Présidence de la commission des Finances : RN ou Nupes ? Gérard Larcher a tranché. La gauche crie au « front antirépublicain »
Le président du Sénat estime que la présidence très stratégique de la commission des finances de l’Assemblée nationale devrait revenir à un élu RN. La gauche dénonce « une glissade irresponsable ». Pour la droite sénatoriale, Gérard Larcher n’a fait que rappeler le fonctionnement des institutions.
C’est l’un des enjeux de la future législature. A quel groupe politique va revenir la présidence, oh combien stratégique, de la commission des finances ? Comme nous l’expliquions lundi, L’article 39 du règlement de l’Assemblée nationale indique que le poste ne peut revenir qu’à un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition.
C’est l’un des apports de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale de 2009. Une réforme qui grave dans le marbre une pratique instituée par Nicolas Sarkozy deux ans plus tôt. Et comme il est d’usage que le groupe majoritaire ne prenne pas part au vote, cette présidence a toujours été occupée par un membre du principal groupe d’opposition.
Or, depuis dimanche le tripartisme a fait son entrée à l’Assemblée et rien ne va plus. Le RN est en théorie le groupe politique le plus important avec 89 députés. Mais la Nupes rassemble plus de députés, 142 élus, sans être un groupe à part entière mais une coalition de groupes politique de gauche.
Pour Gérard Larcher, « le RN est le premier groupe d’opposition »
Dans les colonnes du Parisien, le président LR du Sénat, Gérard Larcher a tranché. « La pratique républicaine dans les Assemblées consiste à considérer tous les élus avec un principe d’égalité et de respect […] il y a un règlement à l’Assemblée nationale qui dit que le président de la commission des Finances doit être issu de l’opposition. Or, je constate que le RN est le premier groupe d’opposition. Donc, elle devrait lui revenir », explique-t-il après avoir souligné que s’il ne partageait pas les mêmes « valeurs » que le Rassemblement National, « ce sont des élus de la République ».
Olivier Faure « écœuré » par cette « banalisation de l’extrême droite »
Un point de vue qui a fait plus que heurter à gauche. « Toutes les droites, de LREM à LR […] vont donc mêler leurs voix à l’extrême droite pour accorder au RN la commission des Finances […] En détruisant le front républicain ils ouvrent la porte à une victoire future du RN. La défaite et le déshonneur », s’est indigné, sur Twitter, le patron du PS, Olivier Faure, qui se dit « écœuré par tous ces gens de LR, LREM ou du MoDem, qui participent avec ardeur à la banalisation de l’extrême droite ».
Gérard Larcher « ne nous avait pas habitués à ça », « une glissade irresponsable »
« La position de Gérard Larcher m’a surpris. Il a, par le passé, toujours eu des propos clairs vis-à-vis de l’extrême droite. Il ne nous avait pas habitués à ça », s’émeut Éric Bocquet, vice-président communiste de la commission des finances du Sénat.
Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat dénonce, lui, carrément, « une glissade irresponsable » de la part du président de la chambre haute. « Je ne pensais pas que Gérard Larcher considérerait un jour le RN comme un parti comme les autres. Il y a un front antirépublicain qui se met en place pour que la Nupes n’accède pas à la présidence de la commission des finances ».
Gérard Larcher rappelle le fonctionnement des institutions
« Gérard Larcher n’a fait que défendre l’esprit du bon fonctionnement des Assemblées. Le président sortant de l’Assemblée Nationale, Richard Ferrand n’a pas été réélu. Il me semble normal que ce soit le président de l’autre chambre de rappeler que, conformément à l’esprit du règlement des Assemblées, la présidence de la commission des Finances revienne au premier parti d’opposition. le RN en l’occurrence », défend le sénateur (app LR), rapporteur du budget sécurité, Philippe Dominati.
« Ces règles ont été mises en place pour améliorer le fonctionnement des assemblées et trouver des points de convergence entre les partis. J’ai toujours donné des consignes en faveur du barrage républicain. Mais force est de constater que les Français se sont exprimés librement », complète Jean-François Husson (LR) rapporteur général du budget au Sénat.
Pour la droite sénatoriale, il ne serait donc pas question d’une prise de position partisane de la part du président du Sénat, mais d’un rappel des usages parlementaires. A l’inverse de l’ancien LR et ancien président de la commission des finances, Éric Woerth, désormais membre de la majorité, qui dans Le Figaro alerte sur le risque de voir un président de la commission des finances (LFI) « faire du contrôle fiscal ».
Éric Woerth va jusqu’à indiquer que les députés de la majorité pourraient prendre part au vote pour éviter de voir un Insoumis prendre la tête de la commission. Pour mémoire, il y a quelques jours, un membre du gouvernement confiait également à publicsenat.fr la volonté de l’exécutif « d’empêcher que ce soit un député LFI » qui préside cette commission. De crainte qu’il « plante », « bloque », ou du moins retarde au maximum, l’examen du budget, en convoquant par exemple des réunions de la commission en plein examen du texte en séance.
Conformément au règlement de l’Assemblée, les groupes politiques ont un nombre de sièges au sein des commissions permanentes « proportionnel à leur importance numérique ». Le président de cette commission est élu par les députés qui en sont membres. Si la majorité absolue n’est pas atteinte lors des deux premières tours, il est élu à la majorité relative au troisième.
Mais comme ce poste revient à l’opposition, il est d’usage, que le groupe majoritaire ne prenne pas part au vote. En 2017, 28 des 68 membres de la commission avaient voté à un scrutin où 4 candidats de l’opposition étaient représentés, LR, UDI, PS et LFI.
Vers une candidature unique de la Nupes ?
D’ici le 30 juin, jour de l’élection, l’un des enjeux sera de savoir si la Nupes présente une candidature unique. Dans cette hypothèse et si les députés LREM respectent l’usage en ne prenant pas part au vote, la Nupes ne devrait pas avoir de soucis à se faire. « J’ai eu quelques échanges avec mes collègues à l’Assemblée et il me semble qu’on se dirige vers une candidature unique », confie Éric Bocquet. Mais une candidature issue de quel groupe de gauche ?
« La poutre est encore en train de travailler », a éludé Patrick Kanner, le patron des sénateurs PS sur Public Sénat, tout en soulignant « qu’il serait très content » si le poste revenait à la présidente sortante du groupe PS à l’Assemblée, Valérie Rabault.
La candidature de Valérie Rabault a l’avantage d’avoir un profil beaucoup plus compatible avec les marcheurs et Les Républicains. « Un président LFI ou RN ferait des dégâts similaires. Ces deux partis tiennent un discours interventionniste assez démagogique. Ils en sont presque à promettre des pleins d’essence gratuits aux Français », tacle Philippe Dominati.
« Le candidat ou la candidate doit être issu de LFI, car c’est le groupe le plus important au sein de la Nupes », estime pour sa part Guillaume Gontard. Dans les négociations, PCF, PS, EELV et LFI pourront au moins s’accorder sur une ligne directrice. « Nous n’avons pas de division lorsqu’il s’agit de transparence fiscale et de lutte contre la délinquance à col blanc », résume le sénateur écologiste, Thomas Dossus.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.