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Rapports de force, groupes politiques : tout savoir sur les enjeux des sénatoriales 2023
Par François Vignal
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C’est une élection pas tout à fait comme les autres. Moins médiatique, mais dont les enjeux n’en sont pas moins politiques. Dimanche prochain, le 24 septembre, la moitié des sièges du Sénat sera renouvelée, comme tous les trois ans. 170 sièges sur 348 sont à pourvoir lors de ces élections sénatoriales, répartis sur 45 circonscriptions. Dans ce scrutin indirect, le corps électoral est composé de 78.000 grands électeurs, composé à 95 % des conseillers municipaux.
Un mode de scrutin indirect, lié aux municipales, qui n’est pas sans effet
Sans trahir de scoop, il n’y aura pas de grands bouleversements dimanche soir. « La majorité LR/Union centriste restera la majorité LR/Union centriste », comme dit un président de groupe du Sénat, qui explique que « le paysage général ne va pas changer. Le Sénat, ça change très lentement. Et on sait à peu près ce que ça va donner, suite aux municipales de 2020 ».
Si la gauche et les écologistes détiennent la majorité des grandes villes et métropoles, la droite reste bien implantée dans les villes petites et moyennes. Or du fait du mode de scrutin, il y a une surreprésentation de ces territoires, dans les zones plus rurales, au détriment des grandes villes, sous représentées comparé au poids de leur population. Ce qui structurellement profite à la droite. C’est pourquoi le Sénat n’est passé qu’une fois à gauche. C’était en 2011, avec le socialiste Jean-Pierre Bel. Une parenthèse de trois ans, avant que le sénateur LR Gérard Larcher, le très solidement ancré président du Sénat, ne retrouve sa place sur le plateau de la Haute assemblée.
Ce mode de scrutin explique aussi pourquoi le Sénat est moins sensible aux variations politiques. Et s’il l’est, c’est avec un temps de décalage, lié aux municipales. Certains vont jusqu’à voir les municipales comme le premier tour des sénatoriales… dont les effets se font sentir quelques années après, en deux temps, avec la série 1 des départements renouvelés, puis la série 2, trois ans après.
Le caractère relativement prévisible du scrutin est cependant petit à petit pondéré. Lors des municipales de 2020, le nombre de conseillers municipaux non encartés, qui ne suivent plus les consignes politiques, a continué à progresser. Ce qui laisse une part de doute, à la marge, dans ce vote à bulletins secrets. Faire campagne, convaincre, n’a peut-être jamais eu autant de sens pour les candidats, avec à la clef un siège de plus à gagner ici ou là.
Si le Sénat restera à majorité de droite et du centre, plusieurs enjeux traversent cependant le scrutin. Il faut regarder au niveau des groupes politiques. « L’équilibre du Sénat ne sera pas changé. Mais il y a 30 sièges qui vont bouger sur l’ensemble du Sénat », pense un autre président de groupe. Reste à voir qui gagnera, et qui perdra…
Les LR misent sur une forme de « stabilité »
Premier groupe du Sénat, le groupe LR compte aujourd’hui 145 sénateurs, soit plus de deux fois plus qu’à l’Assemblée. Ce n’est pas un groupe purement LR. Il compte 17 apparentés LR et 13 rattachés. Point important : il n’a pas la majorité seul. La majorité sénatoriale est en effet composée du groupe LR et des 57 sénateurs du groupe Union centriste. C’est pourquoi l’équilibre, pour ne pas dire le rapport de force, entre LR et centriste, sera à regarder de près. C’est lui qui détermine ensuite la répartition des postes à responsabilité au sein du Palais du Luxembourg – postes de présidence de commission, de rapporteur général, de vice-présidents et questeurs du Sénat, etc – en fonction du poids de chaque groupe.
Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, est plutôt confiant avant le scrutin. « On va avoir le même corps électoral que la dernière fois, c’est-à-dire plutôt avantageux, avec des élections municipales qu’on a gagnées, et des départementales et régionales qu’on a gagnées », a-t-il expliqué à publicsenat.fr, avant d’ajouter : « On peut gagner des sièges, un peu. Mais j’anticipe plutôt une stabilité ». Son collègue LR Jérôme Basher, candidat dans l’Oise, craint cependant « un petit recul », notamment dans les zones urbaines.
Le transfert de maires LR vers Horizons, le parti d’Edouard Philippe, pourrait notamment faire perdre aux LR quelques plumes. Les divisions, qui sont souvent le lot des sénatoriales, ne sont pas non plus sans conséquence. C’est notamment le cas à Paris, où trois listes s’opposent, celles de Catherine Dumas, de Pierre Charon et d’Agnès Even, ou dans les Hauts-de-Seine, où la liste du sortant Roger Karoutchi doit faire face à la liste dissidente de la LR Marie-Do Aeschlimann, qui a peu apprécié ne pas obtenir la quatrième place de la liste officielle, au profit de Joëlle Ceccaldi, maire LR de Puteaux, qui fait face à quelques démêlés judiciaires.
L’Union centriste, l’allié des LR au Sénat, qui sait parler aussi avec les macronistes
Leurs destins ont bien souvent été liés. Union centriste et LR forment la majorité sénatoriale. Sans les 57 voix centristes, pas de présidence Larcher. Les LR n’ont en effet pas de majorité à eux seuls. Mais lors des sénatoriales, les centristes bénéficient aussi des voix LR. Les deux font souvent liste commune. Pas toujours cependant. Selon les départements, chacun part de son côté. Dans ce scrutin où la dimension personnelle est essentielle, on est aussi, et surtout, élu sur son nom.
Scrutin après scrutin, le groupe UC a réussi à gagner quelques sièges. 7 en 2017, puis 3 en 2020, atteignant les 54. Ils sont même 57 sénateurs aujourd’hui. On peut s’attendre aussi à une forme de stabilité pour ces sénatoriales. Il faudra voir si le groupe présidé par Hervé Marseille grappille encore quelques sièges, ou en perd au final.
Le poids des centristes n’est pas neutre politiquement. Car sur certains sujets plus sensibles, centristes et LR ne sont pas toujours sur la même ligne. Ce n’est pas nouveau, mais ces derniers mois, les points de désaccord se sont multipliés, créant parfois des tensions dans la majorité sénatoriale. La ligne de plus en plus droitière des LR, que porte au Sénat Bruno Retailleau, n’est parfois pas celle d’Hervé Marseille, qui préside maintenant aux destinées de l’UDI.
Pour compliquer les choses, le groupe UC joue parfois le grand écart car en son sein, on trouve un certain nombre de soutiens d’Emmanuel Macron – plusieurs sénateurs l’ont parrainé à la présidentielle – quand d’autres s’y opposent franchement. Hervé Marseille symbolise ce jeu d’équilibriste : candidat UDI dans les Hauts-de-Seine, la seconde place de sa liste est réservée au Modem et la cinquième à Horizons…
Il faudra justement voir aussi si le groupe UC ne se retrouve pas concurrencé par le groupe des Indépendants, où siègent les sénateurs Horizons. Pour couronner le tout, les quelques sénateurs Modem, parti allié de la majorité présidentielle, siègent au groupe UC. Sûrement le charme baroque du Palais du Luxembourg.
Le PS n’attend pas de révolution
Au PS, l’objectif affiché et de grappiller quelques sièges. Ce qui est sûr, c’est que ces sénatoriales 2023 ne devraient pas entraîner de grand changement pour les socialistes. C’est pourquoi le président du groupe PS, Patrick Kanner, « parie sur une forme de stabilité », avec espère-t-il « des bonnes surprises ». Il faut dire que le PS a noué un accord national avec ses alliés EELV et PCF dans une bonne partie des départements. De quoi peut-être atteindre l’objectif d’un total de 100 sénateurs de gauche, contre 92 actuellement, que s’est fixée la gauche dans ce scrutin.
Reste que l’union a été impossible dans plusieurs départements. Et comme à droite, la division complique le jeu. Candidat lui-même dans le Nord, l’ancien ministre des Sports doit faire face à la liste dissidente de l’autre sortante PS, Martine Filleuil, évincée de la liste au profit d’Audrey Linkenheld, première adjointe de Martine Aubry à la mairie de Lille.
Avec 33 sièges renouvelables sur 64, le premier groupe de gauche du Sénat, peut profiter des réussites des municipales pour gagner un siège en Seine-Saint-Denis ou en Essonne, avec David Ros, maire d’Orsay. A Paris, toute la gauche a fait liste commune, avec une liste PS-EELV-PCF. Elle espère profiter des divisions de la droite. Mais le PS devrait perdre un siège au profit des écologistes, qui profitent de leur progression aux municipales dans la capitale. Dans le Val-de-Marne, l’arrivée de Laurence Rossignol, sénatrice PS de l’Oise, ne s’est pas faite facilement. La liste d’union de la gauche, menée par le communiste Pascal Savoldelli, fait face à une liste dissidente d’Akli Mellouli.
Les détails des résultats seront à observer, au sein du groupe PS. Car pour l’heure, une bonne partie de ses membres ne sont pas très ouverts à la Nupes. L’union réalisée pour les législatives n’existe d’ailleurs pas au Sénat. Patrick Kanner lui-même n’a jamais caché que la Nupes, et son principal acteur, Jean-Luc Mélenchon, n’étaient pas sa tasse de thé. L’arrivée de nouveaux sénateurs proches de la direction du PS, et donc pro Nupes, pourrait changer les rapports de force au sein du groupe socialiste. Certains élus glissent déjà depuis quelques mois que leur objectif est de « nupéiser le groupe »… Reste qu’aujourd’hui la Nupes affiche ses difficultés en vue d’une autre élection, les européennes.
Le groupe écologiste espère gagner de 3 à 8 sièges
Ils espèrent paraître comme les gagnants du scrutin. Il faut dire qu’ils partent de bas : le groupe écologiste n’a que 12 sénateurs. A peine plus que le seuil, fixé à 10 au Sénat. En 2020, les écologistes avaient pu de nouveau constituer un groupe politique, conséquence des victoires des municipales dans les grandes villes comme Bordeaux, Lyon, Strasbourg ou leur présence à Marseille. Trois ans après, Europe Ecologie-Les Verts espère bien continuer à surfer sur la vague verte des municipales, notamment à Paris. Sur le papier, les écolos gagneront deux sièges, dont celui d’un certain Yannick Jadot, ancien candidat à la présidentielle de 2022. Grâce à l’union à gauche, ils visent même un troisième dans la capitale.
Au soir des résultats, EELV espère gagner au moins 3 sièges. Son président de groupe, Guillaume Gontard, lui-même candidat en Isère, pense avoir entre 15 à 20 sénateurs dimanche soir. L’ambition des écologistes est de « peser encore plus » au Sénat. Outre Paris, le parti mise notamment sur Mathilde Ollivier, 29 ans, qui mène la liste pour les sénateurs représentants les Français établis hors de France, ou pourquoi pas sur Ghislaine Senée, qui espère « faire mentir le président du Sénat », en l’empêchant de « faire le grand chelem dans les Yvelines ».
Le PCF compte bien conserver son groupe, malgré trois quarts de ses sièges renouvelables
Sur le papier, les sénatoriales sont difficiles à aborder pour le groupe communiste. Car avec 11 sénateurs renouvelables sur 15, l’existence du groupe CRCE pourrait être menacée. Mais avec des sortants bien implantés et un accord national avec le PS, la Place du Colonel Fabien compte bien réussir à conserver son groupe. Sa présidente, Eliane Assassi, espère même le « renforcer ». « Je ferai tout pour qu’il y ait un groupe communiste au mois de septembre », nous avait affirmé la sénatrice PCF de Seine-Saint-Denis, qui a décidé de ne pas se représenter.
Le parti compte sur plusieurs sortants, comme Eric Bocquet dans le Nord, Cathy Apourceau-Poly dans le Pas-de-Calais, Pascal Savoldelli dans le Val-de-Marne, ou Fabien Gay en Seine-Saint-Denis, même si le PS y a gagné des grands électeurs. A Paris, le siège de l’ancien numéro 1 du PCF, Pierre Laurent, sera à coup sûr conservé par le porte-parole du parti, Ian Brossat, qui occupe la troisième place de la liste de gauche.
LFI : aucune possibilité de gagner un siège mais des candidatures qui pourraient en coûter à la gauche
Les principaux partis de gauche du Sénat – PS, EELV, PCF – se sont entendus pour trouver un accord national aux sénatoriales. Mais cette union exclut La France Insoumise. LFI a donc décidé de présenter, au dernier moment, des candidats aux sénatoriales dans tous les départements. Au point que LFI est le parti, avec le RN, qui présente le plus de candidats car ses listes sont quasi uniquement composées des membres de son parti.
Des candidats qui veulent porter « le programme de la Nupes », mais sans ses autres membres. Surtout, LFI accuse les autres partis de chercher son « éradication ». Aux yeux du PS, du PCF et d’EELV, LFI joue surtout les trouble-fêtes, avec des candidats qui risquent surtout de faire perdre, au final, des sièges à la gauche. Pour justifier l’absence d’accord avec les Insoumis, le reste de la gauche souligne leur très faible implantation locale, ce qui est une réalité.
Le groupe des sénateurs Renaissance pourrait perdre quelques plumes dans la bataille
Mal lui en a pris. Il y a six ans, François Patriat, fidèle soutien d’Emmanuel Macron et président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat, avait affiché des ambitions en peu trop hautes, et donc non atteintes, pour les sénatoriales. Cette année, les macronistes abordent avec une certaine humilité le scrutin. Ils savent qu’ils ne pourront pas faire de miracle, alors que le parti pâtit d’une faible implantation locale. 12 des 24 sénateurs du groupe sont renouvelables.
« C’est difficile pour tous les candidats de la majorité, dans le contexte actuel. Il y a eu les retraites, les questions des collectivités », reconnaît François Patriat. Le sénateur Renaissance de la Côte-d’Or se dit malgré tout « combatif » et entend afficher un visage optimiste : « J’espère qu’on maintiendra le niveau du groupe, qu’on fera réélire tous les sortants, voire qu’on pourra un peu progresser, gagner des sièges ». En réalité, il est plus probable que le groupe RDPI perde quelques sièges dans la bataille, peut-être trois. L’implantation dans les territoires et au Sénat et un travail de longue haleine pour les macronistes.
Horizons espère « tisser sa toile » au Sénat
Horizons, le parti d’Edouard Philippe, ne part pas tout à fait de zéro dans ce scrutin. Les quelques sénateurs Horizons siègent déjà au sein du groupe Les Indépendant, présidé par Claude Malhuret, lui-même encarté au parti du maire du Havre. Alors que le parti travaille son implantation locale, grâce à une série de transfuges de maires LR, comme celui de Reims, dans la Marne, Horizons espère transformer l’essai. Mais le parti, qui est jeune, ne pense pas marquer beaucoup de points et avance avec humilité. Horizons peut quand même, si tout se passe bien, gagner trois ou quatre sièges.
S’il avance sur les moquettes rouges du Sénat à pas feutrés, le parti d’Edouard Philippe a pour ambition de continuer à « tisser sa toile au Sénat », petit à petit. « Edouard Philippe, au-delà de Horizons, compte des amis, et noue des relations de confiance », nous glissait un parlementaire de la majorité présidentielle. Il faut voir loin en politique. L’horizons est fixé, déjà, sur les sénatoriales de 2026, qui feront suite au prochain renouvellement des municipales.
Le RN en embuscade pour faire son retour au Palais du Luxembourg ?
Après avoir eu deux sénateurs – David Rachline, qui n’est plus sénateur, et Stéphane Ravier, qui a rejoint Reconquête – le Rassemblement national espère bien remettre un pied au Sénat. « Nous aurons de nouveau des sénateurs », annonce, sûr de lui, l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle, l’un des porte-parole du parti.
Le parti d’extrême droite mise surtout sur le Pas-de-Calais, sa principale chance pour faire élire un sénateur, avec Christopher Szczurek. Mais le RN peut espérer que la dispersion, dans le Nord, avec 16 listes, pourrait lui offrir un siège, que le parti n’a pas sur le papier. Il mise aussi sur la Moselle, où Jean-Louis Masson, sénateur sur une ligne proche du RN, ne se représente finalement pas.
Dans les Pyrénées-Orientales, le maire RN de Perpignan, Louis Alliot, reconnaissait lui-même en mai dernier que la partie était compliquée chez lui. « Je pense qu’on aura une petite dynamique derrière nous. Mais ce serait vraiment un exploit si on arrive à faire un sénateur dans un département comme le nôtre », expliquait-il à publicsenat.fr. Pour espérer créer la surprise, les élus RN comptent cependant sur un vote caché en faveur du RN, comme chez une partie des Français, et sur l’image renvoyée par ses députés.
Le RDSE, plus ancien groupe parlementaire, est-il menacé ?
La question se posait déjà il y a trois ans. Est-ce que le plus vieux groupe parlementaire risque de disparaître après les sénatoriales ? Le RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen) voit 7 de ses 14 sièges renouvelés, soit la moitié. On y trouve surtout des sénateurs issus des Radicaux de gauche, mais pas seulement. Son président de groupe, Jean-Claude Requier, ne se représente pas.
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