Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement
Par François Vignal
Publié le
C’est le seul ministre qui a été cité par François Bayrou, jeudi soir, lors de son interview sur France 2 : Bruno Retailleau. Le premier ministre a clairement dit qu’il souhaitait le voir rester au gouvernement. Mais pour rester, le ministre de l’Intérieur démissionnaire demandait des garanties. Il les a eues. « Les conditions sont réunies » pour que Bruno Retailleau reste au gouvernement, soutient à publicsenat.fr l’entourage du ministre de l’Intérieur.
Sur « sa feuille de route », que ce soit la lutte contre l’immigration illégale, la sécurité du quotidien, la lutte contre le narcotrafic, « il n’y a pas de problème de principe. Le ministre pourra se déployer comme il l’a fait », avance son entourage.
Sur l’immigration, « il n’y a pas de raison de faire un grand texte, il vaut mieux saucissonner »
Alors que l’ancien président du groupe LR Sénat pouvait dans un premier temps espérer une grande loi immigration, synonyme d’épouvantail pour la gauche et même une partie des macronistes, il est prêt sur ce plan à mettre de l’eau dans son vin. « Il n’y a pas de raison de faire un grand texte. Il y a plein de façons de faire. Il vaut mieux saucissonner », confie l’entourage de Bruno Retailleau. « Sans majorité à l’Assemblée, on est obligé d’être souple. Si on met une disposition qui plombe la non-majorité d’entrée, ça ne sert à rien », résume-t-on. Exemple : le délit de séjour irrégulier pourrait être porté par un texte sur le durcissement de la politique pénale, ou à part, via une proposition de loi (PPL), soit un texte d’origine parlementaire. Idem avec le durcissement du regroupement familial ou celui de l’aide médicale d’Etat, ou pourquoi pas la conditionnalité des aides sociales, autant de sujets qui pourraient être portés par des PPL, qui ont l’avantage de pouvoir associer plusieurs groupes politiques. Utile dans une assemblée balkanisée. Bref, « tout est possible ». Des choses pourraient peut-être aussi passer par décret, ou par voie réglementaire.
Pas arc-bouté, le ministre de l’Intérieur sera prêt à faire preuve de « souplesse » pour « trouver des compromis » et « faire au mieux ». Une recherche du compromis que Bruno Retailleau a pu apprendre et pratiquer au Sénat, où les désaccords avec les centristes ne sont pas rares, poussant les LR à lâcher du lest pour faire passer les textes. C’est l’école du Sénat, qui pourra lui être utile le moment venu.
Quant au pacte européen sur l’asile et l’immigration, qui doit être retranscrit en droit français, cela s’annonce plus complexe. Car là aussi, la majorité n’est pas certaine. Mais ici, à cause du RN, qui bloque sur la répartition des migrants à l’échelle européenne. Mais le reste du texte étant moins bloquant, pourquoi pas, là aussi, le scinder en deux.
Des LR rassurés sur l’agriculture ou le budget
Avec Bruno Retailleau, ce sont les LR dans leur ensemble qui devraient être prêts à faire partie du premier gouvernement Bayrou. La tonalité était déjà bonne jeudi, à la sortie de la réunion transpartis à Matignon. Ils restaient cependant quelques points à éclaircir. Mais « sur l’agriculture, c’est rassurant. En gros, on est sur la même ligne », affirme un membre des LR.
Sur le budget, même si les choses sont compliquées, les propos du premier ministre sur la fiscalité, le poids des impôts, est là encore « rassurant » pour les LR, qui voient des « bons signaux ». Globalement, « sur les grands principes, les incertitudes ont été en grande partie quasiment totalement levées », soutient une source bien informée chez les LR.
« Il reste un sujet urticant pour la droite, mais pas bloquant, c’est la proportionnelle »
Un point est encore à éclaircir. « Il reste un sujet urticant pour la droite, mais pas bloquant, c’est le sujet de la proportionnelle. Mais on peut trouver un compromis », pense-t-on à droite. L’idée de François Bayrou, grand défenseur de la proportionnelle depuis des années, est la suivante, selon les LR :
Les sénateurs connaissent en effet déjà la proportionnelle. Pour les sénatoriales, les départements les moins peuplés, élisant un ou deux sénateurs, sont au scrutin uninominal, alors que les départements plus peuplés, élisant trois sénateurs et plus, sont à la proportionnelle.
Ce sont surtout les députés LR qui freinent. « La discussion va porter sur le seuil », glisse un LR. Les députés défendent un seuil élevé, pensant ainsi mieux conserver leurs sièges dans les zones plus rurales, voire en gagner ailleurs grâce à la proportionnelle. « On comprend que François Bayrou veut mettre la barre très basse, avec une proportionnelle à partir de 3 ou 4 députés par département. La droite veut pousser vers une proportionnelle à partir des départements élisant 9 ou 10 députés, soit les départements très peuplés », détaille-t-on. Soit en gros Paris et sa couronne, le Nord, le Pas-de-Calais, et les grandes villes comme Marseille, Lyon, Nantes. Mais attention, un membre des LR met en garde : vouloir toucher aux modes de scrutin « se retourne toujours contre celui qui le fait… »
Pour aller plus loin