Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
[Série] Petites et grandes histoires des campagnes présidentielles : les propositions iconoclastes (3/5)
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En 2007, Ségolène Royal bouscule le PS avec l’encadrement militaire
La campagne de Ségolène Royal tranche à plusieurs niveaux par rapport aux précédentes campagnes présidentielles des socialistes. Non contente de promouvoir la notion de démocratie participative, elle bouscule les paradigmes classiques de la gauche, à coups de propositions sur l’autorité.
Celle qui prône un « ordre juste » défend ainsi dès juin 2006 un encadrement « à dimension militaire » pour les jeunes délinquants. La proposition ne la quittera plus. Le 11 février 2007, à Villepinte, Ségolène Royal explique devant 15 000 personnes :
« Il faudra, je vous le redis ici très clairement, sans détour, développer toutes les formes d’encadrement éducatif, y compris militaire. »
Bien que l’idée sulfureuse ne soit pas totalement nouvelle, puisqu’il existait une association de réinsertion (Jeunes en équipe de travail) liée par une convention avec le ministère de la Défense de 1986 à 2003, des cadres socialistes accueillent l’idée avec réserve. « La militarisation de la sécurité, ce n’est pas l’ordre juste mais juste l’ordre », réagit le député Jean-Christophe Cambadélis. Ce proche de Dominique Strauss-Kahn lui reproche même d’avoir fait « un petit dérapage » et de « courir après Nicolas Sarkozy ».
Du côté de son principal adversaire, Nicolas Sarkozy, c’est l’étonnement.
« Si l’avenir des jeunes, c’est d’être pris en main par l’armée, pourquoi pas. Mais je ne le pense pas […] Si l'on pense que la solution aux problèmes, c’est de tenir des propos aussi incompétents, c’est son choix », réplique le président de l’UMP.
Ce qui n’empêchera pas le futur président de la République, en 2011, d’annoncer sa volonté de mettre en place cet encadrement militaire pour les jeunes auteurs de délits ! Il n’ira pas jusqu’au bout néanmoins.
En 2007, Nicolas Sarkozy et son « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale »
C’est Patrick Buisson qui souffle l’idée de la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale à Nicolas Sarkozy. La logique du candidat est assez simple. « Je veux un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, parce qu’aujourd’hui, le dossier de l’immigration est explosé en trois ministères différents », explique le candidat, le 8 mars 2007, sur France 2.
Une polémique monte. Invité du "20 heures" de TF1 une semaine plus tard, le ministre de l’Intérieur est interrogé dès le début de l’entretien sur sa proposition inattendue.
« Est-ce qu’on se rend compte de ce qui se passe ? Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002. Des Français qui souhaitent qu’on parle des problèmes qui les concernent ; un Français sur deux qui ne vote pas. La France qui a créé l’Union européenne, 55 % de non au référendum et on vient me dire quoi ? Ah ! tu sais, Nicolas, il ne faut pas parler trop fort. Il ne faut pas faire de propositions, il faut penser rien et proposer rien. Et je dis : eh bien, non, je ne suis pas d’accord. L’immigration c’est un grand sujet. »
A gauche, l’idée provoque un tollé, notamment chez le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande.
« Immigration et identité nationale, je crains vraiment que dans cette campagne - il y avait déjà suffisamment de signes - Nicolas Sarkozy soit dans un flirt poussé avec les thèses du Front national », explique le député de Corrèze.
« Je trouve assez ignoble de faire cet amalgame entre l’identité française et les travailleurs immigrés », attaque Ségolène Royal.
Le centriste François Bayrou juge aussi d’un mauvais œil l’intitulé du ministère imaginé par Nicolas Sarkozy. « Enfermer dans la même phrase immigration et identité nationale, je ne sais pas si vous voyez ce que ça cherche à évoquer mais je dis qu’il y a là une frontière franchie ».
Le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, considère que le candidat de droite s’est livré à une « petite opération de racolage » sur son propre espace. La proposition ne fait pas non plus totalement l’unanimité à droite. Le 18 avril, Le Parisien révèle que l’Elysée « a toussé » avec ce thème de campagne.
Après l’élection, le ministère verra le jour, et sera occupé successivement par Brice Hortefeux puis l’ex-socialiste Éric Besson. Mais ne sera pas maintenu durant tout le quinquennat. Le ministère fait les frais du remaniement de 2010. Le portefeuille de l’Immigration est rattaché au ministère de l’Intérieur et l’intitulé « Identité nationale » disparaît purement et simplement.
En 2012, le « contrat de vie partagée » de François Bayrou, après la crise économique
Il s’agit de l’une des propositions les plus iconoclastes du centriste en 2012. Le Béarnais suggère de créer un « contrat de vie partagée ». Dans son programme « La France solidaire » (qui sert aussi de slogan de campagne), le candidat du MoDem insiste sur le fait que ce contrat s’entend « sans connotation de vie de couple ou sexuelle ». Ce contrat qui officialiserait une colocation permettrait de « sécuriser » la vie commune, à deux ou trois.
L’idée est de permettre aux gens de se « serrer les coudes », dans un pays encore affaibli par la crise économique de 2009. Sont particulièrement visés les étudiants et les personnes âgées. Lorsqu’il présente son programme enrichi le 14 mars 2012, François Bayrou cherche à relancer sa candidature, avec l’entrée dans la campagne officielle. « Il faut faire sortir le plus possible les Français de leur solitude », demande-t-il.
Les modalités exactes ne sont pas détaillées. Mais, le candidat précise sa pensée au cours d’une conférence de presse :
« Lorsque des gens qui sont dans la précarité, qui reçoivent des aides sociales, décident de se regrouper, on coupe les aides qu’ils reçoivent. C’est exactement le contraire qu’il faut faire ».
En 2017, Philippe Poutou veut désarmer la police, en plein état d’urgence
Comme Olivier Besancenot avant lui, Philippe Poutou remet au programme, pour sa seconde campagne présidentielle, le désarmement de la police. « Nous exigeons le désarmement de la police française », peut-on lire sur ses documents. Le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui dénonce les « violences policières », entend s’inspirer d’exemples nordiques.
En temps normal en Norvège, par exemple, les policiers doivent conserver leurs armes à feu dans leur véhicule de service. Le 25 février 2017, dans l’émission On n’est pas couché, la chroniqueuse Vanessa Burggraf affirme être « tombée de sa chaise » en lisant le programme.
La France vient de connaître deux années meurtrières sur le plan du terrorisme. Le candidat rétorque que ce sont les unités « au contact avec la population » qui sont concernées par l’idée, notamment dans le cadre des manifestations.
Philippe Poutou défend à nouveau ce point du programme le 20 avril sur France 2, dans 15 minutes pour convaincre.
« La police au contact n’a pas besoin d’être armée […] On veut désarmer les policiers car ils agressent dans les manifs, les jeunes et les quartiers populaires [...] Plus ça va, plus il y a un droit d’utiliser son arme, un droit à la bavure », argumente-t-il.
Au même moment, le policier Xavier Jugelé est tué lors d’un attentat terroriste sur les Champs-Elysées. De nombreux internautes s’indignent sur Twitter. Lorsque le candidat sort du studio, il est pris à partie verbalement par des policiers.
En 2017, le revenu universel de Benoît Hamon
Il s’agit peut-être de l’une des idées les plus osées de la campagne de 2017. Elle a suscité bien des engouements ou des dénigrements, notamment en raison de son coût. Le candidat du Parti socialiste, Benoît Hamon, fait du revenu universel la carte maîtresse de son programme. « Nouvelle protection sociale » du pays, il garantit à tous les citoyens un revenu de base, sans condition.
Il propose d’y aller par étapes, en commençant par revaloriser le RSA de 10 % (pour atteindre 600 euros) en étendant son bénéfice aux 18-25 ans, sans condition de ressources. Ce « premier étage de la fusée » représente à lui seul 35 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour l’Etat.
A terme, il imagine un dispositif incluant toutes les prestations existantes. Pour cela, une « grande conférence citoyenne » serait chargée d’en arrêter le périmètre définitif en 2019. Il évalue le poids total pour les finances publiques entre 300 et 450 milliards d’euros. A titre de comparaison, le budget de la Sécurité sociale (dépenses sociales, de santé et pensions de retraite) représente environ 500 milliards d’euros.
Le candidat PS espère un revenu universel pour tous à 750 euros. L’idée rencontre des critiques y compris à gauche. Arnaud Montebourg, ex-concurrent de la primaire, y voit une « résignation face au chômage », et Jean-Luc Mélenchon une « trappe à pauvreté ».
Au fil de la campagne, l’ambition du dispositif, qui lui avait permis de s’imposer dans la primaire de gauche, s’effrite un peu. Depuis la version initiale, le nombre de bénéficiaires évolue à plusieurs reprises. A la veille du second tour, le revenu a perdu sa dimension universelle : il serait ouvert à toute personne touchant moins de 1,9 Smic brut par mois (2 800 euros).
En avril, lorsque son équipe met en ligne un simulateur, certaines personnes des classes moyennes découvrent que le nouveau dispositif leur ferait même perdre de l’argent.
En 2017, les « petits » et les « gros » risques de François Fillon pour l’Assurance maladie
Bien avant les accusations d’emploi fictif concernant son épouse Pénélope, François Fillon a commencé à marquer le pas dans les enquêtes d’opinion. Entre début décembre et les premières révélations du Canard Enchaîné du 25 janvier 2017, le candidat de la droite perd plusieurs points. La dureté de son programme, en termes d’économies de la dépense publique, n’est peut-être pas étrangère au trou d’air.
Mi-décembre, l’AFP constate même que certaines propositions très contestées disparaissent de son site de campagne. Notamment celle-ci, au chapitre de la santé :
« Pour assurer la pérennité de notre système de santé, je propose de […] focaliser l’assurance publique universelle sur des affections graves ou de longue durée, et l’assurance privée sur le reste. Les moins favorisés ne pouvant accéder à l’assurance privée bénéficieront d’un régime spécial de couverture accrue. »
Ses opposants s’en donnent à cœur joie après cette volte-face. « On a compris, François Fillon, c’est Docteur Jekyll et M. Hyde. OK ! Mais qui croire ? » s’interroge Jean-Christophe Cambadélis (PS). Marine Le Pen parle de « vraie fausse reculade ». Même la gêne est palpable chez les centristes. Le patron des députés centristes, Philippe Vigier, regrette que le candidat n’ait pas « plus explicité » son projet.
Après plusieurs semaines de silence, François Fillon refuse de changer de programme. Le 3 janvier, sur TF1, il se montre inflexible et promet de réformer la Sécurité sociale, indiquant avoir été « caricaturé de manière scandaleuse » sur la distinction (enterrée) entre « gros » et « petits » risques.
En février, le programme du candidat est méconnaissable, après un changement de braquet. Il assure qu’il n’est pas question de privatiser une partie du système. Au contraire, il veut « réaffirmer le principe d’universalité » de l’Assurance maladie obligatoire, qui « continuera à couvrir les soins comme aujourd’hui ».
Mieux, il promet de « mieux rembourser les soins qui sont largement à la charge des assurés, comme les soins optiques ou dentaires ».
[Série] Petites et grandes histoires des campagnes présidentielles : les trahisons de la droite (1/5)