Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Pour Marine Le Pen, l’enjeu d’une rentrée politique à pas de velours
Par Romain David
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Discrète, si discrète Marine Le Pen. Après un été passé sur ses terres familiales de la Trinité-sur-Mer, la cheffe de file des députés du Rassemblement national fera sa rentrée politique ce dimanche 10 septembre en son fief de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, à l’occasion de la braderie d’Hénin-Beaumont. Un rendez-vous habituel pour la fille de Jean-Marie Le Pen, depuis que cette commune emblématique de la gauche et du bassin minier est tombée aux mains du parti à la flamme tricolore en 2014. Elle y prononcera un discours de rentrée notamment axé sur l’inflation et les questions sécuritaires, nous apprend Playbook.
Restée assez silencieuse durant le mois d’août, hormis quelques posts sur X (anciennement Twitter) autour de l’immigration et de la hausse des prix du carburant, également pour dénoncer le nombre de féminicides et les violences sexuelles – et en revanche de nombreux reposts des dernières interventions de Jordan Bardella, le président du RN -, l’ancienne candidate à la présidentielle continue de capitaliser sur sa relative discrétion. Une stratégie dupliquée au cours de l’année écoulée par l’immense majorité des 88 députés RN entrés à l’Assemblée nationale en juin 2022.
Une forme de modération de ton – malgré quelques dérapages, comme celui de Grégoire de Fournas à l’encontre de son collègue LFI Carlos Martens-Bilongo -, et finalement assez peu de propositions politiques, face à une opposition de gauche électrisée, notamment pendant la bataille des retraites. Peu de nouveaux visages non plus dans les médias, à l’exception notable de Jean-Philippe Tanguy, ancien bras droit de Nicolas Dupont-Aignan, passé dans le camp lepéniste en 2020. Les habituels ferrailleurs du parti, les députés Laurent Jacobelli, Sébastien Chenu et Julien Odoul, ont continué d’écumer les plateaux des chaînes d’infos et les matinales radios.
Une crédibilité en forte hausse
Marine Le Pen peut se frotter les mains face à une orientation stratégique qui continue de la porter dans l’opinion. Selon un sondage Viavoice pour Libération, publié le 4 septembre, 44 % des Français jugent que Marine Le Pen « peut apporter des solutions utiles aux Français ». Elle enregistre ainsi une hausse de 8 points par rapport à novembre 2021. Ils sont 42 % à trouver que la députée du Pas-de-Calais a « la stature d’une cheffe d’État » (+14 points) et 43 % à la considérer comme compétente. Ces bons chiffres rejaillissent aussi sur son parti. « Sur les cinq premiers enjeux de préoccupations pour les Français (pouvoir d’achat, santé, éducation, immigration et sécurité), le Rassemblement national est systématiquement la formation politique dont l’opinion a le plus confiance en l’action », note l’institut. En revanche, 45 % des personnes sondées dans cette enquête continuent de trouver Marine Le Pen « inquiétante » et 48 % déclarent qu’elle n’est pas « rassurante ».
L’un descend dans l’arène médiatique, l’autre prend de la hauteur
« Pour le RN, les choses sont assez claires : jamais le parti n’a été aussi haut dans les sondages, ni aussi proche du pouvoir. Il s’agit désormais d’élargir la base électorale et de rassurer l’ensemble des électeurs potentiels », analyse le politologue Pascal Perrineau, professeur à Science Po. Avec un discours orienté vers les classes moyennes, au-delà des affinités politiques : « Je souhaite fédérer tous ceux qui pensent que la France a encore une identité à assumer, une fierté à défendre et une prospérité à reconquérir. Il y a incontestablement de ces patriotes chez les déçus de LR, peut-être chez les déçus d’Éric Zemmour, et évidemment, bien au-delà des clivages partisans, il y a aussi de ces patriotes à gauche », expliquait le week-end dernier Jordan Bardella, dans un entretien fleuve au Figaro.
Le patron du RN, élu au Parlement européen depuis 2019, conduira à nouveau la liste du parti pour le scrutin des 6 et 9 juin prochains. Il devrait continuer d’occuper la scène médiatique dans les mois qui viennent, mais pas seulement en raison de la séquence électorale qui s’ouvre. Depuis de longs mois déjà, la répartition des rôles entre Jordan Bardella et Marine Le Pen fonctionne selon une mécanique bien huilée, où le premier sert généralement de paravent à la seconde. « Leur travail est complémentaire », préfère nuancer le député RN Julien Odoul. « Chacun est à sa place. Il est normal que Jordan Bardella, tête de liste, soit amené à prendre plus souvent la parole », explique-t-il.
« Ils forment un duo politique d’autant plus efficace et marquant qu’elle est une femme dans un univers toujours très masculin et lui un jeune homme issu de l’immigration », décrypte Pascal Perrineau. « La dynamique qu’ils ont installée permet à Marine Le Pen de se mettre en surplomb. Elle ne s’exprime plus sur l’ensemble de l’actualité. Elle a cessé de nourrir la polémique et réserve sa parole aux quelques sujets qui inquiètent vraiment les Français : la guerre en Ukraine, l’inflation, la sécurité et la santé. Plus besoin de s’épuiser sur le reste pour exister. Elle cherche à se mettre dans une position d’arbitre politique, qui est aussi celle d’un président de la République ».
Pouvoir d’achat, sécurité et élections européennes, les trois thèmes de la rentrée du RN
Ce duo retrouvera les militants du RN le 16 septembre prochain, pour « les Estivales » du parti à Beaucaire. Au programme : un « village des régions » installé dans les arènes de la ville, « l’occasion de mettre en valeurs nos terroirs et les élus locaux », explique à Public Sénat Julien Odoul. Dans la soirée, Marine Le Pen et Jordan Bardella tiendront un meeting commun. Il y sera encore question de sécurité, avec les violences urbaines des derniers mois, mais aussi du pouvoir d’achat des Français dont le parti veut faire sa priorité à l’approche des discussions budgétaires de l’automne, nous explique-t-on. « Mais la véritable thématique, ce sera le lancement de la campagne des européennes par Jordan Bardella », souligne Julien Odoul.
La veille, le vendredi 15 septembre, les parlementaires, députés et eurodéputés (le RN ne compte plus de sénateur depuis que Stéphane Ravier a rallié Reconquête ! d’Éric Zemmour) auront déjà eu l’occasion d’évoquer la campagne à venir lors d’un séminaire de rentrée organisé à Avignon. Hasard du calendrier : Éric Zemmour a présenté mercredi la liste de son parti, qui sera emmené par Marion Maréchal, ancienne figure du RN. Une manière pour le polémiste de jouer sur la popularité de la petite-fille de Jean-Marie Le Pen dans les rangs de l’extrême droite, et d’essayer de grappiller des voix à ses rivaux. « Il y a bien longtemps qu’elle n’a plus rien à voir avec le RN. Sa double trahison, lorsqu’elle a refusé de soutenir la liste du parti en 2019, puis sa tante à la dernière présidentielle, a été très mal vécue par les militants », balaye Julien Odoul. « Le RN et Reconquête ne jouent pas dans la même cour. L’enjeu pour Jordan Bardella est de passer devant la liste de la majorité présidentielle comme il l’avait fait en 2019 », expliquait cette semaine le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, à notre collègue Simon Barbarit. Un article à retrouver ici.
Le palais Bourbon comme tremplin
Le séminaire interparlementaire sera également l’occasion d’évoquer les textes que le RN souhaite faire monter à l’Assemblée nationale lors de sa prochaine niche parlementaire. Il pourrait être question d’une proposition de loi sur le port de l’uniforme à l’école ou sur l’interdiction des signes religieux dans le sport. Julien Odoul évoque également son texte « visant à faire concourir les sportifs dans la catégorie correspondant au sexe figurant sur leur acte de naissance », pour éviter, explique-t-il, « la concurrence déloyale des personnes transsexuelles dans les compétitions féminines ».
Pour sa part Marine Le Pen devrait avoir à cœur de consolider l’image qui a été instillée au cours de l’année écoulée à l’Assemblée, celle d’un groupe d’opposition pléthorique mais soucieux de ne pas faire de vagues. De quoi lui permettre aussi, de creuser son sillon. « À titre personnel, il faudra qu’elle muscle son jeu sur les sujets économiques. Les dernières présidentielles ont montré sa fragilité sur ce thème. Mais aussi qu’elle se penche sur la question de ses partenaires potentiels. Le principal problème du RN est là : c’est une puissance, mais une puissance solitaire », observe encore Pascal Perrineau. « Et l’histoire a montré qu’on ne gagne pas sous la Ve République lorsque l’on est tout seul. »
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