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Quel avenir pour Gérald Darmanin après son « échec » sur la loi immigration ?
Par Stephane Duguet
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C’est dans son costume de premier flic de France que Gérald Darmanin a choisi de se montrer au lendemain du vote de la motion de rejet de son projet de loi immigration. Il est apparu peu avant 8 heures dans un commissariat de Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne pour essayer de tourner la page d’un « échec politique » que le ministre de l’Intérieur a lui même reconnu sur le plateau du journal de 20 heures de TF1, peu après le vote de la motion de rejet par les députés insoumis, les socialistes, les écologistes, Les Républicains (LR) et Rassemblement National (RN).
« Désaveu personnel »
« C’est un désaveu personnel parce que c’est un texte qu’il a voulu porter, négocier, qui a eu un parcours difficile et a duré plus d’un an », observe Olivier Rouquan, politologue et chercheur au CERSA. En effet, Gérald Darmanin s’est fortement impliqué sur ce projet de loi, chargé par Emmanuel Macron de réunir une majorité. « Il devait montrer que, contrairement à Élisabeth Borne, il pouvait constituer une majorité à l’Assemblée nationale et il a raté le test », estime le communicant Philippe Moreau-Chevrolet, fondateur de MCBG Conseil. « Il devait montrer qu’il pouvait rallier des Républicains, de ce point de vue c’est un échec », abonde Olivier Rouquan.
Malgré son insuccès à faire examiner le texte dans l’hémicycle du Palais Bourbon, le président de la République a refusé d’accepter la démission de Gérald Darmanin, venu jusqu’à l’Elysée après le vote de l’opposition. « Emmanuel Macron l’a mis à l’abri avec cette mise en scène de vraie fausse démission. Gérald Darmanin en sort relégitimé », décrypte Philippe Moreau-Chevrolet pour qui au-delà du ministre, c’est un « échec collectif de la majorité présidentielle ». « S’il n’a pas été limogé par Emmanuel Macron c’est aussi à cause de « problèmes de ressources humaines », note Emilie Zapalski, communicante et fondatrice d’Emilie Conseil.
Difficulté à s’émanciper
Ce n’est pas la première fois que Gérald Darmanin subit un revers depuis qu’il est ministre d’Emmanuel Macron. Il avait été critiqué et au cœur d’une commission d’enquête sénatoriale après les violences et les débordements lors de la finale de la Ligue des champions au Stade de France en mai 2022. « Il a cumulé sans que ça ne s’accroche à son image », rappelle Emilie Zapalski.
La communicante explique quand même qu’il y a des accrocs « dès qu’il veut jouer la carte de l’indépendance », prenant l’exemple de sa rentrée politique organisée à Tourcoing et à laquelle Élisabeth Borne a finalement participé pour le rappeler à l’ordre. Pourtant, à en croire Philippe Moreau-Chevrolet, « la meilleure chose à faire pour lui, c’est de s’émanciper d’Emmanuel Macron parce que le macronisme n’est pas un bon allié pour Gérald Darmanin ».
Ambitions contrariées
Les ambitions futures de l’ancien sarkozyste pourraient être contrariées par ce revers à l’Assemblée nationale. « Il espère a minima devenir Premier ministre, voire président de la République si les circonstances sont favorables, donc il est affaibli », observe Philippe Moreau-Chevrolet. « Je ne crois pas vraiment en ce personnage présidentiable et là j’y crois encore moins. Il se vend trop par rapport à ses possibilités. Avec le projet de loi immigration, on l’a vu », juge Emilie Zapalski.
Contrairement à Élisabeth Borne sur la réforme des retraites, Gérald Darmanin n’a pas pu éviter à la majorité présidentielle d’être mise en minorité. « Depuis les retraites, il y a une accumulation de frustration des parlementaires, une montée de tension entre législatif et exécutif », détaille Olivier Rouquan. Le politologue explique les différences entre la réforme des retraites et la loi immigration aussi par le fait que « le RN était beaucoup moins à son avantage sur les retraites et ne pouvait pas se singulariser sur ce thème ». « L’immigration est beaucoup trop politique pour le RN pour qu’il fasse un cadeau à Gérald Darmanin », appuie Philippe Moreau-Chevrolet.
Occuper le terrain
Pour autant, le ministre de l’Intérieur n’est pas totalement marginalisé. « La meilleure stratégie c’est de continuer de dire qu’il est là et d’agir », avance Emilie Zapalski. Conforté à son poste par le président de la République, Gérald Darmanin « n’est pas démuni », selon Philippe Moreau-Chevrolet. « Il peut aller sur d’autres territoires avec d’autres dossiers comme la délinquance, la police, le renseignement ou encore la laïcité, même si ce terrain est occupé par Gabriel Attal », explique le fondateur de MCBG Conseil.
Il nuance également les conséquences du vote de cette motion de rejet pour la suite de la carrière politique de Gérald Darmanin : « Il ne faut pas l’enterrer trop vite. Emmanuel Macron aussi a subi un échec avec la loi travail en 2016 et ça ne lui a pas empêché d’être élu président. » Le projet de loi immigration ira également en commission mixte paritaire, « la procédure continue », constate Olivier Rouquan qui qualifie cette séquence de « coup dur ».
Le politologue estime que depuis son ministère, « d’autres dossiers vont se présenter comme les Jeux olympiques, la gestion de la lutte contre le terrorisme ou de l’ordre public » et que cela « lui permettra de rester présent ». A l’image de son déplacement dans un commissariat et de ses réponses aux questions au gouvernement à l’Assemblée nationale ce mardi, Gérald Darmanin n’a, en tout cas, pas décidé de se faire oublier.
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