Une idée pas nouvelle
La politique politicienne, la « po-pol », ce n’est pas son truc. « J’ai un engagement politique depuis longtemps, à ma façon. Je respecte les responsabilités opérationnelles, mais aujourd’hui, je crois davantage aux mobilisations citoyennes pour conduire ce changement qu’à un casting gouvernemental », déclarait-elle en juillet 2020 à une époque où son nom circulait déjà au gouvernement. Par deux fois sous Emmanuel Macron, elle refusera un ministère de la transition écologique. A-t-elle changé d’avis ?
Ces derniers jours, elle laissait entendre qu’elle « ne se défilerait pas » si Matignon lui était offert. Les socialistes, les écologistes et les communistes ont proposé son nom pour le poste, avant de se heurter au refus des Insoumis. En cause notamment, une tribune cosignée la semaine dernière dans le Monde dans laquelle elle appelait le Nouveau Front Populaire à « tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement ». Lundi, c’est le Parti socialiste qui retoquait l’hypothèse Huguette Bello, actuelle présidente de la Réunion, proche des Insoumis et dont le nom avait été proposé par le Parti communiste.
Une capacité à rassembler
Difficile pourtant de lui trouver des ennemis. « C’est une femme admirable, extraordinaire » lance Mélanie Blanchetot, membre de la Convention citoyenne pour le climat, cette assemblée de 150 citoyens tirés au sort dont Laurence Tubiana a assuré la coprésidence entre 2019 et 2020. « C’est quelqu’un de très pro, abonde Grégoire Fraty, lui aussi membre de la Convention. Elle a réussi à faire travailler 150 citoyens qui venaient de tous horizons : il y avait des monarchistes, des électeurs RN, des communistes, des macronistes. Elle est parvenue à dialoguer avec tout le monde dans le consensus ». Résultat : le rapport final de la Convention a été validé à la quasi-unanimité, avant d’être remis à Emmanuel Macron. Léo Cohen a travaillé pendant deux ans avec elle au sein du comité de gouvernance de la Convention citoyenne, il ne tarit pas d’éloges. « Ce n’est pas quelqu’un qui pratique du micro-management. Elle sait prendre de la distance et n’hésite pas à rester en surplomb. Elle sait déléguer et n’est pas dans l’obsession du contrôle de tout » précise l’ancien conseiller ministériel.
A droite et au centre, les compliments ne sont pas moins nourris. « C’est une femme qui connaît très bien ses dossiers. Elle est compétente, impliquée, énergique et déterminée » juge le sénateur centriste Hervé Maurey, qui l’a auditionnée en tant que président de la commission du développement durable du Sénat au temps où Laurence Tubiana était ambassadrice de la Cop 21. La conférence mondiale pour le climat organisée à Paris en 2015 avait alors débouché sur un accord pivot de la lutte contre le réchauffement climatique. « C’est une combattante et une excellente négociatrice, juge l’écologiste Karima Delli. Mettre d’accord 195 pays autour d’un texte sur le climat relève de l’immense défi. C’est une femme qui a beaucoup d’aura à l’international : elle est une figure très respectée. »
Un manque d’expérience politique
Au rang de ses potentiels points faibles, certains pointent son manque d’expérience politique. Laurence Tubiana ne s’est en effet jamais engagée dans une carrière politique, et n’a jamais exercé de mandat électif. Agée de 73 ans, elle a notamment été conseillère environnement de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, après avoir collaboré avec lui à l’IUT de Sceaux lorsque celui-ci était professeur d’économie. Diplômée de Sciences Po Paris, docteure en économie, trilingue, elle a commencé son parcours à l’INRA, l’institut national de la recherche agronomique, avant de devenir inspectrice générale de l’agriculture.
C’est précisément cette « carte » société civile qu’une partie de la gauche souhaite jouer pour Matignon. Socialistes, communistes et écologistes sont en effet tombés d’accord pour faire d’elle leur candidate à Matignon. Mais pas LFI, qui considère dans un communiqué publié lundi que « [le] blocage politique ne se réglera pas par l’improvisation d’une candidature ‘extérieure’ ». Sur X (ex-Twitter), les réactions sont plus violentes : l’Insoumise Sophia Chikirou estimant que « le hollandisme [est] comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout… Il va falloir recommencer