Ils sont l’une des clefs pour sortir du blocage. Les socialistes ont été reçus ce lundi matin par le nouveau premier ministre, François Bayrou. Un petit air d’« Un jour sans fin », tant l’exercice semble se répéter ces derniers jours, après les rencontres avec Emmanuel Macron la semaine dernière, et plus globalement ces derniers mois.
Mais pour l’heure, personne ne semble encore avoir trouvé la solution pour sortir de cette boucle. Le rendez-vous du jour, qui suivait celui avec Marine Le Pen pour le RN et Gabriel Attal pour les députés Renaissance, et avant les LR, n’était qu’une première prise de contact. Chacun se renifle.
« Nous sommes restés sur notre faim », affirme Olivier Faure
« Aujourd’hui, c’était une première entrevue pour poser nos conditions, dire notre point de vue et entendre le sien », cadre à la sortie Olivier Faure, premier secrétaire du PS, entouré des deux présidents de groupes de l’Assemblée et du Sénat, Boris Vallaud et Patrick Kanner. Le numéro 1 du PS défend « un dialogue exigeant. Nous sommes dans l’opposition et nous cherchons à comprendre les conditions à partir desquelles nous pourrons être amenés à ne pas censurer le gouvernement ». Pour l’heure, les socialistes, qui ont mis sur la table l’idée d’un pacte de non-censure contre le non-recours au 49.3, se montrent toujours ouverts. « Nous sommes une opposition ouverte au compromis. Encore faut-il qu’un chemin soit ouvert. De ce point de vue, nous sommes restés sur notre faim », constate Olivier Faure. Il ajoute :
Une chose est sûre, il n’y aura pas de socialiste dans l’équipe Bayrou, du moins officiellement. « Nous ne rentrons pas au gouvernement », confirme Patrick Kanner, conformément à la ligne arrêtée par les socialistes la semaine dernière, à peine François Bayrou nommé. Ce qui n’exclut pas quelques tentatives de débauchage. « Il y en a eu d’autres, les Dussopt et compagnie », lance le patron des sénateurs PS, « mais quelqu’un qui rentre au gouvernement se met en dehors du parti », rappelle l’ancien ministre de François Hollande.
« Il a dit qu’il était conscient qu’il y avait un problème sur cette loi Retailleau sur l’immigration », selon Patrick Kanner
S’il est encore trop tôt pour avoir un casting, le PS y voit-il plus clair sur l’essentiel, à savoir les idées ? Pas vraiment. Les socialistes ont rappelé les grands sujets qui comptent pour eux, et qui pourrait mener éventuellement à un accord de non-censure. « Sur les retraites, la justice fiscale, le pouvoir d’achat, les services publics, est-ce qu’il est prêt à faire bouger les lignes ? Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse précise », explique juste après le rendez-vous Patrick Kanner, « on n’est pas vraiment rentrés dans les détails. C’était une rencontre sur l’état d’esprit ».
En termes de « justice fiscale, par définition, c’est demander à ceux qui ont le plus de moyens de faire le plus grand effort. L’équilibre pour y arriver, c’est à lui de le définir. Mais on lui a rappelé qu’on avait porté des amendements en commun à l’Assemblée », souligne le sénateur PS du Nord. Manière de tendre une perche. Quant à un éventuel texte immigration, dont ne veut pas le PS, « il a dit qu’il était conscient qu’il y avait un problème sur cette loi Retailleau », souligne Patrick Kanner, sans que le premier ministre n’exprime son choix, dans un sens ou un autre.
« Il ne faut pas se tromper, c’est au premier ministre de démontrer qu’il a une majorité potentielle », souligne Rachid Temal
S’ils demandent des réponses, reste que les socialistes rentrent eux-mêmes assez peu dans les détails. « Aujourd’hui, il ne faut pas se tromper. C’est au premier ministre de démontrer qu’il a une majorité potentielle. Il ne faut pas inverser les rôles. C’est lui qui est en responsabilité », rétorque Rachid Temal, sénateur PS du Val-d’Oise, qui résume son état d’esprit, qui devrait être celui de nombreux socialistes : « A chaque fois que ça ira dans le bon sens, je voterai. Si ça ne va pas dans le bon sens, j’amenderai. Et si mes amendements ne sont pas votés, je m’opposerai, c’est assez simple ». Autrement dit, « est-ce qu’il y aura des bougés ou pas ? C’est ce que j’attends de François Bayrou. Après, on verra ».
Pour trouver une issue, les deux parties devront forcément se reparler ou se revoir. Pour ça, « il faudrait d’autres rendez-vous pour avancer et le faire avec les groupes parlementaires », espère Olivier Faure, alors que François Bayrou imagine plutôt rassembler une dream team de personnalités au service de la France et au-dessus des partis. « Il dit qu’il dépasse les partis. C’est bien de démarrer comme ça. Je lui souhaite du courage, car à la fin, il faut surtout trouver 289 députés qui votent… » rappelle Rachid Temal. L’ancien premier secrétaire par intérim du PS s’étonne au passage du périmètre de ces nouvelles rencontres. « On note que le Président avait fait mardi dernier une réunion de l’arc républicain, avec les partis avec qui on peut discuter, sans le RN. Et patatras, la première action du premier ministre, c’est de convoquer le RN », pointe le sénateur du Val-d’Oise, se disant même « très surpris qu’il invite le RN ».
« Les pièces du puzzle sont étalées sur la table »
Si les socialistes montrent toujours leur bonne volonté, on comprend en filigrane que le premier ministre doit vraiment faire des pas vers eux, car s’il mène « la même politique », ils reviendront à leur point de départ. « Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, nous sanctionnerions de la même façon », prévient Olivier Faure. Patrick Kanner, qui fait plutôt partie des plus ouverts et qui expliquait vendredi qu’il n’y aurait pas de censure « automatique », n’écarte pas aujourd’hui la menace :