Pollution de l’eau : les sénateurs écologistes demandent un élargissement de la détection des pesticides
34 % de l’eau potable consommée en France ne respecterait pas les critères de potabilité. Ces chiffres, présentés par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), illustrent l’impact des pesticides sur les sols et ses conséquences durables sur la qualité de l’eau.

Pollution de l’eau : les sénateurs écologistes demandent un élargissement de la détection des pesticides

34 % de l’eau potable consommée en France ne respecterait pas les critères de potabilité. Ces chiffres, présentés par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), illustrent l’impact des pesticides sur les sols et ses conséquences durables sur la qualité de l’eau.
Henri Clavier

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Le rapport de l’Anses, publié le 6 avril, fait donc état d’une présence massive de métabolite (produit issu de la dégradation des pesticides) du chlorothalonil, en particulier dans les régions agricoles. L’intensité de la présence du métabolite « R471811 » dans l’eau reste incertaine dans la mesure où les chiffres actuels reposent sur des échantillons encore partiels.

Le chlorothalonil est un fongicide (catégorie de pesticide utilisé contre les champignons) classé, dès 2018, par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) comme un « cancérigène probable ». En 2019, la commercialisation du chlorothalonil est interdite au sein de l’Union européenne, malgré cela, la France prolonge l’utilisation jusqu’en 2020. Mais si le chlorothalonil apparaît dans des proportions aussi importantes c’est parce que ses métabolites ne sont recherchés que depuis 2022 par l’Anses. Pour rappel, l’eau est considérée comme respectant les critères de qualité si la concentration des métabolites est inférieure à 0,1 microgramme par litre.

« On ne recherchait pas les métabolites du chlorothalonil jusqu’en 2019 »

Le cas du chlorothalonil n’a rien d’une exception, « il y a un parallèle avec le chlordécone », analyse Daniel Breuiller, sénateur écologiste du Val-de-Marne. Le chlordécone est un pesticide utilisé dans les bananeraies dont l’utilisation a continué, aux Antilles, longtemps après que sa dangerosité ait été démontrée. Comme dans le cas du chlordécone, on observe une certaine naïveté des pouvoirs publics face aux risques que peuvent représenter ces produits. « On ne recherchait pas les métabolites du chlorothalonil jusqu’en 2019, alors que ce pesticide est utilisé depuis 1970 », déplore Daniel Breuiller.

Plusieurs élus écologistes dénoncent surtout une politique agricole dysfonctionnelle, orientée vers le productivisme. « L’agriculture, dans son usage de pesticides, d’herbicides et de fongicides a un impact très fort sur l’eau, c’est une problématique sanitaire, on ne peut pas vouloir une meilleure qualité de l’eau et encourager l’agriculture utilisant beaucoup d’intrants, on ne peut pas continuer comme ça », juge Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat.

Les écologistes « avaient déposé un amendement pour demander à élargir la détection des produits dans l’eau »

Au-delà du modèle agricole, les sénateurs écologistes critiquent l’attitude du ministre de l’agriculture Marc Fesneau qui a récemment demandé à l’Anses de revoir l’un de ses avis. L’agence préconisait l’interdiction du S-métolachlore, l’un des principaux herbicides utilisés en France, du fait des risques entraînés par la dégradation chimique du produit. « La responsabilité du ministre est énorme et il est aussi coupable. On ne peut pas remettre ces produits-là en service », prévient Guillaume Gontard qui fustige l’absence de vision globale de la part du gouvernement sur le sujet. Le ministre de l’agriculture défendait l’idée d’attendre une interdiction au niveau européen pour ne pas pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs concurrents.

Les écologistes regrettent de ne pas avoir été écoutés sur la question du contrôle de la qualité de l’eau alors « qu’on avait déposé un amendement pour demander à élargir la détection des produits dans l’eau », note Guillaume Gontard. Le président du groupe écologiste pointe avant tout le « manque de courage politique du gouvernement ».

« Il y a des très grands écarts de pollution de l’eau d’une région à une autre »

« Il y a des très grands écarts de pollution de l’eau d’une région à une autre », rappelle le sénateur écologiste Daniel Breuiller. Un point de vue confirmé par Mickaël Derangeon, vice-président de Atlantic’Eau, un service public de l’eau en Loire-Atlantique, qui affirme que « plus de 90 % de l’eau distribuée par Atlantic’Eau était au-dessus des seuils ».

Par ailleurs, la gestion de l’eau et de l’assainissement est une compétence des collectivités territoriales, le traitement de l’eau et le respect des seuils incombent donc aux collectivités locales. « Le coût des traitements, c’est sans doute, plusieurs milliards d’euros. Mais quelles sont les collectivités territoriales capables d’investir des milliards dans le traitement de l’eau ? », s’interroge Daniel Breuiller. Ce dernier craint aussi une amplification du problème puisque « les métabolites sont dans les nappes phréatiques, et lorsque leur niveau baisse, la concentration en pesticides augmente ».

Une pollution durable ?

L’un des enjeux réside donc dans les capacités d’adaptation et de traitement de l’eau. « Pour l’adaptation, il y a deux possibilités, la première consiste à filtrer grâce à du charbon mais cela implique une augmentation des coûts », explique Mickaël Derangeon. Mais, « nous ne sommes pas sûrs que le charbon suffise donc il faut s’orienter sur d’autres technologies potentiellement consommatrices d’énergies et très coûteuses », continue Mickaël Derangeon.

Même en investissant massivement sur le filtrage et le traitement de l’eau, pas certain que cela suffise. En effet, « parmi les trois pesticides identifiés le plus fréquemment dans l’eau par l’Anses, l’un a été interdit en 2003 », rappelle Mickaël Derangeon. Il est donc particulièrement délicat de réduire durablement la présence de ces pesticides dans l’eau. En plus, Mickaël Derangeon rappelle que « les producteurs d’eau n’ont pas les moyens techniques d’identifier de nouvelles molécules ». Une imprévisibilité qui empêche de s’adapter pertinemment aux molécules que l’on cherche à éliminer.

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