Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Présence de Michel Barnier en conférence des présidents : « Plus que jamais, le Sénat joue un rôle majeur » estime Hervé Marseille
Publié le
Ce mercredi, Michel Barnier participait à la conférence des présidents du Sénat, après s’être rendu à celle de l’Assemblée nationale mardi. Cette instance, qui réunit le président du Sénat, ses vice-présidents et les présidents des groupes politiques, des commissions, ainsi que les rapporteurs du budget, a pour rôle d’établir l’ordre du jour du Parlement. Un message fort envoyé par le Premier ministre envers les sénateurs de droite et du centre qui composent sa majorité.
Un signe « de concorde, d’apaisement et de volonté de construire »
La conférence des présidents est un moment important de la vie parlementaire. Des membres de l’exécutif peuvent y participer, et c’est le plus souvent le ministre en charge des relations avec le Parlement qui s’en charge. C’est un fait assez rare, donc, que le Premier ministre y soit présent. Mais la période parlementaire étant exceptionnelle depuis 2022, les habitudes avaient commencé à changer. En janvier dernier, Gabriel Attal avait assisté à la conférence des présidents du Sénat, juste avant de prononcer son discours de politique générale. Ce mercredi, au micro de Public Sénat, Michel Barnier invoque le « respect que le gouvernement, et donc le Premier ministre, doivent au Parlement ». Un signe que les sénateurs accueillent favorablement. « C’est rare que le Premier ministre vienne en conférence des présidents », confirme Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste, « c’est un témoignage important pour le Sénat ». Le président du groupe Renaissance François Patriat y voit un « signe à la fois de respect vis-à-vis du Sénat, et dans le même temps de concorde, d’apaisement et de volonté de construire ». L’opposition sénatoriale est également sensible à ce geste. « Je me félicite que, pour cette première conférence des présidents, le Premier ministre vienne nous rencontrer », approuve Patrick Kanner, président du groupe socialiste, « cela avait déjà été le cas avec Gabriel Attal et celui qui a initié cette jurisprudence était Manuel Valls », se rappelle-t-il.
« Le Sénat est de retour au gouvernement »
La visite de Michel Barnier est un signe de respect envers le Parlement, donc, mais plus particulièrement envers le Sénat, chambre qui devient incontournable dans la disposition politique actuelle : sans majorité claire à l’Assemblée nationale, avec un des budgets les plus difficiles à faire passer depuis le début de la Ve République. C’est au Sénat que le Premier ministre pourra s’appuyer sur le soutien d’un grand nombre de parlementaires : l’ancienne majorité sénatoriale, auparavant dans l’opposition à Emmanuel Macron, composée des LR et des centristes, ainsi que le groupe Renaissance et le groupe Horizons. C’est d’ailleurs une des façons de comprendre le nombre important de sénateurs qui ont été nommés au gouvernement. « Le Sénat est de retour au gouvernement. Dans le système parlementaire, plus que jamais, le Sénat joue un rôle majeur », confirme Hervé Marseille, « [Michel Barnier] sait qu’il peut compter sur une majorité très large au Sénat pour soutenir la politique difficile qui sera la sienne ». Un rôle que le Sénat avait déjà commencé à jouer lors de la législature précédente : « Le Sénat est la chambre qui a permis l’adoption de la réforme des retraites, du texte sur l’immigration, ou encore du budget l’an passé », se souvient l’élu des Hauts-de-Seine. Une situation qui place le groupe socialiste dans le rôle de la « première opposition à la seule majorité gouvernementale qui existe au Parlement, c’est-à-dire celle du Sénat », pour son président Patrick Kanner.
Une réunion des présidents des groupes parlementaires soutenant le gouvernement à Matignon ce soir
Lors de la réunion, qui a duré un peu plus d’une heure et demie, le Premier ministre a d’abord écouté ses différents interlocuteurs du Sénat, dont les présidents des groupes politiques, puis il a présenté les grandes lignes de la politique qu’il voulait mener, sans trop en dévoiler avant sa déclaration de politique générale qui aura lieu le 1er octobre à l’Assemblée nationale et le 2 octobre au Sénat. Dans la Chambre haute, elle sera suivie par un débat des groupes politiques. Les orientations en seront déterminées ce soir, au cours d’une réunion des présidents des groupes parlementaires du « socle commun » autour de Michel Barnier.
« Les joutes oratoires et les joutes politiques interviendront le moment venu dans l’hémicycle »
Ses soutiens en ressortent satisfaits. « Je crois que le Premier ministre a été dans un esprit libre, de liberté, d’empathie et puis en même temps dans un esprit constructif et qu’il a répondu avec beaucoup de courtoisie à l’ensemble des présidents de groupes parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, en restant ferme sur ses positions et en allant à l’essentiel », considère François Patriat. Patrick Kanner, lui, parle d’un « climat très polissé ». « Il a évoqué des grands sujets très consensuels : la laïcité, la lutte contre les discriminations, l’antisémitisme, la rigueur budgétaire, l’intégration des personnes immigrées tout en voulant une maîtrise plus grande de l’immigration, … Tout citoyen pourrait signer sans aucun problème de telles intentions », juge-t-il. Il ajoute : « Les joutes oratoires et les joutes politiques interviendront le moment venu dans l’hémicycle ». Il faudra donc attendre encore un peu pour connaître l’agenda parlementaire de manière plus précise.
« La vraie question est de savoir si ce gouvernement est sous surveillance, voire sous influence »
Tous nos interlocuteurs nous décrivent une réunion dans un climat apaisé et calme. Sauf peut-être au moment où Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, a questionné Michel Barnier sur son appel à Marine Le Pen pour la rassurer après les propos du ministre de l’Economie Antoine Armand, considérant que le RN était hors de l’arc républicain. « Cela a un peu agacé le Premier ministre, qui a rappelé qu’il était un homme et un Premier ministre libre », raconte Patrick Kanner. Un non-sujet pour François Patriat. « Je vois bien les vaines polémiques. Michel Barnier a rappelé simplement son engagement premier, celui de respecter tous les groupes et par là même tous les électeurs », affirme-t-il. Mais la gauche du Sénat ne le voit pas de cet œil. « J’entends sa réponse, mais la vraie question est de savoir si ce gouvernement est sous surveillance, voire sous influence », renchérit Patrick Kanner, « et ça, c’est l’histoire qui nous le dira ».
Pour aller plus loin