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Présence du RN à la marche contre l’antisémitisme : « C’est donner l’illusion d’avoir entamé une autre phase de son histoire »
Par Stephane Duguet
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Le Rassemblement national (RN) a été le premier parti à répondre présent à la marche contre l’antisémitisme organisée par la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et son homologue du Sénat Gérard Larcher. Alors que plusieurs de ses dirigeants, dont le premier président du parti d’extrême droite Jean-Marie Le Pen a été condamné pour antisémitisme, la présence du RN fait débat au sein de cette manifestation.
Le Parti communiste, le Parti socialiste les Ecologistes veulent instaurer un « cordon républicain » avec le parti à la flamme, quand le porte-parole du gouvernement estime qu’il n’y a pas sa place. La France insoumise a dénoncé la participation du RN et ne se joindra pas à la manifestation. Analyse des positions du Rassemblement national sur l’antisémitisme avec Estelle Delaine, maîtresse de conférences en sciences politiques à l’université Rennes et auteur de Sociologie du Rassemblement national (Ed. Septentrion) et A l’extrême droite de l’hémicycle (Ed. Raisons d’agir).
Est-il juste aujourd’hui de qualifier le Rassemblement national de parti antisémite ?
Dans les faits, plusieurs des dirigeants de premiers plans ont été condamnés pour antisémitisme comme Jean-Marie Le Pen ou Bruno Gollnisch. La réponse des instances dirigeantes du parti n’a jamais été de sanctionner les auteurs de ces propos, ni de les destituer de leurs responsabilités partisanes une fois ces décisions judiciaires rendues. Ce n’est pas un trait du passé. De plus, il n’y a pas eu, historiquement ou récemment, de formation ou de mobilisation en interne sur la prévention contre l’antisémitisme, qui pourraient attester de la volonté manifeste des dirigeants du RN de transformer ce pan de son histoire. Les déclarations du président du parti, Jordan Bardella très récemment, nient plutôt le qualificatif d’antisémitisme sur l’ensemble de l’histoire du parti, et empêchent ainsi un travail mémoriel.
Bien sûr, le RN occupe aujourd’hui une autre place qu’il y a cinquante ans, et les déclarations publiques de ses dirigeants sont plus contrôlées et, en ce sens, peut-être moins ouvertement provocantes dans les médias sur certains sujets. Dire que les militants ou les cadres d’aujourd’hui auraient, de manière homogène, un autre profil, et ne seraient unanimement plus antisémites est difficile à affirmer, certains ont peu de connaissances sur l’histoire du parti, et beaucoup ont intérêt à se détacher de ce passé. Les responsables de la communication sont souvent des personnalités qui viennent de la droite plus classique et qui travaillent à détacher de ces enjeux de mémoire partisane et à construire une forme de respectabilité.
En tout cas, la qualification d’antisémitisme est tenace à l’échelle européenne, et est assignée par ses potentiels partenaires, et donc, pas des opposants politiques. Au Parlement européen, des partis d’extrême droite ou de droite conservatrice ont récemment refusé de s’allier avec le Rassemblement National à cause de cette réputation. C’était le cas du parti britannique Ukip dirigé par Nigel Farage mais c’était également un point répulsif pour des partis de droite et d’extrême droite de l’Europe de l’est.
Comment peut-on interpréter les prises de position en défense des juifs des membres du Rassemblement national ?
En l’absence de réelles déclarations ou propositions proactives du RN sur le sujet, on doit deviner des prises de position qui sont plutôt conjoncturelles. Actuellement, les dirigeants du RN ont plutôt répondu présents à un appel destiné à l’ensemble de la classe politique, sans que cela ne constitue un changement programmatique fort de leur initiative.
C’est l’occasion de parfaire une rhétorique du changement. Après un changement de nom, un changement de président du parti, cette cause-là est particulièrement un symbole permettant de tracer une rupture avec le passé du parti. En pleine entreprise de normalisation, cela peut être un indicateur, même s’il est superficiel, pour montrer que le parti aurait changé. C’est la cause parfaite pour pouvoir rhétoriquement faire état de certains changements cosmétiques et donner l’illusion d’avoir entamé une autre phase de son histoire.
Certes, ce qui pourrait, peut-être plus que la participation à la marche de dimanche, indiquer un renouvellement des positionnements du RN concerne les liens avec Israël, qui en disent cependant plus sur la perception internationale du RN et les choix des dirigeants israéliens à rencontrer des membres de formations d’extrême droite. Alors que le RN, depuis la présidence de Marine Le Pen, cherche à apparaître aux yeux de dirigeants à l’international comme une figure politique de premier plan, on peut voir ces rencontres moins comme un soutien à des minorités religieuses en France, mais comme un moyen d’affermir une ligne géopolitique anti-islam, et de se rapprocher de régimes aux tendances illibérales.
Mais est-ce que le RN n’a pas changé de position en excluant Jean-Marie Le Pen du parti en 2015 après avoir réitéré sa minimisation du génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale ?
Jean-Marie Le Pen avait fait d’autres déclarations à cette période, par exemple sur « la fournée » dans laquelle il inclut Patrick Bruel, qui n’ont pas donné lieu à une réaction, ni à une sanction disciplinaire dans son parti, ni d’ailleurs à une condamnation pénale. Sa répétition du propos sur les chambres à gaz est le prétexte de son exclusion dans un contexte plus général dans lequel il devient gênant : si la raison de son éviction du parti était le propos antisémite, il aurait été exclu bien avant. Par ailleurs, il est exclu sous l’œil de multiples caméras, mais il reste un financier important du FN lors de la présidentielle de 2017.
Sur la question de l’antisémitisme à l’intérieur du RN, il n’y a jamais eu de mobilisation sur cette question de manière institutionnalisée. Les déclarations sur le sujet sont essentiellement cosmétiques et électoralistes, mais ne constituent pas une « ligne » doctrinale structurée. Au RN, les propos visant à ostraciser et à discriminer des minorités ethno-raciales ou religieuses, sont constants que ce soit l’antisémitisme ou les positions anti-islam.
Peut-on donc dire que c’est paradoxal d’aller manifester contre l’antisémitisme avec dans le cortège, des élus, des militants, des électeurs du Rassemblement national ?
C’est une question complexe, les lignes de fractures peuvent se structurer autour de deux pôles. Le premier avec ceux qui disent : on doit participer pour soutenir une cause à tout prix même si certains participants sont considérés comme infréquentables. La non-participation serait moins compréhensible que de défiler à côté d’eux. Et le deuxième, avec ceux qui disent que l’appropriation de ces causes importantes par des élus qui les utilisent à des fins de légitimation, est un repoussoir.
Mais dans le cadre d’un appel de la présidente de l’Assemblée nationale et du président du Sénat, c’est pour le RN, l’opportunité de rejoindre une initiative consensuelle et collective. Même des adversaires politiques du RN peuvent trouver difficile d’exclure objectivement un parti représenté à l’Assemblée nationale par 88 députés. Cela montre les contradictions du gouvernement et de la majorité présidentielle qui par moments fait appel à un soutien indirect du RN à l’Assemblée nationale, mais se trouve ensuite démunie quant à la participation de l’extrême droite à une manifestation contre l’antisémitisme. Certaines barrières ont sauté aux dernières élections présidentielles et législatives, et complexifient les rapports que des acteurs dominants du champ politique entretiennent avec l’extrême droite.
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