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Présidence de la commission des lois : en désignant Muriel Jourda candidate, « Les Républicains n’ont pas fait le choix du consensus »

La sénatrice LR du Morbihan, Muriel Jourda a été élue candidate à la présidence de la commission de lois suite à un vote interne au groupe. Grande favorite pour succéder à François-Noël Buffet, Muriel Jourda incarne une ligne dure sur l’immigration et était opposée à l’inscription de l’IVG dans la Constitution. De quoi faire douter les élus centristes et de gauche de sa capacité à susciter le consensus au sein de la commission.
Simon Barbarit

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« Personne n’a été humilié », comme l’observe le sénateur Jacques Grosperrin à la sortie de la réunion de groupe LR où se déroulaient, ce mardi, les élections pour les candidatures à deux vice-présidences de la Haute assemblée et au prestigieux poste de la présidence de la commission des lois (lire notre article). Au deuxième tour, Muriel Jourda a été élue candidate avec 69 voix contre 59 pour Philippe Bas. Le troisième candidat, Christophe-André Frassa s’est retiré après le premier tour où il avait récolté 23 voix.

Une belle victoire pour Muriel Jourda. Elle l’emporte face au sénateur de la Manche qui a déjà occupé la fonction pendant 6 ans et s’était fait connaitre auprès du grand public lorsqu’il avait occupé la présidence de la commission d’enquête Benalla en 2018. « Si je n’aimais pas prendre des risques, j’aurais fait autre chose », a réagi Philippe Bas après sa défaite, ce matin.

« Il me faudra passer sous les fourches Caudines de la Commission »

A la sortie de la réunion, certains donnent des « Madame la présidente » à Muriel Jourda. « Je ne suis pas encore présidente, il me faudra passer sous les fourches Caudines de la Commission », rectifie cette dernière, prudente. En effet, ce sont les membres de la commission des lois qui voteront pour la présidente ou le président mercredi prochain. Mais la composition de la commission respecte les équilibres du Sénat, c’est-à-dire que LR et centristes forment la majorité. Sauf énorme surprise, difficile à ce stade d’imaginer Muriel Jourda ne pas être élue la semaine prochaine. « Nous avons des accords anciens avec les centristes sur les présidences de commission (les présidences de la commission de la culture et de la communication, ainsi que celle de l’aménagement du territoire, sont réservées aux centristes NDLR). Je sais bien que par les temps qui courent, on ne peut jurer de rien. Si les centristes s’abstenaient, par exemple ce serait un coup de canif très profond dans les accords de la majorité sénatoriale », analyse Roger Karoutchi.

« L’élection s’est jouée sur des différences politiques »

Le sénateur des Hauts-de Seine lançait il y a quelques jours son club politique, « le club des Sages » au sein du groupe LR du Sénat. Une manière de dénoncer « le dégagisme exacerbé », dont il a fait les frais en retirant sa candidature à la présidence du groupe, à la demande de Bruno Retailleau, pour laisser la place à Mathieu Darnaud. Un club de 40 membres dont fait d’ailleurs partie Muriel Jourda et qui organisait son premier déjeuner ce mardi.

« Il n’y a pas eu de dégagisme, ni de jeunisme agressif par rapport à l’élection de Muriel Jourda. Elle a beaucoup d’expérience et elle a l’âge qu’elle a. On a donné un coup d’arrêt à ces tentatives et certains sont peut-être revenus à la raison. Ce qu’on peut dire c’est que l’élection s’est jouée sur des différences politiques. Muriel Jourda a une ligne plus ferme sur un certain nombre de sujets », observe Roger Karoutchi.

Francis Spziner, sénateur de Paris et membre de la commission des lois abonde. « J’ai eu plaisir de la côtoyer pendant un an. C’est une excellente juriste, une femme de conviction et ça peut en déranger certains. Mais il faut toujours se méfier des gens qui font l’unanimité ».

Opposée à l’introduction de l’IVG dans la Constitution, rapporteure de la dernière loi immigration, Muriel Jourda est proche sur le fond du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Elle avait, à ce titre, participé activement au durcissement du projet de loi Darmanin par la majorité sénatoriale. « L’IVG comme je l’ai expliqué à l’époque n’était pas un enjeu de société mais un problème de droit. Quant à la dernière loi immigration, j’étais corapporteure avec un centriste (Philippe Bonnecarrère NDLR). Nous avons fait le travail ensemble. Il n’y a aucune raison que l’unité de la majorité sénatoriale se soit délitée depuis », soutient la sénatrice.

D’autant que les centristes ont peu de marges de manœuvre. La semaine prochaine, la délégation aux collectivités du Sénat élira le successeur de Françoise Gatel nommée ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat. En vertu de l’accord de majorité, la présidence de la délégation revient aux centristes et c’est le sénateur du Cantal, Bernard Delcros qui a été choisi par le groupe. « Si on barre la route à Muriel Jourda. Les LR feront de même pour Bernard Delcros », confie un membre du groupe Union centriste.

Dominique Vérien, présidente, centriste, de la délégation aux droits des femmes du Sénat et membre de la commission des lois confirme qu’il n’y aura pas beaucoup de suspense. « Nous sommes responsables et quand on fait partie d’une majorité, on assume. Nous n’allons pas nous amuser à reproduire ce qu’on fait les députés de droite la semaine dernière ». Le bras de fer entre Laurent Wauquiez président du groupe Droite Républicaine et Gabriel Attal, président d’Ensemble pour la République, a en effet coûté aux macronistes la présidence de la commission des Affaires économiques, ravie par Aurélie Trouvé (LFI).

« Muriel Jourda est une femme intelligente. En tant que sénatrice, elle incarnait une ligne dure à droite donc la plus éloignée du groupe centriste. Ce ne sera pas forcément la même chose en tant que présidente de la commission des lois. Je suis sûre qu’elle prendra la mesure de ses nouvelles fonctions », veut croire Dominique Vérien. La sénatrice estime que François-Noël Buffet « était à la bonne intersection entre les LR et les centristes ».

Vers une candidature unique à gauche

« Jusqu’à présent, Muriel Jourda n’était pas une personne avec qui on pouvait le plus échanger. Les Républicains n’ont pas fait le choix du consensus. Il n’est pas certain qu’elle fasse le plein des voix de la majorité », pronostique Guy Benarroche, sénateur écologiste de la commission des lois.

A gauche, les membres de la commission des lois ne s’avouent pas vaincus et préparent une candidature commune pour tenter de barrer la route à Muriel Jourda. Cette candidature devrait émerger au sein groupe socialiste, le premier groupe d’opposition, dans les prochains jours. « On y travaille », confirme le sénateur socialiste, Jérôme Durain qui se dit « intéressé » pour l’incarner. « Muriel Jourda représente la ligne politique la plus éloignée de la nôtre bien, plus que si ça avait été Philippe Bas. Il est évident qu’il va y avoir un clivage ».

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