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Rapport de RTE : La consommation d’énergie, grande absente du débat sur la neutralité carbone
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Pour sortir des énergies fossiles et carbonées, le plan développé par RTE dans son rapport semble simple. D’abord, électrifier au maximum nos besoins énergétiques et ensuite produire une électricité décarbonée à base d’énergies renouvelables et de nucléaire, dans des proportions variables selon les scénarios (de 50 % d’électricité nucléaire à 100 % d’énergies renouvelables). Si cet arbitrage entre les 6 scénarios de RTE a retenu l’attention médiatique et politique, en cadrant le sujet autour d’un débat « nucléaire vs énergies renouvelables », ce n’est peut-être pas tant là que réside le problème. Ou en tout cas, les débats sur la part du nucléaire et des renouvelables éclipsent des débats tout aussi importants, notamment sur ce qui peut être fait du côté de la demande énergétique et de notre consommation finale d’énergie.
» Pour le détail des conclusions du rapport de RTE, voir notre article : Que faut-il retenir du rapport de RTE qui prévoit une neutralité carbone en 2050 ?
Le paradoxe d’une réduction de 40 % de la consommation d’énergie qui suppose une croissance économique soutenue
Et pourtant, l’hypothèse structurante du rapport de RTE concerne bien cette consommation finale d’énergie, que la filiale d’EDF suppose baisser de 40 % d’ici 2050. Le rapport reprend la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et mise sur des gains « d’efficacité énergétique », c’est-à-dire d’arriver à consommer moins d’énergie pour les mêmes besoins, pour atteindre cet objectif. Nicolas Raillard est spécialiste des scénarios énergétiques et chef de projet au think tank « The Shift Project » de Jean-Marc Jancovici, qui « œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. » D’après lui, RTE mise en fait sur l’électrification pour réaliser de tels gains d’efficacité énergétique : « C’est un pari sur une électrification qui permet un gain significatif dans la consommation d’énergie finale. Electrifier une voiture divise par 2 ou 3 la consommation d’énergie par exemple, parce que l’électricité est un vecteur plus efficace pour créer du mouvement mécanique. »
Une sorte de croissance magique
On comprend bien l’idée, mais cela soulève plusieurs problèmes. D’abord, une telle électrification implique de renouveler « assez rapidement » les équipements des usines, ce qui suppose « que l’économie tourne vite et bien pendant 30 ans, avec une augmentation de l’activité et de la consommation » précise Nicolas Raillard. Ainsi l’électrification créée des besoins, que l’on compense dans les scenarii de RTE « sans trop savoir pourquoi », par une sorte de « croissance magique », ce qui est un peu paradoxal quand on veut réduire la consommation finale d’énergie de 40 %. Ceux qui suivent les travaux scientifiques autour de la transition énergétique savent que le Shift Project et Negawatt n’ont pas exactement la même culture de la prospective, ni la même vision de la neutralité carbone. Pourtant, sur ce paradoxe, Yves Marignac, porte-parole de l’association Negawatt, partage le diagnostic d’un paradoxe du rapport sur la consommation d’énergie finale et la croissance économique : « Le scénario de RTE prévoit une baisse de la consommation finale de 40 %, mais reste dans le dogme de la croissance. »
« RTE exclut la maîtrise de la demande énergétique du choix politique »
D’après le spécialiste de la prospective de Negawatt, ce paradoxe « traduit une culture de l’offre des décideurs politiques et économiques, avec une confiance dans des objectifs du côté de l’offre et la défiance du côté de la demande. » En clair, RTE n’envisage que des évolutions du côté de la production d’énergie, pas du côté de la consommation des différents acteurs (ménages, entreprises, administrations publiques). Alors même que « la politique de l’offre est fragile » en matière énergétique : « La France n’a pas été en mesure de tenir ses objectifs sur les énergies renouvelables et la fragilité des projections sur le nucléaire pose question. » Là encore, Nicolas Raillard et le Shift Project partagent le constat d’une incertitude radicale sur les évolutions technologiques nécessaires aux trajectoires envisagées par RTE : « Tout est risqué. On est sur une ligne de crête assez fine entre pousser la filière nucléaire assez fort pour la relancer et véritablement accélérer les énergies renouvelables. » Et surtout, Nicolas Raillard déplore que RTE mette tous ses œufs dans le même panier : « On est déjà en retard et il va falloir aller encore plus vite. Il faut réduire les risques avec une approche plus prudente et avec des matelas de sécurité. »
La sobriété est un terme positif
Et ce matelas de sécurité, c’est de faire baisser la demande énergétique globale. RTE le propose avec l’électrification, mais nous semblons disposer de bien d’autres options. En termes d’efficacité énergétique, déjà, « la rénovation du bâti avec des objectifs de performance ou la politique de limitation de vitesse auraient des impacts immédiats sur la consommation finale d’énergie », explique Yves Marignac. Ensuite, Negawatt rappelle dans tous ses travaux que la sobriété énergétique, c’est-à-dire une consommation énergétique compatible avec les limites physiques de la planète, n’est pas un gros mot et permettrait de desserrer la pression sur l’offre énergétique. « La sobriété est un terme positif » insiste Yves Marignac, qui l’associe à la réduction des inégalités et à l’intérêt général. Ainsi, le « levier » de la demande énergétique serait « le plus intéressant à exploiter » : « Même dans le rapport de RTE, le différentiel de coût entre la trajectoire de sobriété et la trajectoire de référence est le même qu’entre les mix 100 % renouvelables et 50 % nucléaire. » Finalement, pour le porte-parole de Negawatt, « RTE exclut la maîtrise de la demande du choix politique », alors qu’elle semble tout aussi importante dans le chemin vers la neutralité carbone