Lille Regional congress of the Horizons political party

Présidentielle : pourquoi Edouard Philippe n’est « pas là pour beurrer les tartines »

En mobilisant ses troupes ce week-end, le candidat à la présidentielle rappelle qu’il est déjà tourné vers 2027, tout en marquant sa différence, quitte à sérieusement prendre ses distances avec François Bayrou. Un tour de chauffe à destination aussi des militants.
François Vignal

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

Ceci n’est pas un meeting de campagne électorale. On ne sait pas si Edouard Philippe est amateur du peintre surréaliste René Magritte, mais les partisans du candidat déclaré à l’élection présidentielle l’assurent tous, ou presque : en rassemblant plus de 1.500 de ses partisans, ce week-end, à Lille, l’ancien premier ministre fait simplement vivre son parti, Horizons, sans brûler les étapes.

« Une montée en puissance progressive, décidée depuis longtemps »

Drapeaux tricolores, standing ovation, musique entraînante… Les apparences sont pourtant trompeuses. « Ce n’est pas un meeting de campagne pour la présidentielle. La présidentielle, c’est en 2027. C’est un congrès interrégional. Il y a eu Bordeaux. Il y aura Marseille. C’est un meeting de renforcement d’Horizons, un parti qui soutient un candidat à la présidentielle », explique ce lundi Nathalie Loiseau, eurodéputée Horizons. « C’est un meeting de mobilisation des troupes, d’abord pour les prochaines échéances qui arrivent, les municipales – et il y a toujours de possibles législatives qui sont là, à tout moment, on ne sait pas – et pour qu’elles se préparent à la grande échéance présidentielle, à partir de mai 2026 », quand le programme sera dévoilé, ajoute en local de l’étape Franck Dhersin, sénateur Horizons du Nord, qui ajoute qu’« il faudra des maires, des conseillers municipaux qui demain, devront relayer le massage d’Edouard Philippe, sur le terrain ».

« C’est une montée en puissance progressive, décidée depuis longtemps. C’est beaucoup plus la progression d’un parti, que le début d’une campagne », minimise un cadre d’Horizons, rappelant les multiples déplacements dans les départements d’Edouard Philippe. Mais le même reconnaît que dans ce chemin, que l’ex-premier ministre pave patiemment, « il y a des cailloux un peu plus fort que les autres ». Franck Dhersin souligne que rien n’est fait au hasard, chez le maire du Havre : « Edouard Philippe est quelqu’un d’assez méthodique. Il met en place sa méthode. Il fait parfaitement où il veut aller et ce qu’il veut faire ».

« Il doit aussi rassurer les militants qui parfois pensent qu’on ne l’entend pas assez »

Reste que l’événement avait un peu des allures de démonstration de force, à un plus de deux ans de l’échéance présidentielle. C’est d’ailleurs assumé. « Il y avait du monde. Il n’y a pas beaucoup de personnalités qui sont capables de mobiliser autant de monde, hors période électorale, avec beaucoup d’enthousiasme. Incontestablement, Edouard Philippe a du monde derrière lui, des troupes et une équipe », soutient Pierre-Yves Bournazel, secrétaire général d’Horizons, délégué à la structuration du parti et aux élections. Un message autant à destination externe qu’interne, pour mobiliser les troupes et gagner de nouveaux adhérents. « Il doit aussi rassurer les militants qui parfois pensent qu’on ne l’entend pas assez. Mais comme dit Edouard, son objectif, ce n’est pas de faire la tournée des plateaux télé. Lui est plutôt dans la tournée des départements. Il quadrille le terrain pour préparer sa candidature et son image », explique Franck Dhersin. Autrement dit, si ça ne se voit pas toujours, le maire du Havre s’active. « Comme dirait l’autre, on n’est pas là pour beurrer les tartines », lance un cadre du parti, paraphrasant Edouard Philippe.

Une attitude qui aurait son effet. « A regarder les sondages, ça a l’air de pas trop mal lui réussir. C’est une stratégie qui marche », pense un fidèle. Mais Edouard Philippe se méfie des études d’opinion, comme le confiait il y a quelques jours une responsable du parti :

 Il y a un traumatisme des sondages chez lui, qui date d’Alain Juppé. Edouard ne supporte pas qu’on lui parle des sondages. La situation d’aujourd’hui, ce n’est pas celle dans quelques mois. 

Une responsable d'Horizons.

Le candidat Philippe n’est pas encore à pleine vitesse. Pour l’heure, il muscle encore son jeu. « C’est le deuxième étage de la fusée. Sa détermination est totale et sa construction, solide. Edouard Philippe réfléchit depuis longtemps à la conquête et à l’exercice du pouvoir. Beaucoup de gens réfléchissent à la conquête du pouvoir, mais ne savent pas quoi en faire. D’autres à l’exercice, mais trébuchent en chemin », relève un chapeau à plume d’Horizons.

« C’est très important d’entrainer ses militants à être en mode campagne »

L’événement de Lille peut aussi paraître comme un tour de chauffe, pour une partie des troupes, dont le CV militant peut parfois être encore léger. « Pour un jeune parti comme horizons, c’est très important d’entraîner ses militants à être en mode campagne. Il y a beaucoup de jeunes, qui ont besoin de se mettre en mouvement », confie un responsable d’Horizons, qui ajoute :

 Ça soude les troupes, ça leur apprend à se mobiliser. Et la prochaine campagne sera celle des municipales, qui sera très importante pour Horizons. 

Un cadre d'Horizons.

Une carte du local, que le mouvement joue depuis sa création. « Nous sommes un parti très implanté dans les territoires, un parti qui fait confiance aux acteurs locaux, un parti décentralisé. Nous avons 600 maires Horizons aujourd’hui », se félicite Pierre-Yves Bournazel.

Ce genre de démonstration doit aussi permettre de gagner des cartes de membres, quand il faudra tracter partout sur le territoire. « On a 34.000 adhérents, ce qui est très bien. Mais il faut que ça continue à grossir », prévient un parlementaire du parti.

« On s’aperçoit que le sujet des années qui viennent ne sera pas la Sécurité sociale mais la sécurité tout court »

Mais pour grossir, la ligne doit être claire et suffisamment différenciante. Sur ce plan, Edouard Philippe fait entendre sa petite musique depuis déjà plusieurs mois. Ces derniers jours, il vient de nouveau de marquer sa différence, en disant tout le mal qu’il pensait du conclave sur les retraites voulu par François Bayrou, quitte à enfoncer un coin dans la majorité. Le maire du Havre juge la réunion des partenaires sociaux « hors sol », dans le contexte international. François Bayrou a lui estimé « antinational (es) » ses critiques sur l’absence de réformes d’ampleur.

« Il l’a mal pris », assure un proche d’Edouard Philippe, « car ce sont des qualificatifs qu’on réserve à l’extrême droite ou l’extrême gauche ». Sur le fond, ce soutien défend la ligne : « On s’aperçoit que le sujet des années qui viennent ne sera pas la Sécurité sociale mais la sécurité tout court. Le coût du réarmement est tel, que c’est encore moins le moment qu’avant de revenir en arrière et de faire de nouvelles concessions sur les retraites ». « Malgré la situation politique nationale, avec l’instabilité à l’Assemblée nationale, un calendrier parlementaire assez peu chargé, Edouard Philippe a rappelé qu’il y avait des priorités à faire pour le pays, sur la politique de défense, sur la nécessité de sortir de la spirale de la dette », ajoute pour sa part Pierre-Yves Bournazel.

« Un côté churchillo-gaulliste »

« Il ne s’agit pas se différencier pour se différencier, mais de dire ce qu’il a à l’esprit, ce qu’il souhaite pour la France », minimise Nathalie Loiseau. Franck Dhersin, lui, en rajoute plutôt : « Autant on sent une méthode chez Edouard Philippe. Autant on ne sent aucune méthode chez le premier ministre aujourd’hui. Ce que dénonce Edouard Philippe », avance le sénateur Horizons du Nord, « la critique d’Edouard Philippe me semble tout à fait normale, quand le premier ministre fait une erreur ». Pour le sénateur, « Edouard Philippe est dans son rôle de candidat, en disant « si demain, je suis président de la République, je ne dirigerai pas de cette manière-là ». Il montre sa différence, c’est normal ».

Dans ce contexte international pour le moins instable et anxiogène, le camp d’Edouard Philippe entend aussi envoyer le message qu’il peut être l’homme de la situation. « On a vu la dimension de l’homme d’Etat, la vision. On a une stratégie pour la France, avec la volonté d’affirmer la légitimité de l’Etat, pour que la puissance publique porte bien son nom », lance un responsable du parti, qui veut même y voir « un côté churchillo-gaulliste ». Avec comme programme, du sang, de la sueur et des larmes, pour dire aux Français, « je vous ai compris » ?

« Faire des plans sur la comète, en ce moment, c’est quand même très compliqué »

S’il faut attendre mai 2026 pour connaître son projet, qu’il promet « massif », à Lille, Edouard Phillippe a commencé à lever le voile : en cas d’élection, il compte dissoudre l’Assemblée et lancer trois référendums pour introduire une dose de capitalisation sur les retraites, la règle d’or budgétaire et sur la possibilité de légiférer par ordonnance sur la santé, l’éducation et la justice, quitte à contourner au passage le Parlement. « Evidemment, on voit ça d’un œil critique en tant que parlementaire », tance Franck Dhersin, « mais on n’aura pas le temps d’attendre, si c’est l’intérêt de la France ». Mais l’ancien premier ministre pourra-t-il rassembler, tout en défendant la capitalisation ? « Il y a deux ans, quand vous parliez retraite par capitalisation, il y avait de quoi faire une manifestation de la CGT, rien que sur une déclaration. Aujourd’hui, tout le monde est pour, dans notre camp », soutient un parlementaire. Il paraît que les victoires politiques sont précédées de victoires idéologiques. Mais les Français sont-ils vraiment sur cette ligne ?

Alors que dans le bloc central, les prétendants se bousculent, avec Gabriel Attal, à Renaissance, sans compter sur les LR, entre Laurent Wauquiez ou peut-être Bruno Retailleau un jour, la division guette. « Six mois avant la présidentielle, il faudra bien que la droite et le centre s’unissent, sinon, on connaît le résultat. Il faut un seul candidat et surtout pas de primaire », soutient Franck Dhersin. Mais le sénateur le reconnaît : « Faire des plans sur la comète, en ce moment, quatre mois à l’avance, vu ce qu’il se passe, c’est quand même très compliqué. Personne n’arrive à lire au-delà de trois/quatre mois ». L’horizon n’est pas encore dégagé.

Dans la même thématique

Sapin Madrid far-right Patriots for Europe summit ‘Make Europe Great Again’
5min

Politique

Inéligibilité : la QPC sur laquelle se penche le Conseil constitutionnel peut-elle avoir un impact sur le procès de Marine Le Pen ?

A quelques jours du verdict dans l’affaire des assistants parlementaires du RN, le Conseil constitutionnel se prononce sur une question prioritaire de constitutionnalité en lien avec les peines d’inéligibilité. Si la décision pourrait influencer les magistrats, le lien avec l’affaire concernant Marine Le Pen n’est pas évident.

Le

Présidentielle : pourquoi Edouard Philippe n’est « pas là pour beurrer les tartines »
3min

Politique

Emmanuel Grégoire candidat à la mairie de Paris : "Je ne pourrai pas soutenir quelqu'un qui a passé son temps à me tirer le tapis sous le pied », déclare Anne Hidalgo

Invitée de la matinale de Public Sénat, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est exprimée sur la fin de son mandat, et les élections municipales à venir. Si l’édile soutient le sénateur socialiste Rémi Féraud pour la succéder, elle attaque son premier adjoint Emmanuel Grégoire, également candidat, qui n’a pas « rempli son rôle de protéger le maire ».

Le