Le texte du projet de loi immigration, examiné par le Sénat depuis lundi, sera voté le 14 novembre dans une version bien différente de celle initialement proposée par le gouvernement. Suppression de l’article 3 sur la régularisation des travailleurs dans les métiers en tension, remplacement de l’aide médicale d’Etat (AME) par une aide médicale d’urgence, facilitation des conditions d’expulsion des étrangers condamnés en France… Le texte qui arrivera en commission des lois puis en séance publique à l’Assemblée nationale au mois de décembre sera considérablement durci.
« Entre ce que demandent Les Républicains, le Rassemblement national, la France insoumise, le PS… À l’Assemblée, je ne vois pas comment on sort un texte cohérent », estime le sénateur LR Roger Karoutchi, sur le plateau de Parlement hebdo ce 10 novembre. La perspective de l’utilisation d’un 49.3, pour faire adopter à l’Assemblée une version du texte proche de celle proposée par le gouvernement, est probable selon l’élu qui espère tout de même que le projet de loi « reprendra un certain nombre de mesures issues du Sénat ».
« J’ai cru comprendre que le ministre de l’Intérieur était plutôt d’accord avec nous »
Roger Karoutchi voit, par exemple, dans la suppression de l’AME un possible terrain d’entente avec le gouvernement. Mardi, lors des débats sur cette mesure à la Chambre haute, c’est la ministre déléguée chargée des Professions de santé Agnès Firmin Le Bodo qui a exprimé la position du gouvernement sur le sujet. Officiellement, il est ainsi opposé à son remplacement par l’aide médicale d’urgence, qui réduit à un panier de soins limité la prise en charge médicale pour les personnes en situation irrégulière.
Mais Roger Karoutchi a bien perçu les divergences de positions des ministres sur le sujet : « J’ai cru comprendre, dans ses déclarations préalables, que le ministre de l’Intérieur était plutôt d’accord avec nous, même si j’ai bien compris que Mme Borne ne l’était pas du tout ». Jeudi soir sur France 2, Gérald Darmanin est pourtant revenu sur sa position au sujet de l’AME, indiquant qu’il ne souhaitait pas que la mesure adoptée par le Sénat se retrouve dans le texte proposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale.
La perspective d’un terrain d’entente avec le gouvernement sur le projet de loi immigration semble donc encore loin. Il y a deux jours, le député Renaissance Sacha Houlié – président de la commission des lois de l’Assemblée – déclarait au Figaro : « À l’Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif. Y compris le volet sur les régularisations. »
« Nous ne céderons pas »
Les modifications du texte qui s’annoncent à l’Assemblée nationale, où les équilibres politiques sont bien différents, laissent ainsi penser que le projet de loi immigration sera ensuite discuté dans le cadre d’une commission mixte paritaire. Dans cette perspective, le sénateur Roger Karoutchi avertit : « Ce sera un bras de fer lourd, difficile, parce que nous ne céderons pas. Si l’article 3 est rétabli, si on supprime tout ce qu’on a mis sur l’AME, si on supprime les mesures fortes en matière de régularisation, c’est très clair le Sénat ne votera pas ce texte. »
Une mise en garde dans la droite ligne de celle de son président de groupe, Bruno Retailleau. Au sujet de potentielles négociations en commission mixte paritaire, le sénateur de Vendée affirmait sur le plateau de Public Sénat hier matin : « Soit on gagne et on rétablit ce qui a été détricoté à l’Assemblée, mais si c’est un texte du en même temps, on s’y opposera, ce sera niet ». Si aucun accord n’est trouvé avec les députés macronistes à l’issue de cette commission, le président du groupe LR au Sénat a déjà indiqué qu’il n’aurait pas de problème à ne pas valider le texte final de ce projet de loi immigration.