La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
« Pacte législatif » : ce que proposent les sénateurs LR
Par Simon Barbarit
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On les voyait pratiquement disparaître après les élections législatives, mais Les Républicains sont toujours là. Mieux, ils pourraient être au centre du jeu politique dans les semaines à venir. Pendant que le Nouveau Front Populaire se fracture autour de la désignation d’un Premier ministre, le président du groupe la Droite Républicaine (anciennement LR) à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez entend « assumer ses responsabilités » en soumettant aux autres groupes parlementaires une liste de « propositions prioritaires » d’un « pacte législatif » censé « débloquer la France dans les 100 jours », comme le rapportent nos confrères du Figaro.
« Il faut tout faire pour éviter en premier lieu une crise financière
« Les fuites que j’ai vues dans la presse correspondent à la première trame que j’ai envoyée à Laurent Wauquiez. Le point de départ de tout ça est sénatorial. Nous avons voté et amendé de nombreux textes. J’attends d’ailleurs de la part des présidents de commissions d’autres travaux qu’on pourrait faire figurer dans le document final. Il faut tout faire pour éviter en premier lieu une crise financière. Ce qui arrivera si nous ne parvenons pas à voter un budget avec 25 milliards d’économies », précise Bruno Retailleau, le président du groupe LR du Sénat.
Les propositions de ce pacte seront soumises à l’approbation des sénateurs LR lors d’une réunion de groupe jeudi matin avant d’être transmises aux députés.
Agriculture, énergie, logement
« Ce pacte législatif va dans la bonne direction étant donné la situation d’enlisement dans laquelle on se trouve. On retrouve 6 têtes de chapitre : la maîtrise de la dette et des finances publiques, le rétablissement de l’autorité, la revalorisation du travail, la lutte contre l’immigration incontrôlée, l’enseignement des savoirs fondamentaux à l’école, et j’ai demandé à Bruno Retailleau d’ajouter la crise du logement, qui est une crise de l’offre, et les moyens pour y répondre », liste le sénateur Marc-Philippe Daubresse.
Parmi les points que la droite sénatoriale compte mettre en avant, on retrouve des travaux législatifs stoppés récemment en raison de la dissolution. Adopté à l’Assemblée nationale, le projet de loi d’orientation agricole avait été largement remanié en commission des affaires économiques du Sénat, notamment par le sénateur LR Laurent Duplomb, un proche de Laurent Wauquiez et auteur d’une proposition de loi « sur un choc de compétitivité en faveur de la ferme France ». « Avec la dissolution, le projet de loi est caduc et les agriculteurs sont laissés en jachère, si l’on peut dire. Nous avions fait des propositions pour garantir une concurrence loyale dans les échanges internationaux mais aussi pour lutter contre l’agribashing notamment en mettant fin aux surtranspositions », rappelle Dominique Estrosi-Sassone, la présidente LR de la commission des affaires économiques.
La commission des affaires économiques va également insérer dans ce pacte la proposition de loi sur la souveraineté énergétique du sénateur LR Daniel Gremillet. Adopté fin mai en commission, le texte est conçu comme une base législative à la construction de nouveaux réacteurs et le déploiement des énergies renouvelables afin de répondre à l’objectif de diminution de la consommation d’énergies fossiles de 60 % d’ici 2035. La majorité sénatoriale de droite reprendra aussi ses amendements au projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, notamment la possibilité pour les communes en retard dans leurs objectifs de logements sociaux d’intégrer du logement intermédiaire dans leur trajectoire de rattrapage. Les élus LR veulent également renforcer les pouvoirs des maires en matière d’attributions de HLM.
Reprendre l’ensemble des dispositifs de la loi immigration censurés par le Conseil constitutionnel
Mais le gros morceau qui sera bien plus difficile à faire avaler aux députés Ensemble pour la République concerne l’immigration. « Nous voulons reprendre l’ensemble des dispositifs de la loi immigration censurés par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution », prévient Bruno Retailleau. Pour mémoire, le Conseil avait censuré 32 dispositions sans rapport direct avec le texte initial, les fameux « cavaliers législatifs ». Etaient visées, les mesures relatives au durcissement des conditions du regroupement familial, le conditionnement de certaines prestations sociales non contributives ou encore les modifications apportées au Code civil sur le droit de la nationalité, telle que la fin de l’automaticité du droit du sol, ou la déchéance de nationalité après une condamnation pour « homicide volontaire commis sur toute personne dépositaire de l’autorité publique ».
« Ce texte avait quand même été voté par les macronistes. Et il n’a pas été censuré pour des raisons de fond », souligne Marc-Philippe Daubresse oubliant au passage que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait insisté sur l’inconstitutionnalité de certaines mesures lors des débats au Sénat.
Gérald Darmanin a néanmoins réservé un accueil favorable au pacte proposé par la droite. « Les propositions législatives du groupe de la droite républicaine sont très intéressantes et méritent que nous en discutions […] Les axes évoqués sont en grande partie ceux qu’il faut travailler à la demande des Français et que nous avons pu entendre pendant cette campagne », a-t-il écrit, ce matin, aux députés Ensemble.
En Conseil des ministres, Emmanuel Macron a indiqué, lui aussi, être en faveur « d’une coalition majoritaire ou d’un large pacte législatif ». « Il faut travailler sur les axes programmatiques autour de la préservation des acquis économiques, l’accent sur une réponse régalienne forte, des mesures en faveur de la justice sociale », a-t-il précisé.
François Patriat, le chef de file des sénateurs macronistes est sur cette ligne. « Nous devons travailler texte par texte. Nous pouvons trouver des points d’accords sur la maîtrise des finances publiques et sur la sécurité. Au sujet de l’immigration, on peut peut-être aller plus loin avec la réforme de l’AME (Aide médicale d’Etat).
« Nous aurons l’obligation de dépasser les lignes politiques classiques »
Toutefois, le bloc central additionné au groupe de 46 élus de Laurent Wauquiez ne conduirait qu’à une petite majorité relative de 220 sièges. Le futur gouvernement serait ainsi à la merci d’une motion de censure, dès l’examen du premier texte. « La question n’est pas de savoir qu’elle est la meilleure addition possible mais comment éviter la soustraction, c’est-à-dire le vote, pour des motifs différents, d’une motion de censure par le RN et LFI », expose Marc-Philippe Daubresse.
« Il y a deux options possibles. Une coalition, mais au vu des rapports entre les partis, elle paraît difficilement envisageable actuellement. Ou un accord sur le plus petit dénominateur commun, c’est l’idée d’un pacte législatif qui est une intuition intéressante. quelles que soient les options, nous aurons l’obligation de dépasser les lignes politiques classiques. Cela nécessitera beaucoup de concessions de la part des uns et des autres. Dans quelques semaines viendra le temps des conciliations », résume le député UDI, Philippe Bonnecarrère.
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