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Rana Plaza: une loi impose “un devoir de vigilance” aux grandes firmes
Par Fabrice RANDOUX
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Après plus de trois ans de persévérance, la proposition de loi sur "le devoir de vigilance" des multinationales quant au respect des droits humains et de l'environnement chez leurs sous-traitants a été définitivement adoptée mardi, à la joie des ONG à l'origine de ce texte "historique".
A la veille de la fin de la législature et après quatre lectures, toute la gauche a voté pour ce texte "de régulation de la mondialisation" selon le rapporteur Dominique Potier (PS). L'UDI s'est abstenue et Les Républicains, majoritaires au Sénat qui a rejeté trois fois le texte, vont saisir le Conseil constitutionnel contre une "loi punitive".
Les 150 plus grandes entreprises françaises (celles de plus de 5.000 salariés) auront l'obligation d'élaborer un plan de vigilance destiné à "prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement" chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger avec qui elles ont "une relation commerciale durable".
Ce plan devra comprendre "une cartographie des risques", "des procédures d’évaluation", "des actions d’atténuation des risques" et "un mécanisme d'alerte". S'il n'a pas été établi ou mis en oeuvre, un juge pourra prononcer une amende de dix millions d'euros maximum.
L'objectif est d'éviter des drames comme l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013, un immeuble abritant des ateliers de confection pour de grandes marques occidentales. Plus d'un millier d'ouvriers avaient été tués, plus de 2.000 autres blessés.
Dans le cas d'un accident impliquant un sous-traitant, la responsabilité de l'entreprise donneuse d'ordre pourra être engagée si le plaignant prouve que le préjudice causé a un lien avec l'absence de plan de vigilance ou l'inefficacité de sa mise en oeuvre. Autrement dit, si un dommage survient alors que la société mère a bien mis en œuvre un plan de vigilance adéquat, sa responsabilité ne sera pas engagée.
"C'est une obligations de moyens, pas de résultats" a résumé le ministre des Finances Michel Sapin en dénonçant les "critiques fausses" de la droite qui compte attaquer le texte sur la base "qu'on ne peut être responsable d'un fait commis par autrui".Éthique bonne conduite ne suffisent pas".
"Protéger les ouvriers des pays pauvres, c'est aussi protéger les salariés français", a jugé le radical de gauche Jacques Krabal.
- Effet d'entraînement -
Ce vote in extremis "au terme d'un parcours chaotique" est le résultat d'un "compagnonnage original entre des ONG et des députés", a résumé M. Potier qui avait déposé en 2013 un premier texte avec l'écologiste Danièle Auroi et l'ex-PS Philippe Noguès, aujourd'hui non inscrit.
Cette version, qui avait rencontré l'opposition farouche des associations patronales (Medef et Association française des entreprises privées), avait échoué en 2015 faute de soutien gouvernemental.
En dépit du scepticisme général, Dominique Potier a alors repris le flambeau. En collaboration avec le gouvernement, ce député de Meurthe-et-Moselle, volontiers lyrique et qui puise son inspiration dans les mouvements de la jeunesse ouvrière chrétienne, a réécrit un "texte moins radical" mais "plus solide juridiquement".
Dans un communiqué, les ONG et syndicats à l'origine de ce texte (Collectif Éthique sur l’étiquette, Sherpa, CFDT, CCFD...) ont reconnu que ce texte aurait pu être "plus ambitieux", notamment au niveau du seuil des entreprises concernées, initialement prévu à 500 salariés, mais ils ont salué "une avancée historique vers le respect des droits humains et environnementaux par les entreprises multinationales".
Ils ont appelé "les pays européens et la communauté internationale à développer des législations qui vont dans le même sens".
Selon Mme Auroi, il y a déjà "un effet d'entraînement". Une réunion entre parlementaires nationaux se tiendra le 18 mars à Bruxelles pour demander une directive à la Commission européenne, et M. Potier compte aller à Berlin pour rencontrer SPD et CDU sur ce thème.
"La vie d'un jeune homme au Bangladesh, en Éthiopie ou au Mozambique ne vaut pas tout l'or du monde", a-t-il résumé.