French President  holds security meeting

Projet de loi immigration : Gérald Darmanin multiplie les gestes vers Les Républicains

L’examen du projet de loi immigration débutera le 6 novembre au Sénat. En quête de majorité et dans le contexte de l’attentat d’Arras, Gérald Darmanin présente son texte comme une réponse au terrorisme et durcit ses positions pour séduire la droite.
Rose Amélie Becel

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Quelques jours après l’attentat d’Arras, l’exécutif passe à la vitesse supérieure pour faire adopter son projet de loi immigration, désormais présenté comme une solution pour renforcer la lutte contre le terrorisme en France. Après son examen au Sénat prévu pour le 6 novembre, le gouvernement a annoncé mardi que le texte serait présenté à l’Assemblée nationale en décembre et non plus au début de l’année 2024.

Au lendemain de l’attaque, le ministre de l’Intérieur faisait part des obstacles législatifs qui avaient selon lui empêché l’expulsion du terroriste d’Arras, pourtant fiché S. Le 16 octobre, lors d’un point presse, Gérald Darmanin affirmait par ailleurs que : « Le texte immigration tel que nous l’avons proposé et adopté par la commission des lois du Sénat, nous aurait permis d’obtenir la levée des protections du terroriste d’Arras ». C’est désormais sur ce terrain que le ministre joue pour trouver une majorité permettant l’adoption de son texte, quitte à le durcir pour attirer des voix de la droite.

Expulsion pour « non-respect des valeurs républicaines »

Le 17 octobre, le ministère de l’Intérieur a fait savoir que Gérald Darmanin « réfléchit à une disposition » permettant le retrait du titre de séjour pour motif d’adhésion « à une idéologie jihadiste radicale ». La loi sur les titres de séjour prévoit aujourd’hui leur retrait en cas de « menace pour l’ordre public » ou de commission de délits graves.

Le futur projet de loi prévoit une possibilité de retrait du titre pour non-respect des principes de la République : « La liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République ». Le ministre de l’Intérieur souhaite ainsi ajouter aux motifs de retrait celui de l’adhésion au jihadisme. Concrètement, Beauvau donne l’exemple du cas de quelqu’un qui aurait « dans son téléphone une photo de décapitation de l’Etat islamique ».

Allongement de la durée des rétentions administratives

Le ministre envisage également de repousser la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière, s’ils sont « fichés S ou délinquants ». Actuellement, le placement en centre de rétention administrative (CRA) ne peut excéder 3 mois, elle passerait à 18 mois avec la proposition de Gérald Darmanin.

Transformation de l’aide médicale d’État

Le 7 octobre, dans les colonnes du Parisien, Gérald Darmanin annonçait être favorable à la transformation de l’aide médicale d’Etat (AME), dispositif destiné à permettre un accès gratuit aux soins qui bénéficie aujourd’hui à 410 000 étrangers sans papiers, en aide médicale d’urgence.

En mars dernier, lors de l’examen du projet de loi immigration en commission des lois, la droite sénatoriale proposait déjà la transformation de cette aide. Dans son rapport, elle invite à la recentrer « sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ».

Pour le moment, cette transformation de l’AME ne fait pas consensus au sein de l’exécutif. Le 10 octobre, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran assumait « un vrai désaccord » avec le ministre de l’Intérieur sur le sujet. Deux jours avant, Elisabeth Borne annonçait le lancement d’une mission de réflexion sur l’AME, pour évaluer si des adaptations du dispositif sont nécessaires.

Un recul sur les titres de séjour « métiers en tension » ?

Véritable ligne rouge pour Les Républicains, l’article 3 du projet de loi immigration prévoit la création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les “métiers en tension”, qui peinent à trouver de la main d’œuvre.

Face aux contestations de la droite, la majorité affirmait jusqu’à présent le maintien de cette mesure, mais elle est en train de revoir sa copie. « Là-dessus, je pense qu’il y a un compromis intelligent à trouver », affirmait déjà Emmanuel Macron lors d’un entretien sur France 2 et TF1 le 24 septembre dernier.

Le ministère de l’Intérieur, cité par l’AFP, annonce que le sujet pourrait faire l’objet d’une circulaire ultérieure. L’article 3 serait alors largement amoindri et viserait à « faire sauter le verrou de l’employeur » qui doit aujourd’hui donner son autorisation pour permettre la régularisation d’un employé.

Insuffisant pour Eric Ciotti

Invité dans la matinale de CNEWS et Europe 1 ce mercredi 18 octobre, le président des Républicains Éric Ciotti ne semble pour autant pas satisfait de cette main tendue de l’exécutif. Il accuse le ministre de l’Intérieur d’une forme d’instrumentalisation de l’attentat d’Arras pour trouver une majorité : « Il y a une forme d’indécence à utiliser cette tragédie pour pousser un texte dont on connaît les failles, les limites et les imperfections. »

Pour marquer son désaccord avec le texte du gouvernement, le patron de la droite annonce par ailleurs que Les Républicains soumettront leur propre proposition de loi constitutionnelle sur l’immigration à l’Assemblée nationale le 7 décembre prochain, lors de leur niche parlementaire. La proposition est également inscrite à l’ordre du jour du Sénat, pour le 12 décembre. Avec l’accélération du calendrier des débats du projet de loi, la fin d’année risque d’être tendue entre Les Républicains et la majorité.

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