Pour la présentation de son premier budget Justice devant la commission des lois du Sénat, Didier Migaud s’est démarqué de son prédécesseur qui aimait employer le terme « historique » pour qualifier la hausse des crédits de son ministère. A l’origine, le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait une simple hausse de 100 millions par rapport à l’exercice précédent, mais en baisse de près de 500 millions d’euros par rapport aux objectifs de la loi de programmation 2023-2027. « J’ai demandé au Premier ministre qu’il puisse arbitrer un ajustement à la hausse pour le ministère de la Justice […] Il est de 250 millions d’euros, ce qui nous permet de respecter les engagements qui ont été pris en termes d’effectifs […] les protocoles passés en termes de rémunération […] entre 2024 et 2025, les crédits vont augmenter de 358 millions d’euros, soit une hausse de 3,5 % », a-t-il indiqué.
Alors que la loi de programmation prévoit de porter en 2027 le budget de la Justice à près de 11 milliards d’euros avec notamment l’embauche en cinq ans de 10 000 personnes, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers, l’exercice de 2025 le porte à 10,5 milliards. L’année prochaine, 970 emplois supplémentaires seront créés dans le champ judiciaire, avec 343 magistrats, 320 greffiers et 307 attachés de justice. Dans le champ pénitentiaire, ce sont 528 emplois supplémentaires et 45 au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse.
« La réalisation du plan est très en retard »
Comme il l’avait indiqué la semaine dernière, Didier Migaud a confirmé que le calendrier du plan 15 000 places de prison supplémentaires d’ici 2027 ne sera pas respecté. « La réalisation du plan est très en retard. Moins d’un tiers est réalisé et 42 % le sera d’ici 2027, si tout se passe bien. C’est de l’ordre 6 421 places au lieu des 15 000 », a-t-il rappelé. Le ministre a cité des « aléas techniques et environnementaux », « des tensions générées sur des délais d’approvisionnement », mais aussi les réticences des élus locaux de voir s’installer des établissements pénitentiaires sur leur commune. « Il est très difficile de convaincre les élus de nous laisser bâtir un établissement pénitentiaire sur leur territoire. Le temps est venu d’une prise de conscience de chacun si nous voulons que ce plan se réalise », a-t-il appelé. « Le plan ne pourra désormais pas être réalisé avant 2029 dans le meilleur des cas et suppose des efforts substantiels dans les prochaines années », a-t-il prévenu.
Le garde des Sceaux va même plus loin en reprenant l’analyse de la direction du budget qui considère que la soutenabilité budgétaire de « ces opérations n’est pas assurée ». « Au-delà de 2025, ce plan 15 000 n’était pas financé ».
C’est pourquoi, Didier Migaud propose des solutions « d’accélération juridique », « des solutions de type modulaire qui permettent d’être réalisées très rapidement et à des coûts moindres ». « Que l’on réfléchisse à d’autres solutions et pas seulement à un type unique de prison. Nous avons une population diversifiée au niveau de nos 80 000 détenus ».
Narcotrafic : « Il y a urgence à organiser quelques-unes de nos prisons pour isoler davantage ces condamnés »
Quelques semaines après l’annonce du plan contre la criminalité et la surpopulation carcérale, Didier Migaud reconnaît que pour mettre en place « de nouveau quartiers sécurisés et d’isolement, il aura besoin « de moyens supplémentaires par rapport au budget tel que présenté aujourd’hui ». « Je trouve que c’est important parce qu’il y a urgence à organiser quelques-unes de nos prisons pour isoler davantage ces condamnés. C’est inacceptable qu’ils puissent continuer leur trafic et commanditer des meurtres ».
Didier Migaud précise que les quartiers d’isolement sont déjà occupés par des détenus radicalisés « donc il faut qu’on puisse créer de nouveaux quartiers ».
En ce qui concerne les moyens dédiés au nouveau parquet national anticriminalité, une partie des nouveaux effectifs du champ judiciaire y seront affectés.
Enfin interrogé par le sénateur LR de Nouvelle-Calédonie, Georges Naturel sur le projet de construction d’une nouvelle prison à Nouméa d’ici 2032. « Je suis conscient de l’état de la prison actuelle qui est indigne et fait honte. Il est nécessaire de construire une nouvelle prison. Un engagement a été pris mais pour l’instant, ce n’est pas financé », a-t-il, là encore, reconnu.