Plan de relance : Pierre Moscovici appelle à mieux sélectionner les projets

Plan de relance : Pierre Moscovici appelle à mieux sélectionner les projets

Fin 2022, l’essentiel des budgets alloués au plan de relance devrait être consommé. Dans un point d’étape au Sénat, le président de la Cour des comptes a insisté sur la nécessité de suivre son exécution dans la durée, mais aussi d’être plus sélectif dans les projets. L’économie a en effet fortement rebondi l’an dernier, et l’enjeu est désormais de ne pas alimenter la surchauffe.
Guillaume Jacquot

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Où en est la mise en œuvre du plan de relance, un an et demi après son annonce ? Saisie par la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a livré un nouveau « point d’étape » ce 9 mars sur le déploiement de ce paquet de mesures destiné à stimuler la reprise de l’économie française et préparer les investissements d’avenir. Les magistrats financiers ont surtout émis des recommandations sur la fin du plan, dont l’essentiel est censé être consommé sur les années 2021 et 2022.

Un chiffre à retenir : à la fin 2021, sur les 100 milliards d’euros composant le plan (dont 20 milliards d’allègements d’impôts de production), 72 ont été engagés et 42 « effectivement décaissés ». Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a toutefois précisé devant la commission des finances du Sénat que ces décaissements ne signifient « pas forcément que les dépenses ont atteint leurs bénéficiaires finaux ». Certains transitent par des intermédiaires, et les décaissements pourraient s’étaler sur plusieurs années, jusqu’en 2026 voire 2028, a-t-il anticipé. D’où la nécessité de continuer à surveiller la bonne exécution du plan « au-delà de 2022. » Pierre Moscovici a plaidé pour une actualisation régulière de l’avancement détaillé du plan par grandes composantes.

« Les mesures qui n’atteignent pas leur cible devraient être supprimées »

S’il ne conteste pas le « bien-fondé » de certaines mesures, Pierre Moscovici a plaidé pour une forme de retour à une architecture budgétaire plus classique. Le rapport de la Cour des comptes formule ainsi une recommandation de taille : bien délimiter « dans le temps » le plan, et ne plus ouvrir d’autorisations d’engagement sur la mission budgétaire plan de relance, « au-delà de la fin de 2022 », et prévoir « sa suppression le plus tôt possible après cette date ». Il ajoute : « Dès lors que l’objectif de relance serait atteint, les mesures qui n’atteignent pas leur cible devraient être supprimées ».

Si certains appels à projet n’ont pas toujours trouvé preneur, d’autres ont bien fonctionné. C’est le cas de « Ma Prime Rénov », du fonds pour le recyclage des friches, ou encore des aides pour l’acquisition de véhicules propres. Certains programmes ont même été victimes de leur succès. Le cas des candidatures pour la rénovation énergétique des bâtiments d’État. Le montant total des dossiers atteignait 8 milliards d’euros, bien plus que les 2,7 milliards alloués à l’enveloppe.

Pierre Moscovici a également évoqué le financement du renouvellement forestier (200 millions d’euros) en sujet des mesures qui pourraient être prolongées en toute logique. « Si le cas échéant il lui apparaît souhaitable de prolonger certaines mesures, il convient de le faire dans le respect d’une trajectoire de finances publiques, et donc de le compenser. » Certaines mesures « ne peuvent pas être interrompues brutalement », a-t-il reconnu. Mais toute pérennisation de mesures du plan de relance comporte des risques. « Il ne faut pas oublier que l’ensemble de ces dispositifs était justifié par un objectif de relance de l’économie et qu’un tel plan est par nature temporaire », a-t-il expliqué.

« Ces tensions invitent à une certaine vigilance dans la poursuite de la mise en œuvre du plan de relance »

La Cour des comptes a également mis en perspective la poursuite du déploiement de plan de relance dans le contexte économique actuel. Bien avant que la guerre en Ukraine n’éclate, la conjoncture avait commencé à s’assombrir avec le retour de l’inflation, la hausse du coût de l’énergie ou encore les difficultés d’approvisionnement. Pierre Moscovici observe notamment des « tensions » dans le secteur du bâtiment. Les carnets de commandes sont pleins à craquer. « Les services préfectoraux et les collectivités territoriales ont fait remonter aux administrations des craintes quant au bon déroulement des travaux, et donc le risque d’une consommation moins rapide des crédits du plan de relance. Ces tensions invitent à une certaine vigilance dans la poursuite de la mise en œuvre du plan de relance, pour éviter qu’il ne contribue à les accentuer. » Une « plus forte sélectivité » des projets, selon la Cour, pourrait limiter les engorgements.

Le rapporteur général de la commission des finances, et rapporteur de la mission plan de relance, Jean-François Husson (LR), retrouve quelques-unes de ses observations dans le discours de la Cour des comptes. Le sénateur de Meurthe-et-Moselle note que la baisse des impôts de production n’a pas ciblé expressément les entreprises qui en avaient le plus besoin. « Vos analyses confirment que de nombreuses mesures ont souvent manqué de ciblage. Elles auraient dû être davantage sélectives, notamment vers les secteurs qui auraient sans doute pu créer une meilleure dynamique de relance, compte tenu des montants des sommes engagées. »

« Ensemble touffu de mesures », enchevêtrement de plans différents, ou avec les budgets classiques, le premier président de la Cour des comptes concède que cette architecture complexe « ne facilite pas le suivi ». Interrogé sur le déploiement au niveau local des mesures du plan, il souligne qu’il sera aussi difficile de donner une appréciation sur la « territorialisation » des sommes engagées car les méthodes d’analyse diffèrent d’un département à l’autre.

« Le bilan de l’efficacité du plan de relance reste à établir »

Après France Relance en 2020, le plan d’investissement France 2030, le conflit en Ukraine va conduire le gouvernement à de nouvelles mesures d’accompagnement pour les secteurs les plus exposés aux sanctions visant la Russie. « L’effet de relance risque d’être dilué très vite dans les effets des nouvelles crises », s’est inquiété Jean-François Husson. « On n’est pas à l’abri d’un nouveau plan », a rappelé le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS).

Ce matin, le ministre de l’Économie et des Finances a fermé la porte à un nouveau « quoi qu’il en coûte » en réponse à la crise énergétique qu’il compare au choc pétrolier de 1973. Un deuxième plan massif d’aides publiques « ne ferait qu’alimenter l’augmentation des prix », a-t-il mis en garde. Pierre Moscovici s’est permis de réagir à la stratégie de Bercy, qui semble privilégier cette fois des réponses ciblées. « Je partage cette analyse », a-t-il commenté, qualifiant l’intervention de « pertinente ».

De façon générale, Pierre Moscovici a pris des précautions sur les effets réels du plan. « Le bilan de l’efficacité du plan de relance reste à établir […] On ne peut pas dire que ce plan n’a pas eu d’effets. Il est difficile, et nous ne sommes pas en mesure de le faire, de distinguer les effets précis du plan de relance dans le rétablissement de la situation économique ».

La Cour des comptes continuera dans les prochaines semaines à livrer son appréciation sur le déploiement du plan de relance, avec la publication notamment des notes d’exécution budgétaires. Elles apporteront des détails précis sur la consommation des différents tiroirs du plan de relance. Cette approche sectorielle, politique publique par politique publique, devrait donner des éléments de réponse plus concrets.

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