Politique
Invitée de la matinale de Public Sénat, Sophie Primas a annoncé que le débat sur l’identité nationale, voulu par François Bayrou, sera lancé « début avril ».
Le
Par François Vignal
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Y aura-t-il un amendement pour rebaptiser le projet de loi simplification en comité de la hache ? Les députés, qui ont entamé lundi l’examen en commission de ce texte, déjà adopté par le Sénat en octobre dernier, s’en sont donné à cœur joie. Le vote de la censure était venu stopper le parcours parlementaire de ce texte, qui prévoit notamment de simplifier la vie des entreprises. Il revient aujourd’hui à l’agenda.
Pour se mettre en jambes, les députés ont commencé par supprimer des dizaines de commissions et comités consultatifs, accusés de doublon ou de manque de production. Des votes souvent à l’initiative de la droite et de l’extrême droite, au grand dam de la gauche. Ils ont notamment supprimé les Conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Ceser), l’Observatoire national de la politique de la ville, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, la Conférence de prévention étudiante. La suppression de la Commission nationale du débat public (CNDP) n’a pas été adoptée. Mais le sujet fera sans nul doute débat en séance. Le gouvernement entend exclure les plus gros projets industriels de son périmètre. Ses salariés sont même en grève.
Une autre instance est passée à la trappe durant les travaux de la commission spéciale : le Conseil national de la montagne (CNM). Crée en 1985, il rend des avis sur les politiques de développement des territoires de montagne. Composé de 90 membres, on y trouve des représentants des collectivités, de l’Etat, les acteurs économiques et associatifs. Le CNM, en tant que lieu de concertation, occupe un rôle consultatif. Il est présidé par le premier ministre, qui délègue à un ministre.
L’amendement de suppression adopté vient du rapporteur du texte, le député UDI des Vosges, Christophe Naegelen, membre du groupe Liot. Dans l’exposé des motifs, il souligne que « cette instance n’a tenu qu’une seule réunion en trois ans (2021-2023), ce qui traduit une faible activité et une absence manifeste d’utilité opérationnelle. De plus, son coût de fonctionnement, essentiellement lié à des frais de réception et de logistique, semble disproportionné par rapport à son impact réel », pointe le député, qui ajoute que « la suppression de ce conseil permettrait une rationalisation des structures consultatives sans impact significatif sur la politique de la montagne ».
La suppression du Conseil national de la montagne passe en réalité mal chez les élus concernés. L’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) exprime sa « stupeur », face à cette nouvelle. « Pour simplifier, autant raser les montagnes ! » ironise l’association dans un communiqué.
Pour la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, secrétaire générale de l’ANEM, c’est une grave erreur. Elle dénonce ce qu’elle perçoit comme un coup de tronçonneuse… « On est dans du symbolique. Je m’élève contre ce vote, avec un parallèle avec ce qu’il s’opère aux Etats-Unis avec Donald Trump et Elon Musk. Il y a des simplifications à faire, qui sont appelées de nos vœux, mais pas sur n’importe quelles structures qui ont un rôle dans la politique de la nation. On n’est pas là que pour faire de l’affichage et du nombre », dénonce Frédérique Espagnac, qui ne cache pas son incompréhension.
La socialiste ne s’attendait pas à cette tournure des événements. « Nous avons déjà été alertés, saisi Matignon, qui nous avait donné un arbitrage positif. Et là, on voit arriver un amendement, visiblement télécommandé, et en plus validé par un avis de sagesse du gouvernement, par la voix de Laurent Marcangeli (ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, ndlr). Ce n’est pas possible », prévient Frédérique Espagnac.
Elle se dit d’autant plus étonnée, « que le premier ministre est lui-même élu d’un territoire de montagne. Je ne comprends pas qu’il puisse valider », que « Laurent Marcangeli est Corse, où il y a quand même des problématiques de montagne ». Elle ajoute que la ministre de l’Agriculture Annie Genevard était, avant d’entrer au gouvernement, la présidente du Conseil permanent du CNM. On peut difficilement l’imaginer en faveur de la suppression de l’organisme.
« Certains disent que le CNM ne s’est pas beaucoup réuni, mais il y a eu la dissolution. Et le CNM devait se tenir la semaine suivante… Donc il n’a pas pu se tenir. Il a fallu attendre que l’Assemblée soit réinstallée. Puis Annie Genevard est devenue ministre. On avait même eu des réunions, il y a trois semaines, avec les ministres Françoise Gatel et Agnès Pannier-Runacher. Elle voulait faire accélérer la réunion du CNM et qu’il élise très vite un président. Elle-même a donné au CNM une feuille de route ! » pointe Frédérique Espagnac.
Quant au coût global, « c’est infirme, ce n’est pas grand-chose ». Et les critiques sur les frais de fonctionnement, « c’est n’importe quoi », enrage Frédérique Espagnac, « souvent, ce sont les élus qui paient leurs billets d’avion ».
« Qu’on arrête de marcher sur la tête. Et que tout ce petit monde revienne à la raison », lance la sénatrice PS, qui place maintenant ses espoirs dans « un amendement qui sera déposé en séance par des collègues de droite et de gauche – nous sommes une association transpartisane – afin de rétablir le CNM ». Elle appelle le gouvernement à le soutenir.
Avec 25 % du territoire de l’hexagone concernés, l’élue souligne que « la montagne est à la croisée des chemins entre réchauffement climatique, et les transformations qui doivent s’opérer ». Les enjeux sont nombreux : « Economie, emploi, environnement, aménagement du territoire, enjeux fonciers majeurs, à l’heure du ZAN, incendie, prédation avec le pastoralisme, préservation des massifs, biodiversité, tourisme, logements… C’est un carrefour pour l’ensemble des politiques publiques ». Pour Frédérique Espagnac, le Conseil national de la montagne « est une institution majeure dans la période où nous sommes ». Pas pour tout le monde, visiblement.
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