Migration Europe

Pacte européen asile et migration : qu’ont voté les eurodéputés français ?

Soutenu par les sociaux-démocrates et la droite européenne, le pacte asile et migration a été adopté au Parlement européen. Mais, contrairement à leurs collègues des autres États membres, Raphaël Glucksmann et François-Xavier Bellamy – têtes de liste socialiste et Les Républicains – se sont opposés au texte.
Rose Amélie Becel

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Ce 10 avril, les eurodéputés ont validé l’ensemble des règlements et des directives qui composent le pacte asile et migration. Présenté par la Commission européenne en septembre 2020, le texte a fait l’objet de longues négociations, avant d’aboutir à un accord de principe entre le Parlement européen et le Conseil, en décembre dernier. Le pacte est donc le fruit de compromis entre les grandes familles politiques européennes : la droite du Parti populaire européen (PPE), les libéraux de Renew et la gauche sociale-démocrate (S&D).

D’un côté, le texte prévoit un durcissement des contrôles, avec un filtrage des demandeurs d’asile aux frontières de l’Union européenne. D’un autre côté, un mécanisme de « solidarité obligatoire » permettra de répartir l’accueil des demandeurs d’asile entre les pays du sud de l’Europe, qui concentrent les arrivées, et les autres. Les pays opposés à ce principe de solidarité devront s’acquitter d’une amende de 20 000 euros par personne refusée.

Raphaël Glucksmann et François-Xavier Bellamy, à contre-courant de leurs groupes politiques

Mais en France, le compromis européen ne semble satisfaire personne. Seuls les eurodéputés français de Renew, où siège la tête de liste de la majorité présidentielle Valérie Hayer, ont voté en faveur du pacte. L’estimant trop sévère, le socialiste Raphaël Glucksmann, l’insoumise Manon Aubry et l’écologiste Marie Toussaint s’y sont opposé. Jugeant au contraire le texte trop laxiste, la tête de liste des Républicains François-Xavier Bellamy et le chef de file du Rassemblement national Jordan Bardella ont également voté contre.

Fin mars, sur France Info, le socialiste Raphaël Glucksmann avait fustigé un texte qui « impose le filtrage et des mesures répressives à l’entrée mais n’impose pas la solidarité et une politique migratoire commune ». De son côté, le candidat des Républicains François-Xavier Bellamy dénonçait, à l’occasion du premier débat des têtes de liste sur Public Sénat, « le projet terrible d’Emmanuel Macron visant à organiser la relocalisation des migrants ».

Des prises de position à contre-courant des partis européens dans lesquels siègent les deux eurodéputés. Ainsi, sur le volet « gestion de l’asile et de la migration », 104 députés S&D ont voté en faveur du texte, onze se sont exprimés contre, dont six des sept élus socialistes français. Côté PPE, le texte a recueilli 121 votes favorables et 29 voix contre, dont six des huit eurodéputés Les Républicains.

« La panique s’empare des eurodéputés français »

Comment expliquer un tel décalage ? Pour Patrick Martin-Genier, professeur à Sciences Po et spécialiste des questions européennes, « la panique s’empare des eurodéputés français » : « Dans la perspective des élections européennes, où l’on voit Jordan Bardella obtenir des scores inégalés dans les sondages, ce sont des éléments de politique purement nationale qui prédominent dans le débat ».

Voter pour un texte phare du mandat d’Ursula von der Leyen était ainsi inenvisageable pour Les Républicains, pourtant membres du même groupe politique. Dans une campagne marquée par la crise agricole, où le pacte vert – autre texte emblématique de la présidente de la Commission européenne – a été largement critiqué, les eurodéputés de la droite française s’opposent fermement à la reconduction de l’élue allemande à Bruxelles. « Dans tous les groupes, vous avez des divisions internes et des positionnements nationaux. On partage des valeurs communes, on est bien au sein du PPE. Néanmoins, on est là pour défendre avant tout les positions françaises », assumait l’eurodéputée Anne Sanders, interrogée fin février par Public Sénat.

Pour Patrick Martin-Genier, les différences de vote des eurodéputés français « s’inscrivent aussi dans la perspective d’une recomposition politique, dans le cadre de l’élection présidentielle de 2027 ». À l’occasion d’un second débat entre les têtes de listes, organisé ce 10 avril sur France 24, la question de la Nupes et des divisions de la gauche s’est en effet invitée dans les discussions. La candidate de la liste présidentielle Valérie Hayer a ainsi vivement attaqué Raphaël Glucksmann, l’accusant de s’opposer au pacte « pour des raisons électorales ». « Vous savez pertinemment que si vous votez ce texte, vous allez éclater la Nupes », s’est-elle exclamée. Une accusation dont se défend le candidat du parti socialiste, affirmant s’opposer au pacte sur le fond.

« Ce vote pourrait mettre le Rassemblement national en difficulté »

En cohérence avec son groupe politique, Identité et démocratie, le Rassemblement national de Jordan Bardella s’est également opposé au pacte. « L’Union européenne choisit la voie de la faiblesse et de l’appel d’air », a-t-il dénoncé dans un communiqué au moment du vote.

Une opposition risquée, estime Patrick Martin-Genier : « Ce vote pourrait mettre le Rassemblement national en difficulté, en raison d’une forme d’incohérence. Là où l’extrême-droite est au gouvernement, comme en Italie avec Giorgia Meloni, l’Union européenne a été appelée au secours sur l’immigration et les eurodéputés ont voté en faveur du pacte. »

Membre du groupe des Conservateurs et réformistes (ECR), les eurodéputés italiens proches de Giorgia Meloni siègent avec Nicolas Bay, membre de Reconquête. De quoi alimenter d’autres oppositions au sein de l’extrême droite française, entre la liste de Jordan Bardella et la liste de Marion Maréchal. Après l’adoption du pacte, interrogé sur CNews, la tête de liste du Rassemblement national a en effet accusé Reconquête d’avoir voté « pour la prise en charge des migrants sur le territoire européen ».

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