France Rape Trial

Procès des viols de Mazan : pourquoi la notion de consentement ne figure pas dans le code pénal ?

Lors du procès retentissant des viols de Mazan, les avocats de la défense cette semaine ont questionné le consentement de la victime Gisèle Pelicot, malgré des vidéos la montrant inconsciente. L’opportunité d’inscrire la notion de consentement dans le code pénal divise les praticiens du droit et le personnel politique.
Simon Barbarit

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Le procès Pelicot a pris un tournant cette semaine. Une affaire hors normes qui a commencé le 2 septembre pour une durée de 4 mois, impliquant Dominique Pelicot, le principal accusé qui a reconnu avoir drogué sa femme pendant dix ans pour la faire violer par plus d’une cinquantaine d’hommes, tout en les filmant. Très médiatisé, car le huis clos a été refusé par Gisèle Pélicot, la victime, le procès a relancé un débat de société autour de la notion de consentement. Et pour la première fois au procès des viols de Mazan, Gisèle Pelicot a exprimé son sentiment d’humiliation, mais aussi de colère face aux insinuations de certains avocats sur ce qu’elle a subi, leur lançant : « Un viol est un viol ».

Une réponse aux propos d’un avocat de la défense, Guillaume De Palma qui a affirmé devant les caméras, qu’il y avait « viol et viol » minimisant ainsi l’intention réelle de certains des accusés dont beaucoup affirment avoir pensé participer à un jeu sexuel d’un couple libertin « Pas une seconde je n’ai donné mon consentement à Monsieur Pelicot ni à ces hommes qui sont derrière », a rappelé cette femme de 72 ans qui aurait été victime de quelques 200 viols, dont 92 commis par 50 coaccusés.

Ce débat autour de l’introduction de la notion de consentement dans la définition du viol dans le Code pénal français divise praticiens du droit et le personnel politique. Pour rappel, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». La notion de consentement n’y est donc pas mentionnée. En début d’année, un article d’une directive européenne sur les violences faites aux femmes proposait une définition commune du « crime de viol » caractérisé dès lors que la victime n’a « pas consenti à l’acte sexuel ». La disposition a finalement été retirée suite aux désaccords entre Etats membres.

« Ça mettrait fin au débat judiciaire »

« Je constate qu’il y a un gouffre entre le débat médiatique au sein duquel la notion de consentement est abondamment citée et le débat pénal au sein duquel, cette notion de consentement n’existe pas. C’est un non-dit. Définir juridiquement le viol par l’absence deconsentement de la plaignante conduirait à déplacer le débat sur son comportement. L’infraction serait alors caractérisée dès lors que la plaignante affirme qu’elle n’a pas donné son consentement. Ça mettrait fin au débat judiciaire », estime Julia Courvoisier, avocate au barreau de Paris.

Auditionné par la délégation aux droits des femmes du Sénat, il y a quelques mois, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti avait exprimé lui aussi ses réticences à inscrire la notion de consentement dans le droit français. « Je pense que la définition du viol telle que nous l’avons dans notre code pénal, nécessairement mais implicitement, rappelle le défaut de consentement parce qu’on parle de violence, de surprise et de contrainte […] Je ne suis contre rien. Ça se réfléchit […] Qui trop étreint souvent mal embrasse […] Faisons attention à ce que ce combat (contre les violences sexuelles) qui n’est malheureusement jamais terminé, n’aboutisse pas à pire que ce que nous avons aujourd’hui. Une législation qui sait ce que c’est que le viol et qui le réprime de façon plus sévère que les autres pays européens ».

« Une proposition de loi pour ajouter la notion de consentement »

La sénatrice écologiste, Mélanie Vogel a déposé à l’automne 2023 une proposition de loi visant à substituer les quatre éléments constitutifs du viol inscrit dans le code pénal par la reconnaissance de l’absence de consentement comme élément constitutif de l’agression sexuelle et du viol. Elle n’a pour l’instant pas été examinée par le Sénat. Invitée de la matinale de Public Sénat, la sénatrice a effectué un comparatif avec une autre infraction. « C’est quelque chose que l’on comprend très bien dans la société, à partir du moment où l’on parle de n’importe quoi d’autre que du corps des femmes. Si vous regardez la violation de domicile : vous êtes chez vous, vous n’avez invité personne, vous êtes en train de lire dans votre canapé, et quelqu’un rentre chez vous. Vous n’êtes pas censés rentrer chez quelqu’un qui n’est pas d’accord, tout le monde comprend cela. Mais quand c’est à propos du corps des femmes, soudainement, il y en a qui disent ‘je ne savais pas qu’elle n’était pas d’accord’. Il n’y a que pour le corps des femmes que soudainement, on considère que sans indication contraire, il est disponible. Eh bien non, c’est l’inverse, il n’est pas disponible sauf avec consentement ».

« La rédaction actuelle permet de couvrir beaucoup de cas »

La sénatrice socialiste, Laurence Rossignol, ancienne ministre aux droits des femmes, souhaite quant à elle, enrichir le code pénal mais sans ôter les quatre éléments constitutifs de l’infraction : violence, contrainte, menace ou surprise. « On pourrait ajouter un alinéa chapeau pour indiquer que le viol est une relation sexuelle non consentie. Mais il ne s’agit pas de bouleverser l’architecture l’article 222-23. Je pense qu’il permet de couvrir beaucoup de cas. Ce qui pose problème dans la législation actuelle ce n’est pas le nombre de relaxe ou d’acquittement mais les classements sans suite ».

« Ajouter la notion de consentement à la définition actuelle ferait du viol une infraction hybride examinée selon le comportement du suspect soit selon les déclarations de la victime. Et je rappelle qu’en droit pénal pur, seul le comportement du suspect est interrogé. La plainte de la victime est un indice sérieux mais en droit, elle reste un élément comme un autre », objecte Julia Courvoisier.

Laurence Rossignol a déposé un une proposition de loi afin de punir plus durement le cumul de circonstances aggravantes de ce crime, comme les viols sériels ou la soumission chimique.

 

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