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Politique agricole commune : le budget « n’est pas suffisant pour garantir la sécurité alimentaire à long terme »
Par Romain Ferrier
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« Mesdames, Messieurs les sénateurs, c’est une période clef pour l’agriculture européenne » a amorcé Janusz Wojciechowski, commissaire européen à l’Agriculture, lors de son audition. Invité par la commission des affaires européennes du Sénat ce 1er mars, l’homme politique polonais a longuement été entendu sur le plan stratégique de la Politique Agricole Commune (PAC). L’accord européen, qui prévoit l’unicité des marchés, la subvention des agriculteurs et la fixation des prix, a été révisé en 2021, sur la base de la proposition de la Commission européenne de juin 2018. Elle n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 2023, et ce pour quatre ans, avec 28 stratégies juxtaposées dans toute l’Union Européenne. La révision de cette PAC a des objectifs divers et variés, tels que le « développement d’un secteur agricole et sylvicole plus diversifié et résistant », l’accompagnement vers la transition agroécologique, le développement de l’autonomie agricole et la poursuite du verdissement du secteur. « [Grâce à ces politiques], nous pourrons avoir une vision plus stable de l’agriculture d’ici 2027 » a commenté Janusz Wojciechowski, tandis que le Salon de l’Agriculture se poursuit jusqu’à dimanche.
Dans l’ombre de la guerre ukrainienne
Après la Deuxième Guerre mondiale, la PAC avait pour objectif d’assurer une autonomie alimentaire, un enjeu quelque peu oublié, puis ravivé avec la guerre en Ukraine. « En ces temps de guerre, d’agressions injustes et illégales, nous avons été confrontés à de grands risques pour le système alimentaire au niveau mondial » a rappelé le commissaire européen, avant de féliciter les agriculteurs d’avoir tout de même garanti la sécurité alimentaire dans l’Union Européenne. Déjà entourés par des contraintes environnementales et économiques, les agriculteurs ont vu de nouvelles difficultés arriver avec l’offensive russe en Ukraine en février 2021. « Le problème dans l’agriculture, c’est qu’il n’y a pas assez d’outils permettant de faire face aux crises. Avant, il y avait déjà les événements climatiques, les catastrophes naturelles, mais aujourd’hui il y a de nouveaux risques, des risques géopolitiques » a constaté Janusz Wojciechowski, en évoquant la guerre en Ukraine. Avec l’augmentation des prix de l’énergie et des engrais, le commissaire européen à l’Agriculture a appelé à « renforcer les instruments de gestion de crise », et notamment de la « réserve de crise », qui s’élève actuellement à 500 millions d’euros par an.
Néonicotinoïdes, alternatives végétales, sécheresse hivernale… autant de préoccupations pour les sénateurs
Les difficultés du secteur agricole restent aussi économiques, et géographiques. Avec une série de données à l’échelle du territoire européen, Janusz Wojciechowski a notamment souligné la perte de 3 millions d’exploitations agricoles entre 2010 et 2020, soit près de 800 exploitations par jour. Cependant, la superficie des terres agricoles est restée stable, avec 155 millions d’hectares exploités. « Le nombre d’exploitations de plus de 100 hectares a augmenté, il y en avait 286 000 en 2010, 327 000 en 2020 ». Ainsi, il y a moins d’exploitations, mais elles sont plus grosses. Le budget alloué à l’agriculture au niveau européen est aussi jugé trop faible par le commissaire, correspondant à 307 milliards d’euros pour la PAC 2023 / 2027, soit environ 60 milliards par an. « Cela correspond à 0,4 % du PIB européen, je pense que ce n’est pas suffisant pour garantir la sécurité alimentaire à long terme. Ce n’est pas assez ».
Le débat s’est aussi porté sur l’utilisation des néonicotinoïdes (insecticides protégeant les plantes des nuisibles), et ce, dès la première question. Jugeant les dérogations infondées, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait prononcé un arrêt de ces insecticides le 19 janvier. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau n’a donc pas pu renouveler de mesures dérogatoires pour 2023 dans l’utilisation de ces « tueurs d’abeilles », désavantageant ainsi les producteurs français de betteraves à sucre à l’échelle européenne. « L’Europe peut-elle contribuer à soutenir cette filière française afin de rétablir une concurrence légitime ? » a demandé le sénateur Pierre Louault (Union centriste). « A ce stade, il est dur de se prononcer. Je crois comprendre que vous faites des simulations, et nous allons attendre vos estimations sur l’impact potentiel », qui devrait arriver d’ici 3 ans, a répondu le commissaire. Il a tout de même souhaité rappeler l’article 26, permettant aux Etats d’indemniser les exploitants agricoles pour toutes pertes liées aux nuisibles. « Cette aide peut couvrir 100 % de la valeur de marché des plantes détruites » a-t-il ajouté.
La crainte des alternatives végétales s’est aussi fait sentir à travers la question du sénateur Olivier Rietmann (Les Républicains). Le 1er février dernier, la Commission européenne avait déjà annoncé vouloir promouvoir la production de protéines végétales et alternatives dans l’Union Européenne, tout en protégeant les producteurs de viandes. « La viande cellulaire (in vitro) ou la fermentation de précision font-elles partie de ces protéines alternatives qui pourraient être promues par la Commission ? Y-aura-t-il une volonté d’interdire l’usage du mot « viande » pour ces produits alternatifs ? ». Deux questions n’ayant pas trouvé de réponses durant la séance, mais mettant bien en évidence les craintes des agriculteurs concernant le sujet.
Enfin, le manque de pluie et la sécheresse hivernale ont aussi été évoqués. Alors que le mois de février n’a connu aucune « pluie significative » selon Météo France, le sénateur Didier Marie (PS) a questionné le commissaire polonais sur une possible initiative européenne sur les problèmes d’accès à l’eau. Ce dernier a répondu en énumérant les mesures prises en compte par la PAC, notamment celles de la gestion des sols, pour prévenir l’érosion des sols et pour permettre de mieux retenir l’eau, celles pour une meilleure irrigation et celles pour une meilleure protection de la qualité de l’eau en réduisant les engrais synthétiques. « Toutes ces mesures sont inscrites dans les régulations de la PAC » a conclu Janusz Wojciechowski.
Les inquiétudes des agriculteurs se multiplient
Ces dernières années, les agriculteurs ont alerté à plusieurs reprises sur leurs préoccupations, notamment la soutenabilité des enjeux environnementaux, la concurrence au sein même de l’Union Européenne ou encore les accords commerciaux signés avec des pays tiers. Ces mêmes enjeux ont été évoqués ce matin à 8h30, hors presse, entre Janusz Wojciechowski et le ministre de l’agriculture Marc Fesneau, en plus de la souveraineté alimentaire et de la stratégie de la PAC. Le Salon de l’Agriculture devrait aussi se faire l’écho de ces inquiétudes, le rendez-vous ayant rassemblé plus de 502 000 visiteurs durant la 58ème édition en 2022.