections provinciales qui a exacerbé les tensions entre loyalistes et indépendantistes.

« Ce serait la pire des choses de déposséder les Calédoniens du sujet avec un référendum »

Sur le fond, le texte est rejeté par les indépendantistes, qui voient dans cette réforme, une marginalisation des Kanak, peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie, dans la répartition des sièges dans les provinces. Sur la forme, le texte contient une date butoir, celle du 1er juillet avant laquelle la réforme doit être mise en œuvre afin que les élections provinciales prévues d’ici le 15 décembre 2024, puissent se tenir. En effet, les services du ministère de l’Intérieur ont besoin de ce laps de temps pour composer les nouvelles listes électorales. « Une chose est sûre si la révision Constitutionnelle n’est pas entrée en vigueur d’ici le 1er juillet « cela va conduire ipso facto à un report des élections provinciales. », précise le sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère.

Pour l’exécutif « l’anomalie démocratique » qui n’autorise que les personnes inscrites sur les listes électorales avant l’Accord de Nouméa de 1998 à voter aux élections provinciales, ne pouvait durer plus longtemps et ce même, le Conseil d’Etat a fixé le 30 novembre 2025 comme date limite pour organiser les élections provinciales.

C’est la raison pour laquelle, l’exécutif tablait, avant les émeutes en Nouvelle-Calédonie, pour une convocation du Congrès d’ici la fin du mois de juin. Mais depuis 10 jours de violences, la donne a changé et la convocation du Congrès d’ici un mois devient plus qu’hypothétique car la majorité des 3/5e nécessaire n’est plus acquise. « Il n’est pas raisonnable de convoquer le Congrès actuellement et ce serait la pire des choses de déposséder les Calédoniens du sujet avec un référendum, surtout après avoir demandé aux forces locales de trouver un accord global sur l’avenir institutionnel de l’Archipel. Le chef de l’Etat a nuancé ses propos en expliquant que ce n’était pas son intention. C’est ce qu’on va retenir car une telle proposition ferait l’unanimité contre elle », poursuit Philippe Bonnecarrère.

« C’est un président joueur qui crée inutilement des troubles par ses déclarations »

Emmanuel Macron a effectivement rétropédalé quelques heures après sa déclaration. « J’ai juste rappelé ce qu’était la Constitution », a-t-il indiqué dimanche, lors d’une conférence de presse aux côtés du président allemand Franz-Walter Steinmeier. « Une fois qu’une réforme constitutionnelle est votée dans les mêmes termes par les deux chambres », à savoir le Sénat et l’Assemblée, « à ce moment-là le président a le choix de la soumettre au Congrès », c’est-à-dire aux députés et sénateurs réunis à Versailles, ou « au référendum », a-t-il détaillé.

Le président du groupe socialiste du Sénat, Patrick Kanner n’a pas hésité à qualifier cette séquence « de grand n’importe quoi ». « C’est un président joueur qui crée inutilement des troubles par ses déclarations, alors que la situation nécessite du calme. Imaginer avoir recours à un référendum national pour le dégel du corps électoral d’un territoire situé à 17 000 kilomètres de la métropole, c’est humiliant pour les 200 000 habitants de Nouvelle-Calédonie. De qui se moque-t-il ? »

« Le peuple est souverain et pourrait très bien se prononcer sur le sujet calédonien par référendum. En 1988, les accords de Matignon ont d’ailleurs été adoptés par référendum. Pour des raisons démocratiques, le corps électoral doit être dégelé. L’élément important dans le cas présent, c’est que le texte adopté par le Parlement est transitoire. Il avait pour but de faire pression sur les acteurs locaux, car les discussions autour d’un accord global n’avançaient pas. Avoir recours à un référendum pour introduire un texte transitoire dans la Constitution serait politiquement maladroit et ne ferait qu’exacerber un peu plus les tensions dans les deux camps », observe Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris 2 Panthéon-Assas.

Bien consciente qu’il fallait « desserrer l’étau de la discussion » car la date du 1er juillet était perçue « comme un ultimatum », la majorité sénatoriale de la droite et du centre avait fait passer un amendement, permettant, de suspendre le processus électoral jusqu’aux dix derniers jours précédant le scrutin si un accord global était trouvé d’ici là.

« Le Chef de l’Etat craint, sans doute, à juste titre de ne pas obtenir les 3/5e au Congrès »

Le rapporteur LR du texte, Philippe Bas estime que « la seule voie raisonnable, c’est le Congrès, et seulement à condition que l’engagement présidentiel de ne pas ‘‘passer en force’’ soit tenu, ce qui suppose de mettre fin rapidement aux violences en Nouvelle Calédonie et de remettre la question de la liste électorale dans l’agenda des négociations entre Calédoniens pour un accord global sur l’avenir de l’archipel, avec l’aide de la mission des médiateurs qui vient d’être mise en place. Si un tel accord est conclu entre Calédoniens sous l’égide de l’État, la question des 3/5e au Congrès se résoudra d’elle-même, sur un texte qui pourrait alors être revu et élargi. Le Chef de l’Etat craint, sans doute, à juste titre de ne pas obtenir les 3/5e au Congrès mais son propos est en contradiction avec la volonté qu’il a exprimée à Nouméa de ne pas ‘’passer en force’’ », observe-t-il.

Le dégel du corps électoral nécessité par des raisons démocratiques percute le processus de décolonisation progressif de cet archipel français du Pacifique sud, inscrit depuis 1986 sur la liste des territoires non-autonomes à décoloniser de l’ONU. Rappelons que le gel avait pour but d’éviter la mise en place d’une colonie de peuplement en préservant l’identité kanake. Les tensions de ces derniers jours ont pris des allures de guerre civile et ont conduit à 7 morts dont deux gendarmes, le pire bilan depuis les « Evénements » qui, de 1984 à 1988, avaient fait près de 80 morts.

En attendant les résultats de la mission composée de hauts fonctionnaires, il semble acquis que le dégel du corps électoral ne pourra être dissocié d’un accord global sur la citoyenneté calédonienne, le développement économique, les compétences des Provinces…

Entre le référendum et le Congrès, il existe une troisième option à disposition du chef de l’Etat. « Est-ce que l’article 89 de la Constitution impose au chef de l’Etat d’aller jusqu’au bout de la révision constitutionnelle ? Il y a des précédents où le chef de l’Etat a renoncé. En 2000, Jacques Chirac avait renoncé à convoquer le Parlement en Congrès pour réformer du Conseil supérieur de la magistrature », rappelle Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille.

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