Pouvoir d’achat : les sénateurs LR pas convaincus par le plafonnement des prix de l’essence voulu par les députés LR

Pouvoir d’achat : les sénateurs LR pas convaincus par le plafonnement des prix de l’essence voulu par les députés LR

Alors qu’Olivier Marleix, nouveau patron des députés LR, demande à Elisabeth Borne de garantir « un prix à la pompe qui ne dépasse pas 1,50 euro du litre », les sénateurs LR doutent de la mesure. « Pas sûr que ce soit faisable, ni tenable », selon le rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson. Les sénateurs LR vont aussi présenter un « ensemble de propositions ».
François Vignal

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On va rentrer dans le dur. Après le flottement post législatives, le gouvernement met la dernière main à son paquet de mesures sur le pouvoir d’achat. Il sera présenté jeudi en Conseil des ministres. Les oppositions mettent aussi sur la table leurs propositions. La Nupes l’a fait mardi, les députés LR le week-end dernier. Leur nouveau président de groupe, Olivier Marleix, a écrit à la première ministre Elisabeth Borne pour lui « faire part des attentes des députés LR » sur les mesures qu’ils souhaitent « faire impérativement adopter ». Alors qu’Emmanuel Macron n’a qu’une majorité relative, les LR espèrent faire entendre leur voix.

Les députés LR fixent trois sujets, dont un « objectif prioritaire », celui de garantir « un prix à la pompe qui ne dépasse pas 1,50 euro du litre », par la suppression de la TVA sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et la réduction de la TICPE quand les prix montent. « Il s’agit donc en quelque sorte d’élargir le bouclier tarifaire pour en faire bénéficier l’essence et le diesel », défend Olivier Marleix. Deuxième sujet : la baisse des charges « pour augmenter le salaire net ». Enfin, l’annulation de la hausse de la CSG « pour l’intégralité des retraités ». Ces deux derniers points étant des demandes classiques de la droite.

« Dans un marché, c’est la loi de l’offre et de la demande. Un prix fixe n’a pas de sens »

Au Sénat, où la majorité est détenue par la droite et le centre, on n’aurait peut-être pas dit les choses de la même manière… C’est l’idée d’un prix de carburant limité à 1,50 euro qui fait débat, voire passe mal. « Je n’aime pas les prix fixes », lâche laconiquement une sénatrice, qui préfère rester anonyme, avant de rentrer en réunion de groupe, mardi matin. D’autres expriment leurs doutes ouvertement.

« L’ensemble n’est pas absurde », commence le sénateur LR Jérôme Bascher, « mais le 1,5 euro le litre, c’est peut-être un peu exagéré », selon le secrétaire de la commission des finances du Sénat, « surtout si le pétrole augmente encore ». Christine Lavarde, sénatrice LR des Hauts-de-Seine et vice-présidente de la commission, est encore plus cash sur l’idée d’un prix fixe : « Dans un marché, c’est la loi de l’offre et de la demande. Ça n’a pas de sens ». « Mais avec un prix trop élevé, on doit accompagner les personnes qui travaillent. Il faut des dispositifs ciblés. Les finances publiques ne permettent plus de faire du quoi qu’il en coûte », ajoute Christine Lavarde. Pour la sénatrice, « ça peut passer par d’autres dispositions, comme l’augmentation de l’indemnité kilométrique, c’est-à-dire financer les professionnels (qui utilisent leur voiture pour travailler, ndlr). Elle a déjà été relevée mais il faut aller plus loin ».

Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson, ne dit pas autre chose sur les prix fixes du carburant. « Pour moi, ce n’est pas solution », soutient le sénateur de la Meurthe-et-Moselle, « le fait de bloquer les prix, d’abord je ne suis pas sûr que ce soit faisable, ni tenable ». Jean-François Husson ajoute : « Ça ne me paraît pas réalisable et ça ne me parait pas comme une mesure structurelle à privilégier. J’ai toujours dénoncé les mesures qui arrosaient trop large ».

« A un moment, il faut faire des choix de soutenabilité budgétaire » selon Christine Lavarde

Pour le rapporteur LR, il faut avant tout « refonder le logiciel de production. Mais ce n’est pas des mesures de court terme non ciblées de distribution de chèques tous azimuts ». Jean-François Husson plaide pour « réduire l’emprunte carbone, faire évoluer la production énergétique vers le renouvelable ». Soit « une transition écologique. C’est là qu’on doit mettre le curseur. Et ça doit être fait au bénéfice de tous les territoires et de tous les actifs, et notamment des classes moyennes ».

La question du coût de l’ensemble des mesures est aussi posée. « Aujourd’hui, il faudra faire des choix. Il faut encourager une économie productive » et « récompenser la valeur travail à tous les âges », soutient Jean-François Husson. Quid de la suppression de la hausse de la CSG, proposée par les députés ? « C’est un sujet important. Les retraités ont le sentiment, pour une part justifiée, d’être les dindons de la farce », souligne le rapporteur général, selon qui « l’effort doit être partagé, mais négocié. Mais ces sujets-là n’ont fait l’objet d’aucune négociation ». Sur la CSG, Christine Lavarde fait comprendre pour sa part que tout ne peut pas être fait en même temps. « Pourra-t-on tout faire, lors du budget rectificatif ? A un moment, il faut faire des choix de soutenabilité budgétaire », met en garde la sénatrice LR des Hauts-de-Seine.

« On ne va pas dire qu’on est à 100 % sur la même ligne aujourd’hui »

Les sénateurs souhaitent aussi faire entendre leurs idées. « Bien sûr, il y aura un ensemble de propositions qui sera fait, qui touchera à l’état des lieux, la philosophie politique, le cap donné et les moyens mis en œuvre », annonce Jean-François Husson. Bref, « on proposera un cap, une feuille de route, une stratégie. On privilégiera toujours les réformes structurelles qui s’inscrivent dans le temps plutôt que les fusils à un coup qui manquent toujours leur cible »…

Sur ce sujet sensible du pouvoir d’achat, les réponses diffèrent donc entre députés et sénateurs LR. « On ne va pas dire qu’on est à 100 % sur la même ligne aujourd’hui », admet Jean-François Husson, qui reconnaît qu’« il y a des réglages à faire ». Mais le sénateur LR l’assure, « on n’est pas là pour entrer en compétition » avec les députés, « il y aura l’examen à l’Assemblée. Nous, on va affiner nos propositions, puis il y aura le temps du Sénat. C’est l’intérêt de la vie parlementaire, nous n’avons pas forcément de positions identiques ». Rien de plus normal en somme, assure le rapporteur général.

Reste que ces différences peuvent surprendre. Ce manque de calage sur le pouvoir d’achat est d’autant plus étonnant, que les LR ont une carte à jouer, face à la majorité relative d’Emmanuel Macron. Entre un groupe faiseur de majorité à l’Assemblée, et un Sénat détenu par LR et dont le rôle se retrouve renforcé dans le contexte, les LR ont intérêt à s’aligner, d’un palais à l’autre.

 

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