Prix de l’énergie : des désaccords persistent entre les Etats membres de l’Union européenne

Prix de l’énergie : des désaccords persistent entre les Etats membres de l’Union européenne

Toutes les divergences n’ont pas été surmontées lors de la réunion d’urgence des ministres de l’énergie ce 9 septembre. Si plusieurs propositions, comme le soutien aux fournisseurs d’électricité en manque de liquidités, ont valu un large soutien, d’autres ont divisé le Conseil. C’est le cas de la proposition de plafonnement des prix du gaz importé de Russie.
Guillaume Jacquot

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L’hiver a commencé à se jouer en partie ce vendredi à Bruxelles. Les ministres européens de l’énergie se sont réunis pour un conseil extraordinaire, convoqué le mois dernier. Au menu de ce sommet : la crise énergétique et les mesures à prendre pour passer la saison froide sans difficulté. Ils étudiaient les propositions présentées par la Commission européenne ce mercredi pour limiter l’envolée des prix de l’électricité et du gaz, qui ont battu des records depuis l’invasion russe en Ukraine.

Il ne s’agit pour le moment que d’un conseil préparatoire, dans l’espoir de faire émerger des positions communes. L’enjeu pour les Vingt-sept Etats membres sera de s’accorder rapidement sur une base consensuelle pouvant être rapidement mise en œuvre. La Commission européenne doit présenter une proposition la semaine prochaine. Et un nouveau conseil, en fin de mois, devrait être l’occasion d’acter des textes et des décisions. À la sortie du conseil, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, se montrait globalement confiante sur la suite. « Ce conseil a montré l’unité, la détermination et la solidarité des Etats membres sur les sujets de l’énergie. »

« Rien ne serait pire que d’avoir des solutions nationales à une crise européenne »

Si les États membres ont pu déjà mettre en place à leur échelle des mécanismes pour venir en aide aux ménages et limiter la flambée des factures, la Commission européenne défend une approche coordonnée. Mercredi, elle a présenté un paquet de mesures, solutions dont discutaient aujourd’hui les Européens. « Le mot-clé, c’est l’unité. Rien ne serait pire que d’avoir des solutions nationales à une crise européenne. Comme les marchés sont interconnectés, y compris au plan physique, si on crée des initiatives non coordonnées, on aggraverait le risque systémique pour toute l’Union européenne. Il y a des dispositions d’exception à adopter », résume Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe.

Parmi la batterie de mesures proposées par la Commission européenne, l’une vise à corriger la mécanique de marché qui s’est grippée, avec la forte hausse des prix du gaz. Le prix de l’électricité est basé sur celui du gaz, avec lequel fonctionnent les dernières centrales mobilisées dans le réseau pour répondre à la demande d’électricité. Bruxelles propose de plafonner les revenus des énergéticiens (renouvelable, nucléaire), qui vendent leur électricité à un prix bien supérieur au coût de production. Un prélèvement de la différence entre ce plafond et le prix du marché servirait à financer les aides aux ménages et aux entreprises. De nombreux Etats ont affiché leur soutien à ce mécanisme de redistribution, y compris Paris et Berlin. Dans les détails, beaucoup de choses restent à discuter, comme la forme juridique que prendra l’instrument et surtout, le niveau du plafond.

L’hypothèse d’un niveau fixé uniformément à 200 euros par mégawattheure, quel que soit le type de centrale, laissait hier la France sceptique. « Le fait d’avoir le même plafond pour tous les Etats membres et les technologies, nous pose encore quelques questions. Il faut qu’on en reparle avec la Commission », confiait le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, quelques heures avant le sommet. Agnès Pannier-Runacher, à la sortie du conseil, a reconnu ce vendredi qu’il fallait encore « approfondir les travaux ». « Il y a une volonté d’avancer pour avoir un dispositif qui soit le plus juste possible, qui prenne en compte le fait que certaines productions d’électricité ont des technologies différentes et des coûts différents. »

Cette idée de contribution sur les « superprofits » doit aussi s’étendre aux producteurs et distributeurs d’énergies fossiles, plaide également la Commission européenne. Ces entreprises ont beaucoup tiré parti de la hausse des cours au niveau mondial. Sur ce sujet, l’Autriche par exemple défend une discussion « sans tabou ».

Les discussions achoppent sur le plafonnement des prix du gaz

La proposition de la Commission de plafonner les prix du gaz russe ne fait pas consensus en revanche. Si la part du gaz russe dans les importations européennes a considérablement baissé depuis février (9 % actuellement), cette source reste importante pour certains pays, qui redoutent que Moscou ne ferme ne ferme les vannes en riposte. « C’est une autre forme de sanction contre Moscou, plutôt qu’une véritable solution à la crise énergétique », a notamment averti le ministre tchèque de l’Industrie. Son pays préside actuellement le Conseil de l’Union européenne. La Hongrie affirme quant à elle « ne pas comprendre » cette proposition qui risquerait de « provoquer une pénurie ». D’autres Etats, notamment dans le sud de l’Europe, préconisent à l’inverse un plafonnement sur l’ensemble du gaz, et pas seulement le russe.

C’est probablement le dossier qui coince le plus ce vendredi. Selon le Financial Times, au moins 10 Etats affichent leurs craintes face à au plafonnement des prix du gaz russe. La présidence tchèque reconnaît qu’il faudra « un peu plus de temps » pour aboutir sur ce sujet. « Il y a une volonté d’avancer sur ce sujet-là », a déclaré la ministre Agnès Pannier-Runacher, à la sortie du conseil.

Pour Michel Derdevet, du think tank Confrontations Europe, parvenir un accord sur le plafonnement du prix du gaz utilisé dans la production d’électricité sera déterminant dans la crise actuelle. « C’est la solution à court terme qui peut permettre d’éviter un rebond sur le marché de l’électricité. »

Quant au soutien à apporter aux fournisseurs d’électricités, à court de liquidités, les choses sont plus consensuelles. Beaucoup d’Etats s’accordent sur l’importance de venir en aide à ces entreprises qui font face à des problèmes de trésorerie, ces dernières étant essentielles pour acheter de l’énergie. Alors que les Européens s’attellent depuis l’été à des coopérations renforcées dans l’achat et les approvisionnements en énergie, un aspect ne doit pas être oublié, selon Michel Derdevet. « Il faut plus que jamais que les énergéticiens se parlent. Tout ne se réglera pas avec la réunion des ministres. Il faut que la coordination technique entre les gestionnaires du réseau soit optimum. »

Autre suggestion de la Commission européenne, pour desserrer les tensions sur l’offre et la demande : fixer des objectifs contraignants pour réduire la demande d’énergie. Elle met sur la table l’idée d’une baisse de 10 % de la consommation mensuelle nette de chaque Etat.

Le temps sera sans doute un allié pour pousser les Etats à s’entendre d’ici la fin du mois. Plusieurs ministres ont fait savoir qu’il était urgent de décrocher un accord.

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