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Pourquoi le gouvernement a suspendu la réforme de l’assurance chômage 

Gabriel Attal a suspendu la mise en œuvre de la réforme de l’assurance-chômage, une réforme contestée à la fois par le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire. Elle visait notamment à durcir les conditions d’accès aux indemnités. Pourquoi ce recul et quelles sont les visées politiques de ce renoncement ?
Tâm Tran Huy

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Un décret réformant l’assurance chômage devait être pris le 1er juillet prochain. Objectif de ce texte : durcir les règles d’indemnisation en satisfaisant un principe, travailler plus pour avoir droit au chômage. Jusque-là, l’exécutif avait toujours assumé ce cap, Gabriel Attal annonçant un décret d’ici le 1er juillet pour une réforme entrant en vigueur au mois de décembre. Mais ce dimanche, à l’issue des résultats du 1er tour des Législatives, le Premier ministre a préféré suspendre la réforme controversée, dénoncée aussi bien par le Rassemblement national que par l’union de la gauche. 

Et ce lundi, invité du journal de TF1, Gabriel Attal a assumé la suspension de la réforme du système d’assurance-chômage. La publication du décret aurait été perçue comme « une forme de passage en force », a-t-il affirmé. 

 Une réforme qui durcissait les règles d’indemnisation 

Annoncée depuis de longues semaines, la réforme de l’assurance-chômage devait faire l’objet d’un décret avant le 1er juillet. Avec ce texte, la durée minimale travaillée devait passer de 6 mois sur 24 à 8 mois sur 20 et la durée d’indemnisation devait passer de 18 à 15 mois. La réforme a été défendue mordicus par l’exécutif ces dernières semaines, par Gabriel Attal comme par Emmanuel Macron qui l’avait qualifiée mi-juin « d’indispensable », jugeant que ses troupes avaient raison de « l’assumer en campagne ». Le décret devait être prêt obligatoirement pour le 1er juillet car les règles précédentes sur l’assurance-chômage n’étaient valables que jusqu’à dimanche 30 juin. Mais voilà : Matignon, en raison du contexte politique de l’entre-deux-tours, a décidé de faire un virage à 180°. Finie la réforme tant vantée par le gouvernement, qui devait, selon lui, inciter à la reprise d’emploi, désendetter l’assurance-chômage et mieux financer l’accompagnement des demandeurs d’emplois. Place à un simple « décret de jointure » car il est désormais urgent d’attendre fait savoir l’entourage de Gabriel Attal : le texte pourra ainsi « faire l’objet d’aménagements, de discussions entre forces républicaines ». Il s’agirait même du « premier acte de Gabriel Attal dans l’esprit des futures majorités de projets et d’idées » qu’il a évoquées dimanche dans son discours de réaction aux résultats du premier tour, prononcé à Matignon. 

 

Une suspension jusqu’au 31 juillet 

Mais le gouvernement reste prudent : il ne renonce pas à l’ensemble de la réforme et se contente d’une suspension temporaire permettant de rediscuter, de débattre. Il fixe d’ailleurs un calendrier très contraint puisque le décret de jointure prend fin le 31 juillet. Un petit mois seulement pour débattre de cette réforme controversée. Pour le président (LR) de la commission des affaires sociales Philippe Mouiller, cette décision est la bonne. « Sans revenir sur le fond de la réforme, le calendrier était complètement inadapté après la dissolution. C’était déjà un choix incohérent de la maintenir en pleine campagne des législatives. C’était une réforme qui n’avait pas été débattue et cette suspension est un message adressé aux Français qui ne se sentaient pas écoutés. » Cette méthode, accueillie favorablement à droite, ne trouve pas le même écho à gauche. « C’est essayer d’obtenir par la discussion, des choses qu’on a d’abord cherché à imposer », résume la sénatrice PS Monique Lubin. 

 

Une suspension pour tendre la main à la gauche ?

Il faut dire que ce texte ne trouvait grâce aux yeux de personne. Fustigée par le Rassemblement national tout comme par le Nouveau Front populaire, elle ne figurait dans le programme des oppositions que pour être abrogée. S’agit-il donc d’une main tendue à la gauche et surtout à son électorat ? Pour la sénatrice socialiste Monique Lubin, qui a interpellé à deux reprises le gouvernement sur cette réforme de l’assurance-chômage, c’est une évidence. « C’est assez simple : c’est une tactique électoraliste pour ne pas heurter les candidats de gauche et notamment les électeurs dont ils ont besoin. » Mais l’élue garde surtout en mémoire la constance avec laquelle le gouvernement a jusque-là défendu la réforme : « elle démontre le mépris que cette pseudo majorité a pour les travailleurs et les demandeurs d’emploi. Le mal est fait, cette suspension est un peu désespérée. » Elle se souvient aussi de l’accueil de ses interpellations dans l’hémicycle : « Nous avions beaucoup insisté et nous n’avions pas été entendus. Cette réforme a contribué, après la réforme des retraites, à dresser l’électorat populaire contre le gouvernement. » La sénatrice des Landes s’arrête là car l’heure n’est pas à une critique trop virulente : « nous sommes obligés de sauver les meubles avec un front républicain » explique-t-elle, quitte à devoir composer avec « un gouvernement qui nous a méprisés. » 

 

Un clin d’œil à gauche qui déplaît ailleurs

Si ce geste ne convainc pas tout le monde à gauche, il déplaît carrément en Macronie. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, s’est montré ce matin « très circonspect sur les gages qu’on peut donner, sur les positions de circonstance, sur les accommodements, sur les calculs ». Pour lui, malgré le contexte électoral, « il faut poursuivre la réforme ». 

 Le ministre de l’Economie la croit indispensable pour arriver au « plein emploi » (l’objectif affiché était de 90 000 personnes de retour à l’emploi), à « la réindustrialisation » et pour que la « France reste une puissance économique de tout premier plan. » Le ministre des Finances devait aussi compter sur les économies qu’elle allait occasionner. Un chiffrage présenté au mois de mai par le ministère du Travail aux partenaires sociaux prévoyait de dégager 3,6 milliards d’économies pour l’UNEDIC, chargé de la gestion de l’assurance-chômage. Cela n’a pas convaincu les syndicats pour qui cette réforme reste un irritant puissant. Ils auront peut-être l’occasion d’en débattre d’ici fin juillet. Sauf que d’ici-là, qui sait où en sera la situation politique ?  

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