Recours aux cabinets de conseil : le gouvernement « assume » et tente de déminer

Recours aux cabinets de conseil : le gouvernement « assume » et tente de déminer

Face à la polémique sur les cabinets de conseil privés qui travaillent pour l’Etat, qu’Emmanuel Macron traine comme un boulet dans la campagne, la ministre Amélie de Montchalin dénonce une « récupération politique » du rapport du Sénat. Olivier Dussopt salue le travail des sénateurs et entend « mettre en œuvre un maximum de recommandations du Sénat ».
François Vignal

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Eteindre l’incendie avant qu’il ne soit incontrôlable. C’était la mission des ministres des Comptes publics, Olivier Dussopt, et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin. Deux technos pour répondre à un sujet qui devient très politique, à dix jours du premier tour de la présidentielle. Ils ont répondu aux questions des journalistes, lors d’une conférence de presse, à Bercy, sur les interrogations soulevées suite au rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Quitte à donner plus d’importance au sujet, en remettant une pièce dans la machine.

« Il n’y a rien à cacher »

Mais aux yeux du gouvernement, la riposte se justifie, face « aux attaques de plus en plus fortes et de plus en plus grossières » et « à la récupération politique » ou les « fausses informations », dénonce Amélie de Montchalin, dès l’ouverture de la conférence de presse. « Nous n’avons rien à cacher et tout est sur la table », ont martelé les ministres, qui, conformément au message d’Emmanuel Macron, défendent le recours à ces entreprises. « Les cabinets de conseil peuvent être utiles quand ils restent à leur place », soutient Amélie de Montchalin, qui ajoute que « l’Etat assume de recourir à des cabinets de conseil dans certaines circonstances », assurant qu’ils ne décident jamais à la place du gouvernement. Les ministres mettent en avant notamment les situations de crise, comme le covid, ou les questions de système d’information ou d’accompagnement dans la transformation digitale. La ministre rappelle « que ce n’est pas un fait nouveau », et déjà largement utilisé depuis Nicolas Sarkozy.

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Face aux attaques, le gouvernement assure vouloir jouer « la transparence », souligne Olivier Dussopt, « il n’y a rien à cacher ». Le ministre salue au passage « la grande qualité du travail » de la commission d’enquête du Sénat, au point de vouloir s’appuyer sur plusieurs de ses recommandations. Il corrige cependant le chiffre d’un milliard d’euros de dépenses auprès des cabinets, rien que pour l’année 2021, avançant plutôt le chiffre de 893 millions d’euros, ce qui ne représente « que 0,3 % de la masse salariale de l’Etat. On ne peut pas parler de substitution ». Pour arriver au milliard, le Sénat a lui ajouté aux 893 millions d’euros son estimation du recours au conseil par les opérateurs de l’Etat.

« Nous réarmons l’Etat »

Tout va pour le mieux alors ? Pas tout à fait. Car, en creux, les deux ministres reconnaissent qu’il convient d’ajuster la voilure. « Nous réarmons l’Etat », affirme Amélie de Montchalin, « nous tirons les leçons de la crise » du covid, où le recours aux cabinets a été important. S’il faut réarmer, c’est bien que l’Etat n’a plus suffisamment les moyens internes, sur certains pans de politique publique. La RGPP (réduction générale des politiques publiques), sous Nicolas Sarkozy, puis la réduction du nombre de fonctionnaires continuée par François Hollande, sont passés par là. C’est pourquoi le gouvernement va « développer un cabinet de conseil de l’Etat […] destiné à accompagner les ministères », explique la ministre. Le ministère de la Défense a déjà fait de même, avait expliqué Florence Parly lors de son audition au Sénat.

Amélie de Montchalin rappelle la circulaire du premier ministre, qu’elle avait annoncée elle-même devant le Sénat en janvier, qui prévoit « une réduction d’au moins 15 % du recours aux prestations de conseil externe ». Et à l’avenir, « il sera bien vérifié s’il n’y a personne en interne » qui peut faire le travail, « ce sera fait de façon systématique ».

Par ailleurs, l’exécutif va donc « mettre en œuvre un maximum de recommandations du Sénat », assure Olivier Dussopt, comme l’inscription d’un « document de synthèse » des prestations au sein du « projet de loi de finances 2023 » – comme si Emmanuel Macron était déjà réélu – ou encore « la traçabilité des prestations dans les productions finales » et « la systématisation de leur évaluation », ou bien « le renforcement du cadre contractuel, avec un nouvel accord type qui sera défini », pour aboutir à « un renforcement des règles de la mise en concurrence ». Les prestations « pro bono », c’est-à-dire gratuites, seront quant à elle limitées « aux situations exceptionnelles ».

Pas de quoi « rentrer dans les allégations de copinage » sur McKinsey, selon Amélie de Montchalin

Reste l’épineuse question McKinsey. La commission d’enquête du Sénat a révélé que l’entreprise, qui travaille avec les ministères, n’avait pas payé d’impôts sur les sociétés depuis 10 ans en France. Ce matin, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a affirmé qu’une « vérification fiscale » a été lancée « avant le rapport » du Sénat. La sénatrice PCF Eliane Assassi, rapporteur de la commission, avait avancé la date de décembre pour ce contrôle, soit après le début de la commission (lire notre article sur le sujet). Interrogé par publicsenat.fr sur le sujet, Olivier Dussopt, contraint « par le secret fiscal », souligne juste que ses « services » ont commencé ce contrôle « à la fin de l’année 2021 ».

Lire aussi » Cabinets de conseil : « Les propos d’Emmanuel Macron traduisent une grande fébrilité », note le président de la commission d’enquête

Autre question : à l’avenir, les ministères pourront-ils toujours travailler avec une entreprise qui a cherché à ne pas payer ses impôts en France, si le chef de l’Etat est reconduit ? Sur ce point, Olivier Dussopt rappelle que les entreprises candidates ont « une obligation de conformité à leur obligations fiscales », « une obligation déclarative ». Autrement dit, si le contrôle du fisc confirme une anomalie ou une fraude, il pourrait être difficile pour McKinsey de travailler avec l’Etat. Mais pour l’heure, certains contrats sont toujours en cours et ne peuvent être cassés. Combien ? Olivier Dussopt ne sait pas. Mais à titre d’exemple, « McKinsey est l’un des prestataires sur la politique de rachat de l’Etat sur le volet opérateurs. Les choses se passent bien », assure le ministre des Comptes publics.

Quant à la présence de membres de l’entreprise américaine chez LREM ou dans l’équipe de campagne de 2017, ce qui accréditerait l’idée de lien, voire de compromission et de mélange des genres, entre le pouvoir macroniste et McKinsey, Amélie de Montchalin répond que « de tout temps, en tout lieu, une équipe de campagne est composée de bénévoles, de consultants, mais aussi d’étudiants ou de retraités. Ils s’engagent car ils ont des convictions personnelles ». Pas de quoi, selon la ministre de la Fonction publique, « rentrer dans les allégations de copinage ».

« Le gouvernement continue de minimiser l’influence des consultants » dénoncent les sénateurs

Après la conférence de presse des deux ministres, Arnaud Bazin, président LR de la commission d’enquête, et Eliane Assassi, n’ont pas tardé à réagir. « Si le gouvernement affirme qu’il n’a "rien à cacher", il lui aura fallu 5 ans pour réagir, alors que les dépenses de conseil de l’Etat ont plus que doublé entre 2018 et 2021 », pointent les sénateurs dans un communiqué. « Malgré l’enquête du Sénat, le gouvernement continue de minimiser l’influence des consultants », dénoncent les deux sénateurs, qui répètent que « le recours aux cabinets de conseil est un phénomène tentaculaire, qui donne le vertige ».

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