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Procès des assistants RN : Marine Le Pen pourra-t-elle se présenter en 2027 ?
Par Simon Barbarit
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Au lendemain des réquisitions du procès des assistants parlementaires RN, le réveil est dur pour Marine le Pen et les membres de son parti et pourrait même virer au cauchemar si les magistrats suivent les réquisitions du parquet dans leur décision qui devrait être prononcée au début de l’année 2025.
Il est reproché à Marine Le Pen, en tant qu’ancienne eurodéputée et ancienne présidente du Front national (devenu le Rassemblement national en 2018), d’avoir participé à la mise en place d’un système destiné à assurer la rémunération de certains collaborateurs du parti par le Parlement européen.
Dans leur réquisitoire, les procureurs ont estimé que l’ancienne candidate était au « centre » d’un « système organisé » visant à faire du Parlement européen la « vache à lait » du RN, au « mépris des règles démocratiques ». C’est pourquoi, l’accusation a réclamé une peine de 300 000 euros d’amende Marine Le Pen, ainsi que 4,3 millions d’euros d’amende, dont 2 millions d’euros ferme pour le Rassemblement national. Cinq ans de prison, dont deux ans de prison ferme, et surtout cinq ans d’inéligibilité ont été requis contre la députée du Pas-de-Calais.
« La seule chose qui intéressait le parquet, c’était Marine Le Pen pour pouvoir demander son exclusion de la vie politique […] et puis le Rassemblement national pour pouvoir ruiner le parti », a réagi l’ancienne eurodéputée qui a, sans surprise, vu des arrière-pensées politiques dans ce réquisitoire.
Les élus du Rassemblement national et le parti lui ont emboîté le pas en mettant en ligne une pétition dénonçant « une ingérence manifeste dans l’organisation de la vie parlementaire au mépris de la séparation des pouvoirs », « une tentative d’éliminer la voix de la véritable opposition » et de « contourner le processus démocratique ».
Pourquoi la peine de cinq d’inéligibilité n’est pas surprenante ?
Comme nous l’avions écrit ici, le calendrier retenu par les procureurs, qui se sont notamment appuyés sur la durée des contrats d’assistants parlementaires des personnes incriminées, fait courir la période des faits reprochés à Marine Le Pen jusqu’au 31 décembre 2016.
De ce fait, à seulement vingt jours près, la députée du Pas-de-Calais tombe sous le coup de la loi du 11 décembre 2016 « pour la confiance dans la vie politique », dite Sapin II et ne bénéficie pas du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Ce texte prévoit, dans son article 19, des peines d’inéligibilité complémentaires obligatoires pour cinq ans en cas de condamnation pour des délits d’atteinte à la probité publique. « Avant la loi Sapin II, la peine d’inéligibilité n’était pas automatique, mais les juges pouvaient très bien la prononcer quand même. Après la loi, les juges restent souverains et peuvent ne pas la prononcer dans une décision spécialement motivée. Il n’y a pas d’automaticité. Tout est souverainement dans la main des juges qui ne sont que la bouche de la loi », explique l’avocat, Jean-Pierre Mignard. C’est la raison pour laquelle en 2017, le Conseil Constitutionnel saisi par des parlementaires de droite parmi lesquels, Éric Ciotti, avait estimé que la peine d’inéligibilité automatique ne remettait pas en cause le principe d’individualisation des peines.
Invité de la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous », le constitutionnaliste, Benjamin Morel rappelle les conséquences d’une peine d’inéligibilité. « Ça a deux conséquences. Vous ne pouvez pas vous présenter à une élection. Ça implique une démission automatique de l’ensemble des mandats si vous êtes élu local. Pour les parlementaires, séparation des pouvoirs oblige, vous demeurez parlementaire le temps de votre mandat. Toutefois s’il y a une dissolution dans huit mois, vous ne pouvez pas vous représenter », souligne-t-il.
Ainsi Louis Aliot, prévenu aux côtés de Marine Le Pen, contre qui une peine d’inéligibilité est aussi requise, il pourrait quitter la mairie de Perpignan en cas de condamnation.
« L’exécution provisoire de la peine, c’est le vrai sujet »
Face à la triple candidate à la présidentielle, le procureur Nicolas Barret a précisé que ses réquisitions étaient assorties d’une « exécution provisoire », ce qui veut dire que si la peine d’inéligibilité était prononcée elle « viendrait interdire aux prévenus de se présenter à des futures élections locales ou nationales ». L’appel ne serait donc pas suspensif. « Nous sommes ici dans une enceinte judiciaire et le droit s’applique à tous », a-t-il ajouté affirmant que la justice ne pouvait être comptable des « ambitions » politiques de chacun.
Prévue à l’article 471 du code de procédure pénale, « l’exécution provisoire permet aux magistrats de s’assurer que la personne est bien condamnée malgré un appel », explique l’avocate pénaliste, Julia Courvoisier. « Ça ne pose pas de problème quand on plaide la personnalisation de la peine et qu’on ne conteste pas la culpabilité, mais le quantum. Vous êtes condamnées à 10 ans de prison vous en vouliez huit… Dans tous les cas, vous restez en détention jusqu’à l’appel. Le problème dans le cas de Marine Le Pen, c’est que ses avocats contestent sa culpabilité et plaident la relaxe. L’exécution provisoire de la peine, c’est le vrai sujet », ajoute-t-elle.
Ce n’est pas la première fois qu’un élu est condamné à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. En 2021, le sénateur des Bouches du Rhône, Jean-Noël Guerini avait été reconnu coupable de prise illégale d’intérêts par le tribunal judiciaire de Marseille et condamné à trois ans de prison dont 18 mois ferme avec détention à domicile, à une amende de 30 000 euros et à une peine d’inéligibilité de cinq ans. Dans une décision du 21 novembre 2021, le Conseil constitutionnel avait indiqué que le « droit d’éligibilité » du sénateur était « sans effet sur le mandat parlementaire en cours ». Jean-Noël Guerini était resté sénateur jusqu’à la fin de son mandat tout en étant inéligible.
« Une défense de cités » de Marine Le Pen
Jean-Pierre Mignard a, toutefois du mal à imaginer une condamnation à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire visant un candidat à l’élection présidentielle. « Si la décision est infirmée en appel, comment revenir en arrière après ça ? Je note toutefois que le parquet a osé demander l’inéligibilité d’une candidate à la présidentielle. Ce n’est pas une fantaisie, la loi le permet, mais c’est quand même inédit. Nicolas Sarkozy, qui sera jugé l’année prochaine, dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, a du souci à se faire. La justice est le seul pouvoir intermédiaire qui subsiste dans notre démocratie. En Italie, la bataille contre l’institution judiciaire a déjà commencé. Ce n’est pas anodin que le premier soutien apporté à Marine Le Pen après les réquisitions soit celui du vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini ».
Pour Julia Courvoisier, l’exécution provisoire de la peine demandée par le parquet s’explique aussi par la défense de Marine Le Pen, « une défense de cités, de voyou », compare-t-elle. « On ne lâche rien. On nie tout. On ne balance personne malgré les éléments accablants du dossier. Il y a probablement des éléments à décharge dans le dossier, tous les prévenus ne seront peut-être pas condamnés. Mais le parquet a estimé qu’il n’y avait aucun doute sur la culpabilité de Marine Le Pen. En réalité, il s’agit là d’un problème politique car la date de jugement devrait arriver au printemps 2025 soit quelque mois avant une possible dissolution ».
Dans l’hypothèse de condamnation avec exécution provisoire, Marine Le Pen devra compter sur la rapidité de la justice afin que le procès en appel se déroule avant 2027 et bien sûr qu’il lui donne gain de cause. La députée pourrait aussi poser une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Mais là encore, elle devra attendre le procès en appel.
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