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Paroles de nouveaux sénateurs : « Il faut que nous ayons de l’ambition au Sénat face à une Assemblée nationale affaiblie », juge Vincent Louault
Par Jérôme Rabier
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Quel est votre parcours avant d’arriver au Sénat ?
Je suis agriculteur à la base. J’ai repris très tôt l’exploitation familiale, car j’avais la chance ou la malchance d’avoir un père qui fait de la politique depuis que j’ai 4 ans. Je m’étais interdit de faire de la politique parce que cela a provoqué le divorce de mes parents quand j’avais 16 ans.
Et finalement, c’est mon petit village où il y avait un maire proche de Bruno Mégret qui a fait le geste de trop en enlevant les drapeaux de la commune plutôt que de les mettre en berne pour la mort de Nelson Mandela qui provoque mon engagement.
J’ai été élu maire de Cigogné en 2014, c’est un village de 450 habitants. Puis j’ai été élu vice-président de mon agglomération, et ensuite au Conseil départemental d’Indre-et-Loire, en tant que président du groupe de la majorité.
J’ai eu une formation vraiment accélérée notamment en présidant toutes les agences techniques du département. C’est cela qui a fait que j’étais en contact avec toutes les collectivités du département.
C’est ce qui vous a décidé à vous présenter aux élections sénatoriales ?
J’ai un peu travaillé avec mon père le mandat précédent (NDLR : Pierre Louault était sénateur Union centriste de 2017 à 2023). Je connaissais donc bien le fonctionnement du Sénat. Ma première visite au Palais du Luxembourg je devais avoir 12 ans. Je m’étais très tôt intéressé aux sujets agricoles. Je m’appuyais toujours sur les rapports du Sénat, de la Cour des comptes. J’ai toujours aimé l’institution donc je reconnais le travail de fond qui correspond bien à mon profil de technicien.
Mon père m’a annoncé un an avant la fin de son mandat qu’il ne se représentait pas et comme les candidats pressentis ne me convenaient pas complètement, je me suis lancé sous l’étiquette Horizons, que j’avais rejoint dès sa création par Édouard Philippe.
Comment s’est passée votre arrivée au Sénat ?
Aucune émotion particulière à mon arrivée, sauf lors de la première séance quand j’ai vu mon père dans les gradins. Pour le reste j’ai tout de suite eu l’impression d’être à ma place. Je connais les usages du Sénat, je sais que je dois faire mes preuves dans les premières années avant d’espérer des fonctions plus renommées.
Quels sont les textes qui vous ont marqué pendant cette première année ?
Moi je suis arrivé avec le projet de loi immigration. J’ai fait quasiment l’intégralité des débats, car je voulais m’imprégner de l’hémicycle. Et là j’ai compris une chose : le Sénat n’était pas forcément au rendez-vous malgré la majorité relative à l’assemblée. J’ai été déçu de postures nationales poussées par certains LR. Et cela s’est vu avec la censure de 37 articles par le Conseil constitutionnel. Alors que nous pouvions écrire la loi que nous souhaitions de façon constructive. C’est du gâchis. Je pense que la période n’a pas été utilisée à la hauteur de ce que devrait être le Sénat, car on a laissé faire le radicalisme d’une partie des LR.
Je me suis aussi beaucoup engagé sur le projet de loi de finances avec beaucoup de caricatures aussi, notamment sur les coupes au CNRS ou l’aide au développement. Ils n’avaient qu’un seul objectif : faire échouer le gouvernement. Au lieu de montrer l’image constructive et de la sagesse du Sénat. Ils voulaient juste la peau de macron.
Sur le CETA, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, j’ai été le seul à avoir une position pro-CETA au moment du vote en commission des affaires économiques. Les libéraux LR, en s’alliant avec les communistes sur cette question sont devenus anti-CETA juste avant les élections européennes pour tenter de se refaire la cerise.
Je n’ai pas de déception, c’est juste mon analyse sur ces textes. Et j’ai toujours autant de plaisir à venir au Sénat défendre mes positions.
Sur quels autres sujets avez-vous travaillé depuis le mois de septembre ?
Je me suis bien sûr engagé sur tous les sujets agricoles avec la crise quand elle a commencé. Mais pas dans l’esprit du rapporteur LR du Sénat Laurent Duplomb qui était dans l’opposition systématique au gouvernement. Moi je discute avec tout le monde. A la commission des affaires économiques je pense avoir mis quelques mois à être accepté. Et ils ont vu que j’avais le courage de m’opposer sur le CETA et c’est ainsi que j’ai fait mes preuves.
Avez-vous trouvé un bon équilibre entre la présence au Sénat et en circonscription ?
La première année j’ai voulu rentrer pleinement dans le mandat en privilégiant la présence au Sénat, sans pour autant abandonner le local. Je suis au Sénat du lundi soir au jeudi. Le reste de la semaine dans mon département. Actuellement un peu plus depuis la dissolution.
Justement, la situation politique actuelle est inédite. Quel rôle voyez-vous pour le Parlement, et en particulier le Sénat, dans la période ?
Dans la période encore plus qu’avant le rôle du Sénat sera déterminant. Nous allons être dans un contexte avec un seul objectif : voter un budget. Cela sera très dur à l’Assemblée nationale donc tout le travail du Sénat sera là. Et le Sénat va devoir choisir. Soit on repart dans la provocation, et je pense que c’est être hors sujet. Soit on écrit le budget au Sénat. Et je pense qu’on a la main à 80%.
Ce qui a vraiment changé ce sont les équilibres politiques que je pensais plus stables au Sénat et finalement j’ai tout de suite vu après mon élection que le groupe LR n’était pas aussi uni qu’il apparaissait. J’ai vu la fracturation des LR entre les modérés et les plus radicaux. Et les plaques bougent encore. J’aimerai savoir clairement qui sont les soutiens d’Éric Ciotti au Sénat. Il y en a une petite dizaine.
On a aussi vu sur des textes comme la Nouvelle-Calédonie que les centristes d’Hervé Marseille pouvaient avoir du mal avec une partie des positions des LR. Et que la majorité sénatoriale LR-Centriste n’était pas aussi compacte sur de nombreux sujets.
Là on voit qu’à l’Assemblée les LR ont permis la réélection de Yaël Braun Pivet . Donc je pense qu’on a perdu du temps depuis deux ans en campant sur des positions. Là maintenant il va falloir être malins. Et que l’on prouve que le Sénat, qui est la chambre de la sagesse, que le travail il est fait chez nous. On doit écrire la partition pour des députés qui vont s’entretuer.
Il faut que le Sénat sorte de la caricature, joue son rôle à plein. Il faut que nous ayons de l’ambition au Sénat face à une assemblée nationale affaiblie. Nous en avons manquée depuis deux ans. Là nous sommes maîtres de tout.
Sur quels sujets souhaitez-vous travailler à la rentrée ?
A la commission des affaires économiques nous aurons des vrais sujets sur l’énergie et évidemment sur le projet de loi agricole dont l’examen a été interrompu. Le gouvernement quel qu’il soit devra le remettre sur la table, en espérant qu’on ne reparte pas de zéro alors que l’Assemblée nationale l’avait voté.
crédit photo Jean Paul PAIREAULT.
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