PARIS – SIEGE LR – BELLAMY

« Pacte législatif » : chez les sénateurs LR, la tentation d’une coalition avec les macronistes reste minoritaire

Les parlementaires LR devraient présenter en début de semaine le contenu de leur « pacte législatif ». La ligne défendue par Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR, et Laurent Wauquiez, à la tête du groupe à l’Assemblée nationale, est celle d’une totale indépendance vis-à-vis des macronistes. Mais quelques élus estiment que le contexte politique invite à laisser de côté le principe des majorités de circonstance pour envisager un accord plus global avec le camp présidentiel.
Romain David

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La droite entend rester au centre du jeu. Depuis le début de la semaine, les sénateurs LR et les députés du nouveau groupe La Droite républicaine travaillent à l’élaboration d’un « pacte législatif », un ensemble de mesures jugées prioritaires, et qui seraient susceptibles de recueillir une large adhésion dans une assemblée désormais fracturée en trois grands blocs. Ce jeudi matin, les sénateurs LR, rassemblés en réunion de groupe, ont encore planché sur son contenu, avec l’idée de reprendre une partie des travaux de la droite sénatoriale, mis en suspens par la dissolution. Les deux présidents de groupe, Bruno Retailleau pour le Sénat et Laurent Wauquiez pour l’Assemblée nationale, devraient présenter leur copie en début de semaine prochaine, probablement lundi, soufflent plusieurs élus.

« L’idée est de faire avancer des propositions qui vont dans le bon sens, trouver des solutions pour mettre fin à l’assistanat et revenir à l’équilibre budgétaire », résume le sénateur Laurent Duplomb. Au programme, une dizaine de thématiques : sur le déficit, la souveraineté alimentaire et énergétique, le rétablissement de l’autorité, la revalorisation du travail, l’immigration, l’école ou encore la crise du logement.

Un paquet de mesures déjà examinées

Ce pacte devrait notamment reprendre les dispositifs imaginés par le sénateur Laurent Duplomb dans deux textes, sa proposition de loi « sur un choc de compétitivité en faveur de la ferme France », et celle qu’il avait présenté en marge de la crise agricole du début d’année. Il est également question d’y intégrer la proposition de loi de Daniel Gremillet sur la simplification dans le secteur de l’énergie, un texte qui aurait dû être examiné à la fin de la session parlementaire.

À ce stade, rien n’est encore tranché sur la crise du logement. Il est question de réutiliser les amendements qu’avait défendus la sénatrice Sophie Primas lors des débats autour du projet de loi sur l’offre de logements abordables, autre texte fauché par la convocation de législatives anticipées. En revanche, la droite sénatoriale n’entend pas renoncer aux mesures qu’elle avait fait inscrire dans la loi immigration mais qui ont finalement été retoquées par le Conseil constitutionnel en janvier. Un sujet bien plus éruptif.

Bruno Retailleau a obtenu carte blanche de son groupe pour mener les discussions avec les députés. Les relations entre la droite sénatoriale et les députés LR se sont fluidifiées. Bénéfice de la clarification : les tensions entre les deux groupes sous l’ère Ciotti semblent s’être momentanément dissipées depuis que le Niçois a choisi de rallier Marine Le Pen. « Le départ d’Aurélien Pradié a également facilité les choses. Il était devenu une vraie source de crispation », commente une élue parisienne à propos du député du Lot, qui a quitté LR durant la campagne des législatives.

« Pas de coalition ! »

« Ce pacte législatif va nous permettre de présenter nos lignes rouges et nos possibilités, de lister les sujets sur lesquelles nous sommes prêts à discuter, mais il n’est pas question de faire une coalition », avertit Laurent Duplomb. « Pas de coalition ! », martèle également Bruno Retailleau. Officiellement, la ligne ne varie pas : la droite refuse d’être considérée comme une alliée naturelle des macronistes et donc de participer à un éventuel gouvernement de coalition, malgré les appels du pied du camp présidentiel, désormais minoritaire, mais qui table encore sur un élargissement pour reprendre la main au Parlement. Les LR veulent plutôt miser sur des majorités de circonstance, au cas par cas. Une stratégie qui leur a réussi sous la précédente législature, la majorité sortante ayant dû négocier à plusieurs reprises avec eux pour faire adopter certaines réformes.

« Il ne faudra pas trop en mettre dans ce pacte, sinon nous ne parviendrons pas à tomber d’accord lorsque viendra l’heure des discussions », avertit Bruno Belin, sénateur apparenté LR de la Vienne. « La vision que nous portons doit pouvoir se réaliser dans un temps relativement court », abonde Dominique Estrosi Sassone, la présidente de la commission des Affaires économiques. « Une année, certains parlent même de 100 jours. Nous devons montrer que nous avons de quoi être opérationnels rapidement », explique-t-elle.

« Je suis évidemment favorable à ce que l’on rentre dans une coalition »

Mais côté coulisses, quelques voix estiment que la droite devrait aller plus loin, accepter la main tendue des macronistes et participer à la mise en place d’une coalition. C’est le cas du sénateur Alain Joyandet, ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, qui a pris la parole en ce sens lors de la dernière réunion de groupe. Pour moi, le vrai sujet c’est : est-ce que l’on rentre dans une coalition qui permettrait d’éviter Monsieur Mélenchon ? Par rapport à la situation du pays, je suis évidemment favorable à ce que l’on rentre dans une coalition », explique-t-il à Public Sénat. « L’indépendance n’est pas l’isolement. On peut être indépendant, avoir toute notre vie à l’intérieur d’une coalition. C’est peut-être, d’ailleurs, la solution pour survivre. L’indépendance seule, c’est l’isolement, et l’isolement conduit à la disparition », développe-t-il.

« Alain Joyandet est minoritaire sur cette question, et jusqu’à nouvel ordre, la minorité ne dicte pas sa voie à la majorité », balaye le sénateur LR Max Brisson, qui a travaillé sur le volet éducation du pacte législatif. « Ce débat a déjà été tranché. Je ne vois pas pourquoi nous irions sauver le soldat Macron. Et si certains participent à la mise en place d’un futur gouvernement, ce sera sur la base de débauchages individuels », assure-t-il.

Pour autant, certains sénateurs estiment que le chambardement de la dissolution a fait bouger les lignes, et l’hypothèse d’une coalition ne leur paraît plus aussi extravagante qu’il y a encore quelques semaines : « L’idée reste celle d’un pacte sans participation. Mais il y a dix jours l’idée même d’un pacte n’existait pas. Les choses avancent vite, très vite », observe une sénatrice.

Une autre abonde, presque mot pour mot : « Mardi dernier, il n’était absolument pas question de pacte législatif. Et ce matin, nous en sommes déjà là. La situation évolue rapidement. En tout cas, les propositions que nous mettons sur la table sont une forme d’ouverture. » Côté Assemblée nationale, l’ex-LR Aurélien Pradié plaide pour un « gouvernement de cohabitation ». Une formule que reprend également le sénateur Bruno Belin : « Soit on ne fait rien, et on continue de s’enfoncer, soit on accepte d’aller au charbon pour gagner en crédibilité », soutient-il.

Les grandes manœuvres

Ce jeudi 18 juillet, tous les regards se tournent vers le Palais Bourbon où l’élection du président de l’Assemblée national pourrait permettre d’y voir un peu plus clair au milieu du brouillard parlementaire. « On verra en fonction de l’élection du président de l’Assemblée nationale, selon la personnalité qui accédera au perchoir, les choses peuvent rapidement bouger », sourit un poids lourd de la droite sénatoriale.

Face au RN et au Nouveau Front populaire, le retrait de la candidature du député Philippe Juvin, le candidat des LR, pourrait servir le camp présidentiel, en l’occurrence la candidature de Yaël Braun-Pivet (Renaissance). Le verdict devrait tomber dans la soirée. Les tractations entre Ensemble pour la République et les LR, autour des postes clefs dans la nouvelle chambre, ont déjà commencé. Plusieurs élus macronistes nous indiquaient en milieu de semaine que Laurent Wauquiez tentait de monnayer son soutien contre une vice-présidence, un siège de questeur et la présidence de la commission des Finances.

« On me parle de marchandage, mais la répartition des postes ne répond pas à la logique de formation d’un gouvernement », s’agace Max Brisson. « Les discussions entre groupes au moment de la mise en place d’une nouvelle législature sont aussi vieilles que l’Assemblée nationale. Ces choses-là font partie de la vie parlementaire et ne conditionnent en rien l’avenir politique de la France », explique-t-il.

« Je suis persuadé qu’il y aura dans l’élection du président à l’Assemblée nationale, quel que soit le vainqueur, qui ne sera ni d’extrême droite ni d’extrême gauche, une coalition du milieu qui ne dit pas son nom. Donc, allons au bout ! », analyse Alain Joyandet. Interrogé sur ce scénario, François-Noël Buffet, le président de la commission sénatoriale des lois, hausse les épaules : « En ce moment, la vérité d’une heure n’est plus toujours celle de la suivante ».

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